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Alar échangeait à voix basse avec Malark, tête baissée, quand Elren fit son entrée. Il releva le regard en l'entendant approcher et esquissa un léger sourire en guise de salut. Si le flot de paroles du jeune homme le surprit, il n'en montra rien et se contenta d'écouter attentivement. Il avait fort bien compris l'insinuation de son camarade d'évasion, et, s'il en croyait la légère tension qu'il avait perçu dans l'esprit de Malark, son frère aussi. Il acquiesça sans répondre immédiatement mais ne put prendre la nourriture que lui tendait Elren malgré la faim qui lui tordait l'estomac.
"Je vous remercie d'y avoir pensé. Cela ne se voit pas sous ce manteau mais Malark et moi avons les mains attachées, pourriez-vous nous libérer que je puisse me nourrir ?"
Et, potentiellement, pour d'autres raisons. Mais pour cela il lui fallait plus de temps et de forces, il poursuivit donc la conversation.
"Ne vous inquiétez pas pour ce qui s'est passé. La Roue tourne comme elle le veut, et vous avez eu raison d'agir pour vous préserver. Pouvez-vous me dire comment la situation se présente au dehors ? Et comment va ce mercenaire ?"
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Soulagé que les deux frères aient compris, Elren posa la nourriture et entreprit de défaire leurs liens, tout en procédant, il murmura à l'oreille de Malark :
"Je vous en prie, ne tentez rien maintenant, je vous aiderai de mon mieux à partir quand l'occasion se présentera mais tenter une évasion maintenant serait du suicide pur et dur."
Il continua ensuite à haute voix :
"Il semblerait qu'une réunion au "sommet" se déroule actuellement, et au vu de leur similitudes et de leur complicité naturelle, ça doit être de tout repos !" dit-il, en ne prenant même pas la peine de teinter sa voix d'ironie "Sinon le reste du camp est relativement calme mais tendu...Quand au mercenaire, il est salement amoché et était inconscient la dernière fois que je l'ai vu..."
Ne pouvant s'en empêcher, il finit par poser une question qui lui pesait depuis un bon moment :
"Maitre Alar, pensez vous... que je puisse canaliser?"
N’ayant pas l’intention de tenter quoi que ce soit pour le moment, Malark sourit discrètement pour toute réponse tandis que son frère s’emparait de la nourriture déposée près de lui et s’attaquait au repas avec une férocité méthodique. Les blancs avaient beau adopter un mode de vie plutôt ascétique, mourir de faim ne présentait vraiment aucun avantage. Alar écouta malgré tout avec attention les paroles du jeune bretteur, sourcils légèrement froncés comme s’il réfléchissait à leurs implications. Puis, à la dernière question, il cessa un instant de manger, avala, puis s’accorda quelques secondes de réflexion. Sondant le regard d’Elren, il déclara finalement :
« Je pense que c’est possible, oui. Néanmoins, à l’inverse des femmes qui peuvent en un regard détecter la flamme chez une autre, chez les hommes déterminer la capacité à canaliser le saidin est plus long et demande une certaine concentration. Je ne pourrais vous répondre avec certitude sans vous tester, ce qui implique que je sois moi-même en mesure de saisir la Source. »
Rompant entre ses doigts un morceau de pain sans vraiment y penser, il demanda après un court instant :
« Cette possibilité vous inquiète-t-elle pour une raison ou une autre ? Le saidin offre de nombreux avantages. »
Ils n’en étaient plus à l’époque où les hommes pouvant canaliser devenaient fous, fort heureusement, mais malgré tout, les conséquences restaient nombreuses et pas toujours désirées. Encore que dans son cas, il ne regrettât pas d’avoir rejoint les rangs des Blancs plutôt que ceux des marchands domani. Même si les marchands domani avaient moins de chance d’être enlevés par des groupuscules d’amis du Créateur.
Melyna écouta Ean avec attention. Son approche aiderait surement à apaiser la situation.
"Je suis d'accord avec vous et ne suis pas pour les exécuter. Cependant je doute fortement que nous arrivions à convaincre l'Aes Sedai de rejoindre notre camp. si l'un de vous a donc une idée..."
Elle se tourne vers Brecq et Chasaline. Ces deux là étaient donc en couple. Son idée de les monter l'un contre l'autre pour diriger plus facilement le campus tombait donc à l'eau.
"L'Ajah bleue pourra également vous aider sous certaines conditions bien évidemment. Il faudra certainement changer un peu de méthode. Il est évident que la votre ne nous aidera pas à restée cachés bien longtemps.
J'aimerai qu'Elren soit testé rapidement. Et que quelqu'un garde un œil sur lui. "
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Elren resta pensif pendant quelques instants avant de répondre :
"Dans une situation normale, non cela ne me dérangerait pas spécialement, cela ralentirait juste ma progression à l'épée mais la... Eh bien disons que si je ne peux pas canaliser, j'ai au moins l'assurance de ne pas être choisi comme faux dragon !"
Il se mura ensuite en un silence pensif, en attendant que les frères aient fini de manger ou qu'ils lui reparlent.
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Le souffle de plus en plus sifflant, les joues du mercenaire semblent se creuser, tandis que des cernes noir apparaissent autours des yeux, là où, les restes de chaire prennent un aspect livide.
Brecq paraît franchement surpris aux paroles de Quiz. Lorsque Chasaline se raidit à ses côtés à la mention de l'interrogatoire, par ailleurs interloquée, il étreint brièvement sa main mais continue de fixer l'homme un bon moment comme s'il réfléchissait à ses futures actions. Son attention se déporte ensuite sur Melyna Sedai lorsqu'elle s'adresse à lui, et son visage se tend d'un sourire nerveux.
