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L'Ecarlate
(Sujet créé par JustBob l 09/11/04 à 10:46)
non favori


Je compte sur vous pour me donner le courage de terminer ce texte


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Dom
02/01/2005 21:57
Ménestrels et cochons: tout y est bon !

Je lis et je te fais part de mes commentaires
Aelghir
11/01/2005 18:13
Chevalier un jour, Chevalier toujours ! Montjoie Saint Denis et Tutti Quanti !

Avant dernier chapitre :


fatigué, malgré l’heure très matinale, le crieur de rue accomplir son office. D’ici peu de temps, toute la cité sera informée et alors les plus folles rumeurs se répandront comme une traînée de poudre.

Pas plutôt serait et se répandraient ?


Je crains que notre espoir de découvrir des survivants vient de s’envoler en fumée.

Je ne pense pas que les modes concordent

Je crains que notre espoir ... ne vienne ... ?

Sinon très agréable à lire et très fouillé, complexe même .
J'ai bien aimé le passage au sujet du tableau .

Je lirai le chapitre suivant plus tard, j'ai une réunion .
Caldazar
11/01/2005 19:13
Le Blob attaque !

- Je me demande bien qui a écrit le scénario de cette histoire.
- Un tordu.

JB tu pourrais etre un peu plus indulgnt envers toi meme quand meme...

Sinon j'ai bien aimé...
JustBob
12/01/2005 17:19
Joyeux Barbare

Hum, petit clin d'oeil que je supprimerai peut-être plus tard.

Merci

Ok pour les corrections Aelghir. Merci (complexe ? oui c'est ce qui me fait peur... pour l'instant je maitrise encore toutes les ficelles, donc ça va de ce côté là, en revanche j'espère que ça reste compréhensible du côté du lecteur)

Et hop la suite ! C'est dense encore et il ne se passe pas grand chose, mais bon, j'aime ça
JustBob
12/01/2005 17:20
Joyeux Barbare

Arrivées.

Accoudées à la balustrade du château avant, les deux femmes contemplaient en silence la mosaïque de champs et de bois traversée par le ruban scintillant de la Vidaule qui défilait sous la coque racée du Triomphant. Au loin, se dessinait la cité de Valmont s’étendant telle une pieuvre grisâtre échouée sur le bord de mer. En cette lumineuse matinée, le ciel était dégagé et aucun nuage ne venait gêner la vue. La plus âgée des voyageuses remonta le col de fourrure de son long manteau de velours brun pour se protéger du vent frais qui fouettait leurs visages. Les deux légères bosses ornant son front et ses larges iris noirs indiquaient qu’elle était une héritière de l’ancienne aristocratie de Tan Ystrel qui avait abandonné toute présomption au pouvoir depuis l’avènement de la république. Malgré ses pommettes saillantes, l’étroitesse de son nez et sa mâchoire sévère, le charme qui émanait d’elle en faisait une femme à qui peu d’hommes resteraient insensibles.
- Je ne me lasserai jamais de ce spectacle. Et pourtant ce n’est pas mon premier voyage à bord d’un dirigeable.
Son interlocutrice resta un moment silencieuse. D’un geste gracieux, elle ramena derrière son oreille une mèche blonde que le vent avait eu l’outrecuidance de faire voltiger devant ses yeux. De petite taille, ses charmantes rondeurs, mises en valeur par une tunique noire parfaitement ajustée, offraient un contraste saisissant avec la silhouette longiligne de son aînée. Leur seul point commun résidait dans l’envoûtement exercé par leur sombre regard. Finalement, la jeune femme répondit avec une intonation dénotant d’une maturité en contradiction avec l’aspect enfantin de son visage.
- En effet. Paradoxalement, si d’ici on a l’impression de dominer le monde, je trouve que cette vision nous ramène à ce que nous sommes réellement. De simples grains de poussière.
- Peut-être. Mais, parfois, certains grains de poussière ont le pouvoir et l’opportunité de façonner le destin de ce monde. Et c’est votre cas, princesse Faidhi.
- Le destin des hommes, conseillère El Amyne. Seulement le destin des hommes. Quoique nous fassions, le monde continuera de tourner indifférent à nos gesticulations.
- En êtes-vous sûre ? Si l’on en croit les traditions animistes du Kelan, il existe un lien entre chaque chose. Cette notion apparaît aussi dans certains textes des Oracles.
- Je n’écarte pas ces hypothèses. C’est une question d’échelle. La fourmi est liée à l’éléphant. Ils vivent dans le même environnement. Mais leurs sphères d’évolution sont si éloignées l’une de l’autre qu’on peut considérer ce lien comme négligeable. L’image est maladroite, mais je pense que vous comprenez l’idée.
- Oui. Et je me répète. Même la chose la plus insignifiante qui soit peut avoir une influence aussi extraordinaire que décisive.
Une moue dubitative se dessina sur les lèvres sensuelles de la princesse Constance Faidhi. Elle avait fait la connaissance de la conseillère El Amyne, représentante de la république de Tan Ystrel, au cours de ce voyage et appréciait sa compagnie. Malgré ses réticences initiales, elle n’avait pas su résister à la curiosité d’en savoir plus à son sujet. Elle ne le regrettait en rien car elle avait partagé d’agréables moments et de passionnantes discussions. Il est vrai qu’elle avait rarement eu l’occasion de côtoyer des personnes pouvant rivaliser avec son intelligence et sa culture. Soit elle avait affaire à des courtisans réellement stupides, soit l’obséquiosité ou la crainte amenaient ceux qui la rencontraient à acquiescer béatement à ses paroles. Même si elle devait reconnaître qu’elle avait assez peu de patience face à la contradiction. A cette pensée, un sourire ironique remplaça sa moue. La conseillère ne devait d’ailleurs pas se rendre compte qu’elle était passée plusieurs fois bien près d’un funeste destin. Seul l’enjeu de ce qui allait se dérouler à Valmont l’avait empêchée de sanctionner définitivement l’attitude parfois condescendante de son aînée. Mais plus que cela, c’est son comportement presque maternel qui l’agaçait le plus.
Ses pensées furent alors interrompues par l’apparition d’une brume tournoyante en face d’elles. La minuscule tornade se stabilisa puis un visage androgyne se dessina à sa surface. L’air vibra et des mots effleurèrent les oreilles des deux voyageuses.
- Nous approchons de Valmont, mesdames. Le Triomphant va commencer sa descente. Je vous prie de bien vouloir vous mettre à l’abri à l’intérieur de la nacelle.
Les deux femmes acquiescèrent et saluèrent l’esprit de la Matrice qui animait l’aéronef. Fruit des connaissances alchimiques de la guilde de l’Accord, le Triomphant était connu pour son caractère affable et prévenant ce qui était inhabituel, la plupart des esprits matriciels étant plus volontiers facétieux et indociles. La tornade s’effilocha en une langue de brume et s’en alla avertir les autres voyageurs qui flânaient sur le pont à l’ombre de la courbure rebondie du ballon en forme d’œuf étiré maintenant le dirigeable dans les airs.
La princesse Faidhi et la conseillère El Amyne pénétrèrent dans le salon réservé aux personnes les plus importantes. Elles y retrouvèrent le reste de leurs délégations respectives confortablement installé dans la vaste pièce illuminée par les baies vitrées qui occupaient quasiment toute la surface des parois. Un sourire indéfinissable sur ses lèvres émaciées, la conseillère regarda celle qui était promise à l’Empereur rejoindre ses compagnons et les autres représentants des Princes-Marchands qui s’observaient en chiens de faïence. La féroce rivalité qui existait entre les cinq familles régnantes de Massada s’estompait dès qu’il s’agissait de défendre des intérêts communs. L’alliance avec l’empire de Baulieu en était un et la perspective de se partager la dépouille de l’Ostria avait incité chacune des familles à soutenir le prince Faidhi, officiellement du moins.
Le dirigeable entama la descente en une longue série de cercles concentriques qui l’amènerait à se poser dans les jardins du Palais Impérial. Les domestiques rassemblèrent les bagages des dignitaires et ceux chargés du protocole vérifièrent une dernière fois que tout était bien au point pour la sortie du Triomphant. La délégation de Massada précèderait celle de Tan Ystrel compte tenu de la présence de la princesse.

