La Pierre de Tear fait peau neuve ! L'aventure continue sur www.pierredetear.fr !
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L’homme courrait à perdre haleine et ne cessait de jeter des regards en arrière. La terreur avait envahi son esprit et il ne pensait qu’à une chose : fuir. Dans l’obscurité, les rues défilaient sous ses pas et jusqu’ici il n’avait rencontré aucune main secourable. Il suffoquait. Il s’arrêta et se dissimula sous un porche pour reprendre son souffle. Il fut rassuré de ne pas voir l’ombre qui le pourchassait depuis une éternité. L’espoir jaillit en lui comme un rayon de soleil dissipant les ténèbres. Avait-il réussi à distancer son poursuivant ?
Sa volonté était forte. Il avait été choisi pour cette raison. En toute situation, il savait conserver les idées claires et son expérience et ses talents de combattant faisaient le reste. Mais pas cette fois-ci. Sa lame et sa ruse étaient restées inefficaces face à l’ombre et la fuite était devenue la seule solution envisageable. Il rassembla ses esprits et sut ce qu’il devait faire. Le Maître devait être prévenu. Un adversaire redoutable venait de faire son apparition. Mais comment faire ? Nul ne l’avait rencontré et il ignorait son identité. Seule la Voix le connaissait et savait où le trouver…
Soudain, un froid glacial le fit frissonner. Une vague de panique submergea son esprit. Il risqua un œil en dehors de sa cachette et il vit l’ombre encore plus sombre que les ténèbres qui s’avançait vers lui. Il poussa un hurlement et reprit sa course.
Il était trempé par une sueur glacée. Il avait l’impression que ses jambes étaient de pierre et que la terre elle-même tentait de les retenir. Il sentait comme un vide désespérant à la place de ses entrailles alors que ses poumons devaient être en feu, mais cette sensation était encore plus terrifiante. Il courrait maintenant sur une route de campagne. Il faisait toujours nuit. Au loin, sur une colline, la silhouette d’un vaste manoir se découpait sur le ciel étoilé. Il ne voyait plus l’ombre mais il savait qu’elle était sur ses traces. Le manoir se rapprochait et il reprenait lentement courage. S’il y parvenait peut-être que la Voix pourrait le protéger.
Il distinguait maintenant la porte du manoir. Il discerna sur la pierre usée par des siècles de vent et de pluie, un blason. Un crâne de loup transpercé d’une épée. Il frappa de toutes ses forces sur le lourd vantail de bois. Curieusement ses coups restaient silencieux. Il s’acharna. Son sang gicla sur le bois insensible et ses os se brisèrent. Mais il continua, ignorant toute douleur. Puis, dans un grincement la porte finit par s’ouvrir. Une silhouette enveloppée dans une lourde tunique lui fit face. Deux yeux rougeoyants le fixèrent et, comme un lointain murmure, une voix lui parvint : « Que fais-tu ici ? ».
Il voulut répondre mais sa gorge refusa de produire le moindre souffle. Il sentait que l’inéluctable allait arriver. L’ombre était proche, toute proche… il devait…
Soudain, la silhouette leva les yeux. L’homme sut immédiatement que son poursuivant se tenait juste derrière lui. Il tenta d’articuler quelque chose mais la silhouette le devança. Fixant l’ombre de son regard de braise, elle hurla : « Qui es-tu ? ». L’instant d’après, une vague de feu balaya l’homme comme une brindille.
Il poussa un hurlement et se redressa. Son corps était trempé et il tremblait de tous ses membres. La chambre de l’auberge était éclairée par la lueur vacillante d’une dizaine de bougies. L’air était saturé de la lourde et entêtante odeur d’épices qui s’échappait d’un petit brasero posé au pied du lit. Encore sous le choc du cauchemar, l’homme distingua une silhouette assise dans un fauteuil et qui l’observait d’un étrange regard. Il resta immobile, tentant de faire le tri entre rêve et réalité. C’est alors que son visiteur nocturne se redressa. Il entendit une voix fatiguée lui murmurer : « Merci. Repose-toi maintenant. ». Il sombra immédiatement dans un profond sommeil.