"Sans vouloir vous offenser, Aes Sedai, si un grand nombre des nôtres ont fui la Tour, ce n'est certes pas pour retomber sous la coupe des Bleues. Coopérer avec vous, oui, mais nous mènerons nos actions comme nous l'entendrons et avec la méthode qui nous sied. N'imaginez pas prendre le contrôle du Kin."
"Je ne suis pas en état de tester le jeune homme pour le moment, et nos autres canalisateurs présents ici sont trop inexpérimentés, vous savez que le processus peut être long. Cela attendra bien quelques heures. Notre objectif le plus urgent est de quitter très vite cet endroit à présent qu'il est, disons, compromis, pour rejoindre une autre base. Ce qui implique de décider avant tout du sort de nos prisonniers."
Il sourit à nouveau d'une façon étrange tandis que son regard revient sur Ean.
"Le Lige s'est opposé à mon exécution sommaire, je suppose que je peux lui épargner ce sort également. Mais pour l'Aes Sedai, il y a d'autres informations qu'il possède qui m'intéressent, et vous intéresseront sans doute aussi. Je pense qu'il a connaissance d'un rapport conjoint de l'Ajah Blanche et de la Brune à propos du Dragon, dont je désire connaître la teneur. Je peux être mieux disposé à son égard s'il y met du sien également. Nous pourrions le joindre à cette conversation ainsi que cet Elren pour discuter des possibilités... Qu'en dites-vous, maître Quiz ?"
Avant que ce dernier ait pu répondre, un jeune homme du camp se présente à l'entrée, l'air vaguement embarrassé. Il fixe Melyna et finit par balbutier :
"Euh... M'dame Aes Sedai... C'vôt' mercenaire... On dirait comme qui dirait qu'y va y passer ? L'est tout pâle et b'zarre."
"Dans une situation normale, vous seriez venu à la Tour et vous auriez pu bénéficier de l'enseignement des maîtres d'armes des Liges."
Enfin, du, étant donné que le second avait probablement été assassiné en même temps que son Aes Sedai voilà quelques années, et il soupçonnait de plus en plus le Kin de ne pas y être étranger. Quant à leurs raisons de s'attaquer à une Brune... Après un regard interrogateur à Malark qui secoua la tête, Alar termina son repas et reposa le bol de grès à ses pieds. Ses forces commençaient à lui revenir. Il se redressa légèrement et fixa Elren avec attention.
"Je ne peux certes pas vous reprocher de ne pas vouloir être le Dragon, vrai ou faux. Je n'y tiens pas non plus. Qui sait le tour que prendront les événements."
Avec précaution, il testa le Bouclier qui le coupait de la Source.
Celui-ci avait été tissé en hâte et ne présentait qu'un seul point d'attache, noué donc vulnérable. Ayant repris des forces avec l'aide de Malark et grâce à la nourriture apporté par Elren, il pouvait...
Le nœud du tissage se brisa sous la pression qu'il y apposa, et le Bouclier se dissipa en quelques secondes. Alar ne perdit pas de temps. Bondissant sur pieds sous le regard surpris de Malark, qui fit de même, il agrippa Elren par le bras. Ce maître Ean avait beau lui inspirer une certaine sympathie, les chances qu'il convainque les autres restaient plus minces que celles qu'il avait de s'en sortir en prenant les choses en main dès maintenant.
Un portail apparut juste derrière les trois autres prisonniers, qui sursautèrent violemment. Il s'ouvrait sur une plaine déserte bien plus au nord du continent.
Dans le camp, des cris d'alertes retentirent. Le canalisateur toujours indemne, veillant sur son camarade, venait de détecter son tissage.
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Comprenant de suite ce qu'il se passait, Elren passa par trois réflexions rapides et consécutives :
Son premier réflexe fut de contrecarrer l'action d'Alar.
Mais se rendant compte qu'il avait au départ l'intention de l'aider à s'échapper, il commença à tirer Alar vers son portail en s'écartant du chemin - il avait un serment à tenir après tout.
Arrivé à la troisième réflexion, il se rendit compte qu'il pouvait aider le Kyn à combattre l'ombre en empêchant Alar de révéler tout ce qu'il avait glaner à l'ombre, et ce faisant il échappait à un destin de faux dragon. Il bondit alors en direction du portail, la main refermée sur le bras d'un Alar bousculé.
Alar et Elren franchissent le portail dans une précipitation un rien chaotique. Malark suit à moins d'un pas après eux. Tandis que les hommes du Kin commencent à approcher de la caravane, le troisième prisonnier, le jeune homme blond peu disposé à aider la Lumière, décide de tenter sa chance et s'élance pour essayer de franchir à son tour l'ouverture.
Au commentaire du jeune homme annonçant que Brönn va mal, Ean ne bouge pas. Le fait que l'état du mercenaire soit préoccupant n'est pas une bonne nouvelle, mais seule Melyna Sedai peut y faire quelque chose. En revanche, lorsque des cris s'élèvent dans le camp, il se lève, les sourcils froncés, se demandant ce qui se passe. Il laisse toutefois Melyna Sedai et Chasaline passer avant pour sortir et évaluer la situation.
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La vague de douleur submerge d'un seul coup le mercenaire alors qu'il reprend connaissance.
Tout son corps le brûle et son souffle lui donne l'impression d'avaler du feu.
Étrangement ce ne sont pas ses blessures qui le torturent le plus.
Son état de faiblesse le plonge dans un désarroi profond.
D'une voix très faible, plus un râle en fait il demande :
"D'de de l'eau s'il vous plaît"
Trop faible pour quoi que ce soit d'autre, il ne réalise pas bien ou il se trouve et ne parvient pas à se souvenir des dernières heures.