Loin en contrebas, sur l’aire d’atterrissage, le comte François de Boisdombre faisait les cent pas, une expression d’agacement sur le visage. Le capitaine Valdez, impeccablement sanglé dans son uniforme vert sombre à parements d’or, observait d’un air impassible son supérieur. Non loin de lui, aussi sinistre qu’un fossoyeur, Lucciano Di Totti semblait tout aussi indifférent. Le ministre de l’Intérieur s’arrêta enfin et se mit à tapoter nerveusement la garde de son épée de cérémonie.
- Bon sang ! Mais que fait-il ?
- Je suppose que le capitaine de Toques a du avoir un souci en chemin. Peut-être un problème familial.
- Cela ne lui ressemble pas. Il est toujours ponctuel. Ah ! Voilà son aide de camp !
Après avoir remonté au grand galop l’une des grandes allées qui traversaient le jardin, l’homme sauta habilement à terre et salua rapidement le ministre. Ce dernier comprit de suite à l’expression du soldat qu’un grave événement avait eu lieu.
- Seigneur, le capitaine n’est pas à son domicile et personne ne sait où il peut être. Mais j’ai trouvé ceci sur son lit.
L’homme sorti de sa poche un mouchoir taché de sang noué par les quatre coins et le tendit au comte. Après avoir jeté un œil à ce qu’il renfermait, il le donna à Valdez sans dire un mot. Le jeune capitaine observa un moment le doigt tranché orné du sceau de la Garde Impériale.
- C’est bien celui du capitaine de Toques. Le sceau est toujours actif, il doit donc être toujours en vie.
Il resta silencieux un bref moment puis reprit la parole.
- Quels sont vos ordres ?
- Vous allez prendre le commandement des hommes de Gonzague en plus des votre et vous allez assurer la sécurité de la princesse Faidhi ainsi que celle de la conseillère El Amyne. Vous y parviendrez ?
- Aucuns problèmes. J’ai bien pris note des dispositions qui la concernent.
Il se tourna vers la Lame Noire qui s’était approché, un pli soucieux lui barrant le front.
- Cela ne vous gêne pas, messire Di Totti ?
- Nullement. Votre compagnie m’est très agréable. Après votre agression de l’autre soir, la disparition du capitaine de Toques confirme que quelqu’un cherche à saboter les négociations qui auront lieu.
- A ce sujet, si j’ai bien compris, c’est bien la princesse elle-même qui va négocier sa main, si j’ose dire.
- En effet. Elle sera la voix de mon maître.
- Confier une telle responsabilité à une femme aussi jeune n’est-il pas risqué ?
Un bref rire s’échappa de la gorge du spadassin.
- Vous ne connaissez pas la princesse ! Mais ça ne saurait tarder…
De la main, il indiqua la gracieuse silhouette de la nef suspendue à son ballon qui s’approchait de l’aire d’atterrissage en dessinant une longue courbe descendante. Le capitaine contempla un instant le spectacle puis s’en alla ordonner à ses hommes de former la haie d’honneur. Ceux-ci portaient leur uniforme d’apparat mais d’autres patrouillaient dans les environs et leur accoutrement n’avait rien de cérémonial. Sur la gauche, la fanfare de la Garde se préparait tandis que sur la droite la masse des dignitaires qui avaient eu le privilège d’accueillir les invités était dirigée de main de maître par le chambellan de l’Empereur. En tête de cette délégation, se détachait la haute silhouette du comte Vincent de Sombrelame, Premier Ministre de l’Empire et chef de file respecté du parti de la Réforme. La deuxième personnalité politique de Baulieu représentait ici l’Empereur et quiconque connaissait un tant soit peu le vieil homme pouvait lire sur son visage sévère tout l’ennui que ce rôle lui inspirait. D’autant qu’il n’avait jamais dissimulé ses réticences à cette méthode archaïque pour mettre un terme au conflit avec l’Ostria même s’il avait bien du reconnaître qu’il s’agissait là du meilleur moyen pour sortir de cette impasse aussi coûteuse en hommes qu’en argent.
Au-dessus de leurs têtes, les gigantesques hélices qui propulsaient le Triomphant s’arrêtèrent et une douzaine d’écharpes de brumes tournoyantes firent leur apparition. Emanations de l’esprit aérien lié au dirigeable, elles dessinèrent un fantastique ballet virevoltant autour de la coque tout en la soutenant et en l’accompagnant sur sa trajectoire. Le prodigieux engin, fruit des toutes dernières connaissances alchimiques alliant magie et technologie, se stabilisa doucement à deux mètres au-dessus du centre de l’aire d’atterrissage. Au sol, les manœuvriers poussèrent une longue rampe en bois à la perpendiculaire de la nef et qui s’ajusta parfaitement au niveau du bastingage. Les cuivres de la fanfare entonnèrent un hymne aux accents joyeux tandis qu’en réponse au signe de tête du capitaine Valdez, la haie d’honneur s’avançait et s’alignait impeccablement dans le prolongement de la rampe.
A son sommet, une silhouette menue fit son apparition. Vêtue d’un pantalon noir assorti à sa veste cintrée ornée de quatre boutons d’argent, la princesse Faidhi s’avança, sa blonde chevelure luisant de reflets éclatants. Cet accoutrement, complété par ses bottes de cavalier et la rapière qui ornait sa large ceinture de tissu, arracha un sourire à Martin. En délaissant les encombrantes robes de courtisane pour cette tenue plus martiale, la jeune fille entendait visiblement souligner l’aspect militaire et diplomatique de sa visite. Elle tenait aussi certainement à détromper ceux qui ne voyaient en elle qu’une esthétique monnaie d’échange destinée à sceller l’accord entre son père et l’Empereur. Les quatre Lames Noires à la physionomie patibulaire qui emboîtèrent son pas, venaient confirmer cette première impression. Valdez jeta un œil au sergent Muller qui lui confirma d’un signe de la main que les environs étaient parfaitement sécurisés puis acquiesça à la question muette du chambellan. Ce dernier fit alors avancer la délégation, toujours menée par le Premier Ministre, au pied de la passerelle afin d’accueillir l’invitée de marque.