Lentement, l’intrus rassembla ses affaires. Il souffla les bougies, nettoya son brasero, et les emballa soigneusement. Il s’enveloppa dans un grand manteau de cuir usé et jeta son sac sur l’épaule. Refermant doucement la porte derrière lui, il sortit de la pièce. Il descendit dans la salle commune de l’auberge qui était désertée à cette heure tardive de la nuit. Seul le tenancier attendait assis à une table. Apercevant le client, il l’interpella .
- Vous avez terminé ?
- Oui.
- Vous ne l’avez pas tué ?
- Non. Il dort. Tenez et merci pour votre aide. » Le voyageur jeta une poignée de pièces sur la table. Le tavernier parut surpris.
- C’est bien payé. Juste pour mettre une poudre dans un verre.
- L’argent n’a pas d’importance. Bonsoir.
- Vous ne dormez pas ici ?
- Non. Je n’ai pas sommeil.
Le voyageur sortit et s’avança sur la route qui traversait ce petit village.
L’homme s’éveilla tandis que la matinée était déjà bien entamée. Il grimaça en voyant que le soleil était si haut sur l’horizon. Il avait une mission à accomplir, il n’était pas censé prendre ses aises et faire la grasse matinée. Peut être aurait il du moins boire la veille. Mais l’aubergiste était généreux avec son vin et l’avait resservi plusieurs fois sans qu’il demande rien.
Il avait dormi tout habillé, n’ayant enlevé que son épée, alors il ne fut pas long à sortir de la chambre. Il signala son départ à l’aubergiste, réclama sa monture et partit sur le rythme soutenu de ceux qui ont un but pressant. Sur cette mission, la vitesse était bien plus importante que l’absence de traces derrière lui. Il ne savait même pas si il risquait d’être suivi. Son commanditaire avait été des plus flous sur ce point, comme sur trop d’autres.
« Je veux que vous vous rendiez à Artome, le plus rapidement possible. Si vous arrivez trop tard, votre tâche n’aura plus aucune utilité. Me suis-je bien fait comprendre ?
- Tout à fait. Je me rendrai à Artome aussi vite que le permet la route, répondit il. « Que devrais-je y faire ?
- Vous rencontrerez mon contact là-bas. Vous serez alors avisé de votre tâche exacte. Cela peut impliquer un combat, éventuellement contre plusieurs soldats expérimentés. Etes-vous toujours partant ?
- J’ai dit que je prenais le job, je le ferai », répondit il sans montrer son agacement face au doute dans sa parole. Il reprit d’un ton ironique : « de toute façon, vous savez très bien de quoi je suis capable.
- Effectivement, effectivement », répondit son interlocuteur. Celui-ci était masqué, évidemment. Ce genre d’affaires se traite toujours dans des tavernes des bas quartiers où la moitié des clients sont masqués, et l’autre couverte de cicatrices. Lui-même était une exception, et attirait quelque peu les regards. C’était tant mieux pour son employeur. Ce dernier lui tendit une petite bourse « pour couvrir vos dépenses » qu’il fit disparaître rapidement sous ses vêtements.
Leur entretien s’était terminé ainsi, aussi abruptement qu’il avait commencé. Amusant de voir comment il était encore habitué aux manières plus raffinées qu’il avait toujours considérées comme pénibles avant. Enfin, cet homme, si c’était un homme, lui avait confié un travail à faire, probablement une sale besogne, en échange d’un joli paquet d’or. D’après son ami, cet homme était suffisamment digne de confiance pour espérer ne pas prendre une dague dans le dos en guise de paiement une fois le boulot fini.
Cela faisait maintenant deux jours qu’il était parti pour Artome. Si il maintenait un bon rythme, il devrait y arriver le lendemain dans la journée. Artome était un port de moyenne importance par sa taille, mais un point de passage très important pour le commerce. Toutes sortes de gens pouvaient fréquenter cette ville. Toutes sortes de trafics aussi. C’était à peu près l’intégralité de sa connaissance de la ville. Une ville hors de tout royaume, dirigée par la Guilde des Marchands. Que l’envoyait-on y faire ?
L’homme à tête de cochon était attablé à une table de l’auberge. Il faisait peur à voir : un bon Mètre 80, un minimum de 100 kilos de graisse et de muscles. Et il n’a vraisemblablement pas encore commencé son régime, si l’on en juge pas les cinq choppes vides et l’écuelle remplie d’un assortiment de viande rouge. « Un véritable gros lard », les messes basses des serveuses résument bien l’apparence du bonhomme. La vieille épée rouillée qui pend à sa ceinture n'est pas non plus trop rassurante. On croirait même y distinguer des traces de sang séché.
Il est arrivé dans la matinée sur un cheval épuisé à demi mort. Il n’a pas dit grand chose. Il serait marchand et attendrait dans cette auberge un client pour affaire.
Bien sur de tels bobards ne trompent personne et sûrement pas l’aubergiste, une jolie crapule rouée. L’aubergiste il sait se taire quand il le faut, c’est à dire quand il y a matière à faire affaire. Et justement le gros lard sait se montrer généreux. Il distribue les pièces d’or sans compter. Alors l’aubergiste, il s’en contrefout de son identité. Qu’il soit marchand, noble déguisé ou voleur de grand chemin, importe peu. La tête de lard est un client qu’il convient de soigner.
Mais voilà justement que la tête de lard appelle.
« Vous désirez Seigneur ». Les paroles de l’aubergiste sont mielleuses. Il a appris a faire des courbettes et à amadouer ses proies.
Son talent n’a pas d’égal et bientôt la tête de lard sort une pièce d’or. Il l’a palpe longtemps dans sa main. La pièce glisse sur la table. Puis la tête de cochon la retient d’un geste habile. Il semble prêt à se raviser. Il la sert dans ses doigts, cinq immondes petits boudin.
L’aubergiste comme un chien aux aguets, la langue pendante a les yeux rivées sur l’or. Il fixe la pièce et ses yeux brillent de convoitise. Au bout d’un moment il n’y tient plus. Il tend déjà la main pour s’emparer du trésor, mais…
« NON, non, non, non, non. Pas si vite mon bon ». Tête de lard fait une pose et ponctue son refus d'un gros rot.
Les paroles de tête de cochon sont suivies d’un lourd silence. L’aubergiste pousse un soupir. L’espace d’un instant il fait peur à voir. Son regard dépité et frustré se fait suppliant et il regarde le client, un vrai chien qui veut amadouer son maître : « mon bienfaiteur désire ?».
« Ecoute moi bien, crapule. J’attend un ami. Il ne viendra sans doute pas ce soir. Je vais donc me retirer dans ma chambre. Tu feras monter mon repas ». Gros lard achève sa phrase et se tourne vers le jeune serveur de l’autre côté de la salle.
« Un jolie jeune homme. Tu lui diras de… monter mon repas ».
L’aubergiste dieu sait ce qu’il peut être mesquin et immoral. Pourtant même lui semble stupéfait. Il balbutie quelques mots incohérents :«C’est que… soyez charitable…n’a que 16 ans ».
Sur ce la tête de Lard sort une seconde pièce d’or qu’il tend dans sa grosse main, paume ouverte. Elle brille sous l’éclairage de la bougie posée au centre de la table :quelle offre. La convoitise aidant l’aubergiste se décide. Il s’empare de sa paye. Vif comme l’éclair, il prend l’argent qu’il fait disparaître au plus vite dans sa tunique. Au fond il doit avoir un peu honte. Mais après tout il a vu pire. Et cette expérience a du bon pour le gamin. Elle devrait l’aider à grandir et à s’endurcir. (à moins qu’elle ne le fasse crever).
Le pacte est scellé. L’aubergiste salut son client et s’éclipse vers les cuisine.
« Petit, tu vas monter son repas au client de la chambre 6. Et voilà pour ta peine. » L’aubergiste tend une pièce de cuivre qu’il donne à l’enfant avec un sourire généreux. Le jeune innocent trop content de ce traitement de faveur s'empresse d'aller accomplir son travail.
La matinée n'est pas terminée quand rentre dans l'auberge deux hommes de belle prestance aux habits de cuir marron foncé ajustés au plus près de muscles longs et vifs. Les visages tannés par le vent et le soleil scrutent en un instant les recoins de la salle et s'arrêtent sur l'aubergiste. N'hésitant qu'une seconde, Ragiz leur fait signe du menton de le suivre dans les cuisines. Inutile de répondre aux questions indiscrètes des services du Grand Banc entouré de ses clients.