Le capitaine releva les yeux pour observer les deux nouvelles silhouettes qui s’engageaient à leur tour sur la rampe. Malgré l’agréable chaleur de cette matinée ensoleillée, la représentante de la République de Tan Ystrel était élégamment vêtue d’un long manteau brun bordé de fourrure. Elle était suivie de près par un homme engoncé dans un cafetan d’un blanc éclatant et dont l’imposant turban ne laissait visible que la partie supérieure du visage. Nulle arme n’était visible mais pourtant, à sa façon de se déplacer, le garde du corps de la conseillère paraissait aussi dangereux qu’un des redoutables serpents qui pullulaient dans l’immense désert servant d’écrin à Tan Ystrel. Valdez connaissait la réputation de ces guerriers masqués dont l’arme la plus efficace était le mystère qui les entourait. Il espérait bien que sa mission de protection lui donnerait l’occasion d’en apprendre un peu plus à leur sujet. Toujours flanqué de Lucciano, il laissa le temps nécessaire aux fastidieuses salutations protocolaires puis rejoignit le groupe qui s’était formé au pied de la passerelle. Le Premier Ministre l’accueillit et le présenta aux deux invitées.
- Princesse Faidhi, conseillère El Amyne, je vous présente le capitaine Valdez. Il sera chargé de votre protection tout au long de votre séjour. Il restera à votre disposition pour organiser tous vos déplacements. N’hésitez pas à faire appel à ses services.
Le visage impassible, Martin salua les deux femmes d’une brève inclinaison du torse. Le regard noir de la princesse glissa sur lui comme s’il était quantité négligeable puis se posa sur Di Totti. Un charmant sourire se dessina sur ses lèvres rouge sang et elle s’adressa au spadassin.
- Lucciano, quel plaisir de vous revoir. Votre présence à mes côtés m’est très rassurante.
Le capitaine réprima une insolente réflexion en réponse à l’affront dont il venait d’être victime. Il avait l’habitude de ce genre d’attitude de la part de personnes qui se croyaient d’un rang supérieur au sien et s’en était fait une raison depuis bien longtemps. La Lame Noire saisit la main que lui tendait la jeune femme et la baisa respectueusement avant de répondre.
- Votre confiance m’honore, maîtresse. Je pourrai m’acquitter de ma mission dans les meilleures conditions grâce à la coopération du capitaine Valdez.
La princesse inclina la tête et reporta son attention sur Martin, visiblement satisfaite par le crédit que le spadassin avait exprimé à l’égard du jeune officier. Ce dernier soutint sans sourciller son regard envoûtant.
- Heureuse de faire votre connaissance, capitaine Valdez. Nous aurons l’occasion de discuter plus longuement car j’ai l’intention de profiter de mon séjour à Valmont pour visiter le cité.
- A votre disposition, princesse.
Elle le remercia d’une brève inclinaison de la tête puis s’en alla à la suite du Premier Ministre pour être présentée aux différents dignitaires qui patientaient un peu plus loin. Martin retint un soupir de soulagement. Ce regard avait provoqué en lui une intense fascination, presque un désir sexuel, mais, en même temps, une étrange révulsion. Une voix douce aux accents mélodieux le tira de sa réflexion.
- La princesse Faidhi est une personnalité étonnante et ne laisse personne indifférent.
Le capitaine se tourna vers la conseillère qui l’observait. Le sourire qui éclairait son visage presque banal ainsi que l’expression chaleureuse de son regard lui firent immédiatement oublier les curieux sentiments suscités par la princesse. Cette femme, qui devait approcher du demi-siècle d’existence, respirait la confiance et la sympathie. De plus, il devait bien se l’avouer, si elle n’avait ni la jeunesse, ni la vénéneuse beauté de la princesse, le terme de fascinant était bien pâle pour décrire l’attrait qu’elle exerçait. Se rappelant ce qu’il connaissait des ystréliennes, il écarta ces pensées et répondit d’une voix neutre.
- Enchanté de faire votre connaissance, conseillère El Amyne.
- Le plaisir est pour moi, capitaine Valdez, d’autant que je ne m’attendais pas à être chaperonné par quelqu’un d’aussi jeune et d’aussi bien fait que vous. Sans parler de votre réputation.
- Ma réputation ?
- L’écho de vos exploits lors des émeutes d’avril est parvenu jusqu’au Joyau du désert.
- Echo certainement amplifié et déformé. J’ai simplement donné le bon ordre au bon moment.
- Votre modestie vous honore, capitaine.
Elle désigna de la main l’homme habillé de blanc qui attendait deux pas derrière elle.
- Je vous présente Sa’Anda. Veuillez le considérer comme ma deuxième ombre.
Martin salua le guerrier d’un signe de tête mais ce dernier resta immobile, se contentant de fixer son regard bleu acier sur l’officier.
- Ne vous offusquez pas. Sa’Anda n’est guère loquace mais il ne vous gênera aucunement dans le bon accomplissement de votre mission. Si vous me permettez, capitaine, le devoir m’appelle. J’espère que nous aurons l’occasion de faire plus ample connaissance.
Sur ces mots, elle tourna les talons, toujours suivie par son impassible garde du corps, pour rejoindre le Premier Ministre ainsi que la princesse Faidhi. Valdez haussa les épaules. Il pensait bien connaître la psychologie féminine mais face à ces deux spécimens qu’il était censé protéger, il ne pouvait que constater que leur compagnie risquait de lui causer bien des soucis. Dans des styles très différents, elles étaient toutes deux aussi intelligentes que dangereuses.