"Maître Ragiz, vous avez eu de la visite cette nuit. Nous aurions vraiment apprécié que vous nous en informiez directement, cela nous aurait évité de vous causer quelques désagréments."
Ragiz sent la sueur coller dans son dos, puis une brûlure vient dans son estomac. Une brûlure qui grandit. Il sait que quoi qu'il fasse, il la gardera. Un petit désagrément pour qu'il se souvienne éternellement qu'il n'y a pas plus urgent que de prévenir le Grand Banc dès que quelque chose d'inhabituel arrive. Mais qui irait chanter qu'il a eu la visite d'un Hakak? Même si ce n'est pas lui-même qui a reçu cette visite, l'idée qu'un de ses client ait été touché par un Hakak aurait fait fuir sa clientèle pour une décénnie. Bien sûr personne ne sait ce que font ces vieillards à ceux qu'ils touchent. Certains disent qu'il les envoûtent, d'autres qu'ils leur volent leur âme, certains vont jusqu'à suggérer qu'ils entrent dans leur âme pour y déposer une mission secrète et inconsciente... qu'ils en font des assassins! Bref la pire des clientèles!
"Je ... Je n'ai pas eu une minute pour venir depuis le départ du posséd... du jeune homme à qui il a rendu visite... Un homme brun, plus grand que moi, maigrelet, visiblement mal nourri et qui s'est peu lavé ces derniers temps. Pas très bavard... et très pressé... même avant... avant la visite. Un manteau marron clair et tâché... des botes usées... l'une est même percée... Un cheval gris, de bonne race... et un chapeau, oui un chapeau à larges bords. Pas de bijou particulier sauf une chaine d'argent accrochée à son oreille... droite, je crois... heu ...
- quel accent?
- dinois ou ycien... Une voix cassée...
- quel âge?
- heu... une vingtaine je dirais.
- il venait d'où?
- je ne sais pas mais il est parti sur la route de la côte."
Un des deux enquêteurs part sur le champ d'un pas pressé tandis que l'autre continue l'interrogatoire. Visiblement l'Hakak l'interesse moins que le jeune homme. Visiblement deux trois détails sur l'Hakak lui suffisent pour savoir de qui il s'agit. Y a-t-il si peu d'Hakak? Comment les connaît-il si bien?
Ragiz se souvient des nombreuses légendes et rumeurs qui ne manquaient de courir au sujet des Hakaks. Le premier mot qui lui vient à l’esprit est« malheur ». Ces êtres étranges et solitaires apportent le malheur. Les hommes deviennent tristes, les femmes craintives et tous perdent le sommeil. Ce malheur a un nom, une forme. On l’appele l’ombre du Hakak. L’ombre qui erre dans le coin de l’œil et au fond de l’âme. C’était à coup sûr de la sorcellerie de la plus sombre origine qui soit. Seuls les enfants sont…
- Dans quelle chambre ?
- Hein ? Pardon ?
- Dans quelle chambre a dormi le jeune homme qui a rencontré votre visiteur nocturne ?
- C’était la chambre du côté de la balustrade.
L’agent du Grand Banc qui est resté l’observe longuement d’un regard inquisiteur. Ragiz sent un profond malaise et une forme de culpabilité l’envahir. L’homme approche de la cinquantaine et son apparence indique au premier coup d’œil que c'est un Vétéran. Un dur de dur. Un de ceux qui peuvent mettre une région à feu et à sang tout aussi bien que résoudre la plus complexe des énigmes. Nul n’est à l’abri de leur main. Le Grand Banc s’était entouré des êtres les plus redoutables qui soient et tous, du plus puissant au plus faible, redoutaient son courroux.
Ragiz avise alors la longue épée dont la lame nue bat le flanc de l’homme. Un reflet de lumière joue sur l’acier et, consterné, l’aubergiste discerne un fin réseau écarlate se dessiner sous ses yeux. Une Lame-Sang ! Son regard remonte vivement vers le visage de l’enquêteur. Celui ci ne peut être que Conrad le Duelliste.