Martin avait pleine confiance dans les mesures de sécurité prises et se concentra alors dans l’observation d’un personnage qui le fascinait depuis de nombreuses années, le comte Vincent de Sombrelame. Le vieil homme était un érudit respecté de tous ainsi qu’un homme politique visionnaire. Sous son impulsion, le parti de la Réforme était devenu une force politique majeure de l’Empire. La disgrâce du parti traditionnel, fidèle à l’Eglise des Oracles, lui avait facilité la tâche et son principal rival était maintenant le parti Impérial qui se reposait sur les anciennes valeurs de la féodalité et qui voyait d’un mauvais œil les bouleversements sociaux proposés par les réformateurs. L’échec de la guerre contre l’Ostria l’avait écarté des plus hautes instances dirigeantes même si son influence restait importante et c’est naturellement que le comte de Sombrelame avait pris le poste de Premier Ministre depuis maintenant quatre ans. Mais c’était à son tour d’être sur la sellette compte-tenu de la stagnation du conflit qu’il n’avait su résoudre par des moyens diplomatiques ou militaires. Logiquement, le rapprochement avec Massada ouvrait des perspectives qui lui permettraient de sortir de cette impasse et donc de préserver sa position. Toutefois, le vieux comte voyait au-delà et craignait que le prix à payer ne soit bien trop élevé pour les intérêts de l’Empire. De plus, par ce mariage, l’Empereur avait trouvé un moyen de passer au-dessus des prérogatives de l’Assemblée en faisant appel aux coutumes ancestrales et son Premier Ministre savait pertinemment qu’il n’aurait pas, ou peu, son mot à dire par rapport aux clauses de ce contrat.
Ces aspects n’étaient pas vraiment ceux qui intéressaient Martin, même si le fait qu’un homme du peuple comme lui ait pu accéder à ce poste de capitaine de la Garde Impériale était intimement lié aux efforts des réformateurs depuis trois siècles. Le comte n’avait pas toujours été cet homme politique plongé dans les tourments du pouvoir. Il avait connu une jeunesse tumultueuse faite d’aventures rocambolesques et de voyages dangereux. Intrépide, insolent et fantasque, il avait incarné une image romantique du spadassin. Il avait aussi été l’une des plus fines lames de l’Empire, si ce n’est la meilleure. Et même à son âge avancé, Martin avait eu la preuve que le comte n’avait rien perdu de sa virtuosité.
Trois ans auparavant, alors qu’il venait juste de sortir de l’Académie militaire, il avait acquis une certaine réputation d’épéiste et cela lui était monté à la tête. Il avait eu l’idée de défier les membres du Cercle de la Plume et de l’Epée, un cercle d’escrime qui avait été créé par le comte de Sombrelame et par l’intermédiaire duquel il avait fait son entrée en politique. Martin avait défait plusieurs des jeunes nobles de ce Cercle et il s’y était rendu, une fois de plus, pour lancer un nouveau défi. Mais ce jour-là, le comte était présent et ce fut lui qui répondit à son insolente provocation. C’était bien sûr là l’objectif inavoué du jeune officier et en croisant le fer avec cette légende vivante il avait ressenti un frisson dont il se souviendrait jusqu’à la fin de ces jours. Il pensait que ce duel ne serait qu’une formalité, un clin d’œil à l’histoire et que le comte se contenterait d’une aimable passe d’arme. Tel ne fut pas le cas. Après quelques instants d’observations, d’échanges d’attaques et de parades aussi courtoises qu’académique, Martin lança un assaut plus vigoureux qui se solda par un échec. L’aisance et la nonchalance du vieil homme commençaient à l’énerver et ses coups se firent plus appuyés. Des élèves voulurent intervenir mais le comte leur fit un geste qui les plongea dans un silence tendu et respectueux. Il avait jubilé en comprenant que le vieil homme lui accordait un véritable duel.
Maintenant plongé dans ses souvenirs, indifférent à la délégation qui se mettait lentement en mouvement vers le palais, il se souvenait de la sueur qui perlait à son front tandis qu’il enchaînait les attaques les plus complexes de son répertoire.
Il se souvenait du sourire indulgent du comte dont la lame écartait la sienne avec une désespérante facilité.
Il se souvenait de sa rage grandissante et du coup bas, indigne, qui avait jeté le vieil homme à terre.
Il se souvenait du murmure outré des épéistes tandis que le comte se relevait habilement alors qu’il persistait à l’attaquer au sol.
Il se souvenait de cette lame qui s’enroulait autour de la sienne, qui le forçait à une garde haute, de ce genou fléchi, de ce geste insaisissable et de cette pointe posée sur sa gorge.
Il se souvenait de la honte qui l’avait envahi, la tête baissée, le regard fixé sur l’épée à laquelle son existence était rivée.
Le comte l’avait alors félicité et ses mots l’avaient réconforté.
- Vous êtes doué, jeune homme. Très doué. Vous n’avez pas à avoir honte. Quand on se bat pour sa vie, il n’y a aucune règle à respecter. Vous m’avez appris quelque chose aujourd’hui. Je ne connaissais pas cette sournoise, mais efficace, feinte que vous avez utilisée. Je ne m'y ferai pas prendre deux fois. J’espère qu’il en est de même pour vous.
Martin lui avait alors demandé de lui enseigner la botte qu’il n’avait su parer mais le vieil homme avait refusé.
- Le fait de l’avoir vue et d’avoir survécu doit vous suffire. Je ne peux rien faire de plus pour vous.
Le jeune capitaine n’avait rien oublié de ce moment et cela lui avait sauvé la vie, il y a deux nuits, face à l’homme en gris qui avait exécuté à la perfection la botte de Sombrelame.
Aelghir
12/01/2005 18:01
Chevalier un jour, Chevalier toujours ! Montjoie Saint Denis et Tutti Quanti !

le terme d’attirant était bien pâle pour décrire l’attrait qu’elle exerçait



Attirant et attrait dans la même phrase me dérange un peu
Sinon toujours bien , dense c'est sûr, peut-être pas assez aéré (longs paragraphes ) .
J'aime beaucoup l'idée des dirigeables .
JustBob
13/01/2005 10:08
Joyeux Barbare

Ok merci !

J'ai fait la modif et j'ai une peu aéré (au fait, pour info, la plupart des éditeurs demandent de ne pas sauter de ligne entre les paragraphes ou uniquement si c'est justifié (changement de lieu, de personnages), ils se contentent des interlignes question "aération" du texte).
JustBob
19/01/2005 11:39
Joyeux Barbare

Hop, la suite. Où vous en apprendrez un peu plus sur deux de nos "héros" (je sens qu'ils ne vont pas te plaire Aelghir ) et beaucoup de dialogues.
JustBob
19/01/2005 11:40
Joyeux Barbare

Enquête.

Le docteur Lucas avait sa tête des mauvais jours et descendait le boulevard des Ateliers d’un pas rageur. La veille, il avait passé sa journée à écumer tous les apothicaires ayant pignon sur rue à la recherche de la chloritine, l’une des drogues présente dans l’organisme de l’Ecarlate. Malgré ses promesses d’une généreuse récompense, la réponse avait été invariablement négative et les marchands avaient été incapables de lui fournir une piste sérieuse. Il n’était heureusement pas au bout de ses ressources et avait consacré cette belle matinée de dimanche auprès des fournisseurs illégaux. A son grand désespoir, cela n’avait rien donné pour le moment et il se dirigeait maintenant vers le Delta. Il s’engagea sans hésiter dans le labyrinthe de ruelles et de canaux de son quartier natal.
Après une dizaine de minutes d’une marche rapide, il déboucha sur une minuscule place quasiment indécelable pour qui ne connaissait pas son existence tant ses accès étaient étroits et tortueux. Elle était cernée par des immeubles de un ou deux étages dont les balustrades plus ou moins bancales dominaient son sol aux pavés disjoints et envahis par les mauvaises herbes. Le peu de lumière qui y pénétrait était filtrée par les cordages chargés de linges qui s’étendaient d’un balcon à un autre. Quelques gamins entre quatre et dix ans jouaient torse-nus sous le regard distrait de leurs mères occupées au lavoir délabré qui trônait au centre. A l’arrivée du docteur Lucas et à la vue de ses vêtements propres et de bonne qualité, les mômes cessèrent de jouer et se précipitèrent vers lui pour quémander quelques piécettes. Tout en veillant à ce qu’une main preste et légère ne le déleste du contenu de ses poches, Hector fronça ses épais sourcils et prit son air le plus renfrogné provoquant ainsi un déluge d’insultes, de quolibets ou de lamentations. Après quelques instants de ce manège, il éclata de rire et s’agenouilla pour distribuer à chacun une pièce extraite de sa bourse. Il se délecta de leurs sourires radieux et de leurs yeux qui brillaient à la vue de la véritable fortune, à leur échelle, qu’ils tenaient entre leurs mains. Finalement, il n’y a pas si longtemps, il avait été l’un de ces enfants et il se rappelait parfaitement de la valeur d’un tel présent. Même si son père était un médecin, il était trop investi dans sa vocation et refusait tout paiement pour ses services. De ce fait, il avait imposé à son fils le même mode de vie que les gens qu’il soignait. Hector avait peut-être hérité de ses compétences mais certainement pas de ses scrupules et, sans pour autant être égoïste, il plaçait son bien-être personnel au-dessus de ce type de bons sentiments.
Reprenant son expression rébarbative, il leur glissa quelques mots en argot et ils s’écartèrent de son passage en riant. Il se releva et scruta la pénombre qui régnait sous les balcons. Son regard s’arrêta sur une forme qui aurait pu passer pour un tas de vêtements sales posé contre le mur. Sans hésiter, il se dirigea dans sa direction et s’arrêta à un pas, les yeux fixés sur la gueule menaçante du pistolet qui émergeait maintenant de la masse informe. Une voix agressive et haut perchée s’en échappa.
- Si tu viens pour récupérer ton argent, passe ton chemin.
- Range cette arme, Kallas. Tu ne sais pas t’en servir et en plus t’es tellement radin que je suis certain que tu n’as même pas pris la peine d’acheter de la poudre et des balles.
- Peut-être. Mais je ne te rembourserai pas quand même.
L’arme disparut et le tas s’anima. Un visage ridé d’une propreté douteuse se releva vers Hector et le regard méfiant du vieil homme se fixa sur lui.
- Que me veux-tu ?
- Je cherche de la chloritine.
- Je n’en ai pas. Au revoir.
Le docteur resta immobile. Brusquement, il se baissa et saisit le vieillard par le col puis, le soulevant brutalement, il le plaqua contre le mur. Indifférent à l’haleine fétide du dénommé Kallas, il approcha son visage du sien.
- Que tu m’escroques, cela je veux bien le comprendre. Ce sont les règles du jeu. Mais là, j’ai absolument besoin d’informations. Et je ne partirai pas avant d’en avoir, même si je dois te transformer en planche anatomique pour cela.
Hector lâcha le vieil homme qui s’écroula en poussant un juron à ses pieds. Il réajusta sa veste sur ses larges épaules et reprit.
- Je suis prêt à payer.
Kallas se dissimula à nouveau sous l’amas de vêtements et cracha.
- Je peux te faire tuer pour ce que tu viens de faire ! Me brutaliser, moi, un pauvre vieillard ! Tu te crois fort, hein ? T’en profites ! N’as-tu pas honte ?
- Non.
Le vieil homme sembla se calmer.
- Je connais quelqu’un qui peut en avoir. Parlons d’abord du prix.
- Combien ?
- J’ai quelques clients qui seraient intéressés par une certaine drogue dont on commence à parler dans certains milieux. On l’appelle la poussière d’étoile.
- Jamais entendu parlé.
- Ne joue pas au plus fin avec moi, petit docteur. Je sais ce que je t’ai vendu. Et j’ai une petite idée de ce qu’on peut faire avec et cela correspond bien aux effets qu’on m’a décrit.
Hector garda le silence. Il savait que son petit trafic ne pouvait rester totalement inaperçu. Le plus important pour lui était d’éviter de mettre le doigt dans l’engrenage d’une commercialisation trop importante. Il avait conçu cette drogue avant tout pour mettre en application ses connaissances. Sa vente lui permettait bien sûr d’arrondir confortablement ses revenus mais il souhaitait rester dans le domaine artisanal. Or, sa poussière d’étoile était susceptible d’intéresser des personnes ayant bien plus d’ambitions, et bien moins de scrupules.
- Qui sont ces clients ?
- Voyons ! Tu sais bien que cela ne se demande pas !
La voix aigrelette exprimait maintenant la ruse et la convoitise. Le vieil homme jubilait car il se savait en position de négocier à son avantage.
- Tu as peur, hein ?
- Non. Disons que je m’inquiète.
- Ne te fais pas de soucis. Je ne suis pas un mauvais bougre. Je n’ai pas l’intention de divulguer ton… notre petit secret.
Hector serra les poings et réprima une furieuse envie de faire cracher ses dernières dents au vieil homme. Mais il savait que l’appât du gain de Kallas était tel qu’il éviterait, lui aussi, d’alerter de plus gros poissons à l’appétit bien plus vorace. Il ramassa sa mallette de médecin et en extirpa une fiole sans étiquette. En un clin d’œil, elle disparut sous l’amas de vêtements.
- Un flacon. Cela représente une dizaine d’injections. Pas plus d’une par jour sinon l’effet d’addiction sera démultiplié. Je te le donne en échange de l’information que je souhaite. Si tu en veux plus, tu sais où me trouver. Nous discuterons alors de ton pourcentage.
- Voilà un langage qui me plait… cher associé. Tu trouveras un certain Nazil à la taverne du Puits. Il y a quelques temps, il avait ce que tu cherches. J’ignore s’il en a toujours en réserve mais il doit connaître une filière.