Enfin, les yeux gris aciers aussi inexpressifs qu’une enclume consentent à le libérer de leur emprise. L’aubergiste souffle de soulagement quand l’homme aux cheveux grisonnants se retourne. Epongeant la sueur qui perle sur son large front, il observe l’enquêteur gravissant l’escalier. Ce dernier se dirige immédiatement vers la chambre et pousse la porte de la pointe de sa botte.
Sur le seuil, Conrad observe longuement les lieux. L’odeur est la preuve irréfutable qu’un Hakak a exercé ses pouvoirs ici-même. Il fronce les sourcils. Cet événement est plutôt inattendu. Ses sens s’éveillent. Ce ne peut être le contact. La rencontre doit avoir lieu à Artome et cette cité est encore, au mieux, à un jour d’ici. Un sourire carnassier se dessine sur ses fines lèvres. Rien n’est plus stimulant que l’imprévu. Et voilà qu’un Voleur de Rêves vient se mêler de son enquête. Jusqu’où ce Hakak avait-il voyagé dans le Grand Rêve ?
Secouant la tête, il revient à l’objet principal de sa mission. Cette chambre peut peut-être encore livrer quelques renseignements. Il s’avance lentement.
Ce gros porc s’approcha de son oreille pour lui susurrer « alors ça t’as plus mon mignon ».
Il s’appelle Hubert, Hubert Argoun. Ce n’est sûrement pas son vrai nom, mais c’est comme ça qu’il se fait appeler par tout le personnel de l’établissement. Voilà bientôt deux jours qu’il a fait de moi sa chose ce gros lard. A force de ruminer des sombres pensées, le jeune garçon finit par pleurer.
Argoun s’est alors énervé. Il l’a insulté et giflé : comment pouvait-il pleurer ? il devrait plutôt être heureux qu’un homme aussi beau et fort s’intéresse à sa chétive personne.
« Et ne me dis pas que ça t’a pas plus, tu braillais comme un beau diable ».
Les sanglots de l’enfants redoublaient. Déjà levait la main pour frapper à nouveau. Mais il eu honte de son geste. Au lieu de cogner l’enfant, il sortit une pièce de sa tunique. Puis il ouvrit la porte poser délicatement l’argent sur le seuil : « allez file crapaud ».
Une fois l’enfant parti, l’homme qu’on appelait Argoun se mis à réfléchir.
Depuis 10 ans sa vie n’est que violence, violence en amour punitions infligées à des jeunes trouvés sur sa route, violence dans son travail de pion auprès du maître. Pourtant Hubert n’est pas malheureux.
Bien sûr, il n’est pas facile d’être pédophile : difficile de trouver des partenaires consentants et les satisfaire, impossible d’avoir une vie normale et de fonder une famille. Et c’est sans compter les tracasseries des autorités. Mais heureusement ici dans la région, cette pratique sexuelle reste tolérée. Dans d’autres pays, il avait dû fuir la population déchaînée et les autorités pour sauver sa peau.
Il y avait eu cet incident « fort regrettable » selon les propres mots du maître. Poursuivi par une troupe de militaires zélés, il était entré dans un temple Hakak. Les Hakak n’avaient pas posé de questions. Ils avaient accepté de le cacher. Les Hakak ne refusaient jamais l’asile à personne. Ce peuple avait trop souvent eu besoin de se cacher pour cela.
Mais lui ne leur faisait pas confiance à « ses macaques ». Peut-être qu’il avait peur d’eux, et de leur visage vert d’animal. La nuit, il avait égorgé un Hakak pour lui voler des habits et fuir le pays dans son déguisement. Il se rappelait encore l’attitude de sa victime. Elle ne s’était pas débattu. Elle avait simplement accepté qu’il lui ouvre la gorge, comme ça. L’Hakak l’avait regardait en souriant pendant qu’il finissait de l’égorger. Souvent il revoyait ce visage dans ses rêves. Il semblait lui dire « tu es heureux petit humain ? ».