- C’est tout ?
- Fais attention. Cet homme est loin d’être aussi aimable que moi. Il traîne toujours avec quelques gros bras et je sais de source sûre que certains de ses clients qui avaient des difficultés de paiement ont servi de nourriture aux poissons du Delta.
- Merci pour l’avertissement.
Sur ces derniers mots, le docteur s’éloigna et quitta la petite place, une expression soucieuse sur le visage. Cela ne l’enchantait guère de devoir traiter avec un trafiquant qu’il ne connaissait pas. Il commençait à risquer gros dans cette affaire et il n’avait absolument pas l’intention de se mettre en danger inconsidérément. Il se souvint du visage d’Elain de Cendres et réprima un désagréable frisson. Bien sûr, donner satisfaction à la redoutée duchesse pouvait se révéler très profitable, mais il évitait de faire affaire avec des personnes qu’il jugeait avoir des capacités intellectuelles supérieures aux siennes. Le Préfet était certes excessivement intelligent mais ses convictions et son dévouement le rendaient très prévisible, ce qui était très loin d’être le cas de la conseillère de l’Empereur. Bien que Phil lui ait assuré que la situation ne pourrait que leur être avantageuse, il persistait à douter, son ami étant parfois bien trop confiant. Pourtant, malgré sa méfiance, il se sentait irrésistiblement attiré par cette enquête. Ce qu’il avait découvert sur la créature était proprement fascinant et l’envie d’en savoir plus sur cette prodigieuse expérimentation médicale était bien plus forte que ses réticences.
Il arriva en fin d’après-midi à la taverne du Puits, un bouge comme parmi tant d’autres. Dans une ruelle attenante, il vérifia que son pistolet était bien armé et prêt à l’usage. Il le glissa à la ceinture et referma sa veste afin de le dissimuler puis s’engagea dans le court passage voûté qui menait dans le sordide établissement. A cette heure-ci, il y avait peu de clients hormis les habituels piliers de comptoir qui jouaient aux dés. L’éclairage parcimonieux et le silence feutré de la pièce principale étaient propices au règlement de toute sorte d’affaires plus ou moins légales. Hector s’approcha de l’aubergiste, un homme de petite taille au visage de fouine et à l’expression rébarbative. Il fit apparaître une pièce entre ses doigts et la posa sur le vernis maculé du bar, conservant sa main dessus.
- Je cherche Nazil. Pour affaire.
L’homme se contenta de hausser les épaules et indiqua du regard un recoin non loin de la porte de la cuisine. Laissant la pièce, le docteur s’y dirigea mais avant d’avoir pu atteindre le renfoncement, deux hommes à la carrure conséquente en surgirent et lui barrèrent le chemin.
- Que veux-tu ?
Habitué aux us et coutumes de ce genre de trafiquants, Hector ne s’en formalisa pas.
- Je suis un client et j’ai de quoi payer.
Les deux gardes du corps l’observèrent de haut en bas, puis s’écartèrent. Il s’avança, indifférent à la présence des deux molosses juste derrière lui. Le recoin était occupé par une table ronde, derrière laquelle un homme vêtu luxueusement, mais avec un mauvais goût remarquable, trônait sur un fauteuil. Il était particulièrement gras, et sa tête ronde et imberbe reposant sur un confortable double menton exprimait la méfiance. Un parfum écœurant qui masquait mal des relents de graillon assaillit les narines du docteur. Coincés entre des bourrelets de graisse, deux petits yeux chafouins le scrutèrent un instant puis une main aux doigts boudinés et surchargés de bagues clinquantes indiqua la chaise située en face. Hector prit place en souriant.
- Que cherchez-vous ?
- De la clhoritine.
Le trafiquant renifla.
- Je n’en ai pas.
- On m’a affirmé le contraire. Si vous n’en avez pas, vous savez où en trouver. Je ne négocierai pas le prix. Vous pouvez faire une très bonne affaire.
Un petit rire fit tressauter la graisse de son visage.
- Même si j’en avais, je connais déjà un très bon client avec qui il vous sera difficile de rivaliser.
Hector réfléchit un bref instant. L’Ecarlate devait avoir besoin d’une importante quantité de chloritine et, compte-tenu de la difficulté de s’en procurer, il était fort probable qu’il avait demandé à ce Nazil de lui fournir l’intégralité de ce qu’il pourrait obtenir. Maintenant, il ne restait plus qu’à espérer que ce raisonnement était le bon.
- Et qui est ce client ? Il pourrait peut-être m’aider.
Un nouveau rire le secoua et ses yeux fixèrent méchamment le docteur.
- Nous n’avons plus rien à nous dire.
Hector sentit une main lourde se poser sur son épaule. Il se redressa en souriant.
- Vous êtes sûr de ne pas vouloir me répondre ?
L’homme se contenta de renifler et la pression se fit plus insistante. Puis un bruit sourd retentit et le garde du corps qui tenait Hector s’écroula, la nuque en sang. Le trafiquant poussa un hoquet de colère et tenta de se relever. Sans se soucier de ce qui se passait derrière lui, le docteur se pencha par-dessus la table, saisit d’une main Nazil à la nuque et plaqua violemment sa tête sur la table, faisant éclater le bourrelet de graisse qui lui servait de nez. Un scalpel apparut dans son autre main et il l’approcha de l’œil apeuré du trafiquant.
- Qui est ce client et où puis-je le trouver ?
Un couinement menaçant lui répondit.
- Ordure ! Tu ne sais pas ce que tu fais ! Tu vas avoir de gros ennuis !
La lame effleura l’œil puis s’enfonça dans la graisse juste en dessous. Cette fois-ci, Nazil poussa un gémissement de terreur.
- Arrête ! Tu es complètement cinglé ! Je vais te répondre !
- J’écoute.
- Je ne connais pas son nom. Je fais livrer les colis dans une maison inhabitée, rue de la Soif, en face du Saut du Loup.
La lame s’enfonça un peu plus.
- C’est tout ?
- Arrête ! Je t’en supplie ! Il faut aller à la cave… Il y a une lourde porte… Il faut frapper cinq fois puis deux fois et alors une petite trappe s’ouvre et on fait l’échange ! Je n’en sais pas plus, je te le jure !
La lame continua lentement à découper la paupière, le sang se mêlant aux larmes de terreur de Nazil.
- Tu ne m’as pas dit comment tu avais obtenu ce marché.
- Un vieil homme, un moine je crois, est venu, il y a six mois. Il m’a donné une véritable fortune pour cette foutue chloritine et c’est tout ! Vu l’argent que je me faisais, je n’allais pas poser des questions indiscrètes. Je t’en supplie, arrête maintenant.
Le scalpel daigna enfin s’éloigner et la pression sur sa nuque se relâcha. Satisfait, le docteur se retourna vers Phil Hagen qui tenait en respect le deuxième molosse avec un pistolet. Il lui fit un clin d’œil.
- C’est bon. On peut y aller.
Ils quittèrent l’établissement sous les imprécations du trafiquant, les autres clients prenant bien soin de les ignorer.
- Je vais vous faire tuer ! Vous ne savez pas qui je suis !
Une fois à l’extérieur, ils s’en allèrent rapidement et se perdirent dans le dédale des ruelles du Delta. Au bout d’un moment, Phil prit la parole.
- Le gros porc a raison. On va avoir des ennuis.
- Il va falloir t’arranger avec son protecteur.
- Je m’en occupe ce soir. Je le connais et il ne devrait pas trop nous en vouloir. Il va probablement me demander un cambriolage délicat. Mais ce n’est pas pour cela que je m’inquiète. Quand ce Nazil s’apercevra que son protecteur ne bougera pas le petit doigt pour lui, il voudra régler cette affaire lui-même.
Hector haussa les épaules avec une expression ironique.
- Aucun souci.
Il montra sa paume ouverte à son ami qui aperçut une bague ornée d’une pointe orientée vers l’intérieur, puis l’enleva et la rangea soigneusement dans sa musette.
- L’ennui, quand on ne fait pas attention à son alimentation, c’est qu’on accroît le risque d’accidents cardiaques. Je crains que cela ne soit fatal à notre ami. Pas plus tard que cette nuit.
Phil jeta un regard presque effrayé à son ami.
- Tu es sûr que tu es docteur ?
- La mort est le meilleur remède à la vie.
- Tu sais que tu me fais peur parfois ?
- Pourquoi ? T’es souffrant ?
Les deux hommes éclatèrent de rire. Après avoir ainsi évacué la tension de cette confrontation, ils continuèrent leur chemin en silence. Sans même y penser, leurs pas les menèrent jusqu’à l’Espadon. Ils s’installèrent dans leur alcôve habituelle et Gérard ne tarda pas à venir les saluer et à prendre leur commande. Il était l’heure du souper et l’un comme l’autre étaient affamés. Après avoir englouti son repas, Hector prit la parole.
- Le décès prématuré de ce malheureux Nazil ne nous évite pas seulement ses velléités de vengeance. On interrompt ainsi la source de chloritine de nos amis et cela risque de leur poser des problèmes à plus ou moins longue échéance. Tout dépend de leurs réserves. On peut imaginer qu’ils vont se retrouver dans le besoin et qu’ils vont essayer d’en trouver.
- Et il suffira d’une petite rumeur bien placée pour les amener jusqu’à nous. C’est bien vu mais risqué.
- On verra. Si ça se trouve, on vient de tuer l’Ecarlate même si je n’y crois pas trop. Compte tenu des miracles que ses créateurs ont accomplis jusqu’ici, ils trouveront bien un moyen de pallier la carence de chloritine.
- Et que faisons-nous de l’adresse donnée par ce bon Nazil ?
- On y va, on tue tout le monde et on interroge les survivants.
La réponse du docteur arracha un sourire à Phil. Son ami maintenait souvent que les solutions les plus simples étaient toujours les meilleures. Il pensait que l’homme avait tendance à tout compliquer, par orgueil disait-il, et à négliger les évidences. Phil se souvenait des nombreuses fois où cette ligne de conduite avait amené Hector dans des situations dangereuses du temps de leur jeunesse. L’expérience était entrée, parfois douloureusement, dans le crâne épais du docteur et il avait fini par convenir que prudence et subtilité étaient de temps à autre nécessaires. Phil pensait que ses longues années d’études en Ostria étaient finalement venues à bout de l’impétuosité de son ami mais visiblement ce n’était pas le cas. Cela-dit, il savait parfaitement comment le raisonner.
- Et si on tombe sur l’Ecarlate ?
Hector garda le silence un moment.
- En fait, je pense qu’on va soigneusement garder cette information sous le coude et qu’on ira faire une petite visite là-bas uniquement quand on en saura plus… et en force.
Phil sourit.
- C’est là, où je voulais en venir. Le plus simple serait d’informer la duchesse et elle ordonnerait une intervention musclée qui règlerait le problème immédiatement. Mais il y a visiblement beaucoup plus à apprendre. Il y a une autre piste que j’aimerai bien explorer.
- Laquelle ?
- Celle du duc Henry de Neymark, puisqu’il est pour le moment notre suspect numéro un. Je suis intrigué par ce fameux ouvrage, le Livre du Guerrier. Si nous avons affaire à une secte fanatique, il serait judicieux d’en savoir plus sur l’idéologie qui guide leurs actions. Et avec un peu de chance, on pourra découvrir d’autres informations sur l’implication éventuelle du duc dans notre affaire.
- Un cambriolage ? Toujours la même chose, Phil. Tu es vraiment monomaniaque. Tu te débrouilles toujours pour que tout se termine par un vol.
- Si on peut joindre l’utile à l’agréable, pourquoi se priver ?
- Mais quel plaisir éprouves-tu ? Mis à part te fournir de quoi vivre.
Le menton reposant sur ses mains jointes, Phil réfléchit un instant. Hector avait raison. Depuis qu’il était en âge de marcher, il avait toujours volé. Plus qu’une activité lucrative, la cambriole était une véritable seconde nature.
- Il y a le défi, bien sûr. Venir à bout par l’intelligence et l’habileté des mesures de protection les plus efficaces. L’excitation que cela procure est une véritable drogue. En tant que médecin, tu dois pouvoir l’expliquer. Tout le monde cherche à sa façon cet instant fugace d’épanouissement complet. Mais il n’y a pas que ça…
Il marqua un silence et Hector perçut à l’expression de son ami qu’il était mal à l’aise.
- C’est comme un viol. Enfin, j’imagine. Je n’ai jamais violé personne. Physiquement du moins. Je m’introduis dans la vie privée des gens, dans leur cadre de vie, dans le cocon protecteur qu’ils tissent autour d’eux. Tu sais, parfois, je ne prends rien. Je regarde, j’observe, je tente de comprendre qui est la personne qui occupe les lieux que je visite, quels sont ses secrets, ses tourments ou ses passions. Je m’assois dans son fauteuil préféré, je feuillette son livre de chevet ou son journal intime, je goûte le vin qu’elle conserve précieusement et je contemple ses plus précieux bijoux, je m'imprègne de l'odeur de son corps laissée sur ses vêtements. Puis, après, je l’observe dans son sommeil et j’essaye de savoir qui elle est. Je guette son souffle, ses mouvements, ses frissons. Je suis là, l’ombre silencieuse, l’intrus, celui qui est là sans être là, le mouvement au coin de l’œil, la présence qui trouble son sommeil…
Le regard pensif, Phil s’arrêta puis éclata de rire à la vue de son ami que le contemplait, les yeux écarquillés.
- Tu peux bien me dire que je te fais peur, mais toi, ce n’est guère mieux. Tu es vraiment un grand malade.
- Je ne fais pas de mal, pourtant ?
- Je n’en suis pas convaincu.
Une expression soupçonneuse apparut sur le visage bougon du carabin.
- Dis-moi, j’ai eu l’impression que quelqu’un m’observait dans mon sommeil cette nuit. Ce n’était pas toi, j’espère ?
Phil réussit à répondre entre deux éclats de rire. Il fit un clin d’œil malicieux à son ami.
- Qui sait ?
- Je ne trouve pas ça drôle, Phil.
Face à l’hilarité de son ami, Hector finit par se dérider et, après avoir resservi deux verres de vin, reprit la parole sur un ton plus sérieux.
- Revenons à ce cambriolage. Il te faut du temps pour le préparer ?
- Non, pas trop. En fait, j’ai déjà visité le manoir de Neymark. Tu ne crois pas que j’allais passer à côté d’un des plus beaux musées de l’Empire ?
- Ça sera donc une formalité ?
- Pas sûr. A l’époque, je n’avais pas trouvé le moyen de pénétrer dans le vieux donjon du manoir. Il s’agit du véritable sanctuaire du duc et je suppose qu’un ouvrage aussi précieux qu’un livre datant de l’Ere des Secrets ne peut qu’être conservé à cet endroit. Il faut que j’y réfléchisse.
- Si tu as besoin d’un coup de main, je suis disponible.
- Un gros balourd comme toi ? Tu rigoles !
- T’exagères. Quand on était gamin, je t’accompagnais parfois.
- Oui et à chaque fois, ça c’est mal terminé.
- T’es sûr ?
- Certain. Pour tout te dire, à la fin, je montais des coups bidons pour que tu m’accompagnes de temps en temps et que tu me laisses tranquille pour les affaires sérieuses.
- Traître !
Une nouvelle fois, les deux amis éclatèrent de rire. Ils continuèrent de discuter un petit moment puis Phil s’éclipsa pour négocier avec le protecteur de Nazil sa clémence pour avoir rudoyé le gros trafiquant. Bien sûr, il ne lui parlerait pas de l’empoisonnement et espérait que cela serait pris comme une coïncidence. Il ne s’inquiétait pas outre mesure. Cet incident n’était pas bien grave, même s’il convenait de respecter les usages du Delta et qu’il préférait conserver de bonnes relations avec la pègre. De plus, il connaissait déjà le protecteur en question, un membre de la guilde du Scorpion, car il avait, par le passé, traité quelques affaires avec lui. Une fois cette formalité réglée, il se pencherait alors sur le cambriolage du manoir de Neymark, perspective qui le réjouissait au plus haut point.

JustBob
19/01/2005 13:38
Joyeux Barbare

En fait j'aurai quelques questions sur ce que j'ai écrit jusqu'ici. Suffit de répondre par oui ou non

- Est-il original ? (contexte, intrigue, ambiance, personnages, façon de le traiter) (vous pouvez répondre non sans risque de me vexer puisque ce n'était pas mon intention)

- Est-il trop compliqué ?

- Il y-a-t-il trop de dialogues ?
Caldazar
20/01/2005 09:51
Le Blob attaque !

Suffit de répondre par oui ou non : tres bien...

-oui

-non

-non

d'autres questions?
JustBob
20/01/2005 10:34
Joyeux Barbare

Merci Calda Non pas d'autres questions pour le moment.
Aelghir
20/01/2005 12:45
Chevalier un jour, Chevalier toujours ! Montjoie Saint Denis et Tutti Quanti !

Oui

Oui

Non Trop peu de dialogues plombe un texte
Aelghir
21/01/2005 20:21
Chevalier un jour, Chevalier toujours ! Montjoie Saint Denis et Tutti Quanti !

vers lui pour lui quémander des piécettes


Un lui de trop

Le visage ridé d’une propreté douteuse d’un vieil homme se releva ...

Aucuns soucis...

le vieux donjon central du manoir ...

quelques affaires avec lui. Une fois cette affaire réglée ...


1 ) d'une ... d'un : un peu lourd
2) singulier
3) Un seul donjon par château, non ?, en général central ( Pléonasme ? )
4) répétition

A part ça, pas mal du tout . J'admire ta science des détails, je t'aurai torché ça en plus direct ( plus gore ? ) Et Valdez ? Je crois que c'est lui que je préfère .
JustBob
25/01/2005 09:23
Joyeux Barbare

Les corrections sont faites, merci beaucoup Aelghirouminou

Et Valdez ? Je crois que c'est lui que je préfère .


Vi. Il est, à priori, le perso le plus sympathique, le moins tordu, le plus conforme à l'image du héros. Et comme le Préfet l'a dit :

Il avait aussi la certitude que le capitaine Valdez jouerait un rôle capital, volontairement ou involontairement, dans les évènements à venir.


Petite pause pour me consacrer à la Joute avant de me relancer dans la suite.
Aelghir
25/01/2005 13:02
Chevalier un jour, Chevalier toujours ! Montjoie Saint Denis et Tutti Quanti !

Et voui ! les joutes sans un texte de JB ne seraient plus les joutes !
Sihaya
25/01/2005 20:11


Oui
Non
Non

J'aime beaucoup l'ambiance "Napoléon/Empire", le coté policier avec de legeres touches de fantasy pour qu'on se demande quel est ce mysterieux systeme de magie comme le TdF quoi )

Les dragons aussi, y sont chouettes (rapport à Pern où ?)


Roman de Némo prit délicatement le document et parcourut le texte. Fronçant des sourcils, il huma le texte puis l’approcha de son oreille en faisant crisser le papier entre deux doigts puis le porta à sa bouche et l’humidifia de la pointe de la longue.


Longe ou langue ?

Et Elaine ou Elain ? ca change de temps en temps...


L'histoire est bien prenante, le début un peu moins peut-etre, mais on rentre tres bien dedans
Et l'histoire n'est pas trop complexe non, ca change de Harry Potter
Et plus c'est tordu, mieux c'est


J'aime bien Phil, Valdez est trop parfait, le medecin trop... euh enfin voila quoi on tue pas les gens comme ca non plus
JustBob
26/01/2005 18:50
Joyeux Barbare

Merci beaucoup Sihaya d'avoir pris le temps de lire tout ça
Sihaya
26/01/2005 19:23


Dirien, j'adore les histoires, et bien ecrit comme ca...

Comme pour Aelghir : LA SUITE !!!

Shaevar
29/01/2005 23:00
Appelez moi <a href=http://www.lepetitprince.com/fr/>Prince</a>

la suite!
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