Depuis ce jour Hubert connaît la peur. Il craint les Hakaks qu’il ne comprend pas. Et pour se prouver le contraire il viole à tour de bras de jeunes enfants : Pouvoir corriger ces jeunes en toute impunité c’est la preuve qu’il ne craint personne, la marque de sa force, de sa puissance, de son immunité. Et dans son travail, ce qu’il préfère c’est entendre ses proies agoniser. Celles qui le supplient avant de mourir. Celles là qui lui redonnent confiance en lui, il les bénit en frappant.
D’habitude Hubert parcoure la campagne, ou les taudis de la ville pour trouver de nouveaux jouets sexuels. Il négocie alors avec les parents et repartait pour la nuit avec l’enfant. Rien de plus qu’un bête location en somme
L’enfant de l’auberge lui plait bien. Il était différent des autres. D’habitude il aime frapper les enfants, les corriger. Il savoure leurs peurs et sa puissance. Il s’amuse à leur montrer son épée et à les piquer avec la lame. Mais le jeune de l’auberge, il ne veut pas lui faire de mal. Il ne faut pas que ce garçon le déteste. Il aurait aimé, le protéger, le gâter. Pas de doute Hubert est tombé amoureux.
« Bien sûr pour le moment ce n’est pas réciproque. Mais cela devrait changer. »
Argoun se mit à penser amour et vie commune : « Et si je l’adopte ? ».
Impossible pour le moment, il y a un travail à accomplir. Il doit rencontrer une personne et faire équipe pour réaliser un sale boulot. Ils travailleront en groupe, alors « mieux vaut soigner les apparences. »
« Et si je fais passer l’enfant pour mon élève ? »
« Monsieur, Monsieur, Seigneur, mon Bienfaiteur… »
Hugh sursaute. On frappe à la porte de la chambre et il n’a rien entendu. Il se réprimande durement pour ce moment d’inattention. « Tout ça à cause de ce sale gamin qui me perturbe ».
Il faudra régler ce problème. Mais pour le moment, il y a plus urgent :que lui veut-on ?
Hubert a appris à ses dépens que le danger guette partout même dans les lieus les plus paisibles. Car le combat n'est par un art noble. C'est une espèce de lutte pour survivre. Et tous les moyens sont bon: coups de couteaux dans le dos, empoisonnement discret, attaque en groupe... Dans la bataille il faut être un véritable boucher. Inutile de vouloir faire de jolies figure avec une épée. Il faut frapper pour tuer, couper les membres, viser la tête, être vicieux, sadique et sans pitié.
Hubert prend exemple sur le maître, son employeur, dont il applique les principes: rester toujours sur ses gardes, se défendre même en dormant.
Et cette auberge peut très bien être sa tombe.
Mais ce n’est pas uniquement pour ses penchants sexuels qu’on lui a donné le surnom d’Argoun le terrible. Hubert a plus d'un tour dans son sac.
Allongé sur son lit il fait semblant de dormir. Il écoute les bruits derrière la porte : des bruits de pas, des chuchotements. Pas de doute on lui veut quelque chose. Plusieurs hommes parlent devant sa porte. Hubert reconnaît la voix mesquine et avare de l’aubergiste qui semble contrarié : « faut pas entrer »… petit tintement de pièces. " chsuis votre serviteur alors..."
Le salaud marchande, pense Hubert. En effet derrière la porte comme un nouveau semblant de résistance de l'aubergiste "AH non, VOUS ne passerez pas!", suivi d'un nouveau tintement de pièces.
« gros, tête de porc, des petits yeux de cochons, de ridicules oreilles »
« Et le nez comment est-il ? écrasé ? ».
La seconde voix aussi Hubert l’a reconnaît. Cette vois lui dit quelque chose. C’est une voix sévère et grave... Impossible d'associer un nom, un visage à la voix. Ce n'est pas la première fois que la mémoire flanche.
Je dirais que l’homme a la cinquantaine. Il est déterminé, sûr de lui. Il a l’habitude de commander. Et ses questions sont précises et directes. Un homme dangereux.
Hubert agrippe le manche de son épée cachée sous les couvertures.
Tandis que lentement la porte s’ouvre.
« Vous voyez Seigneurs, il dort… va pas être content ».
Cette crapule d’aubergiste laisse entrer des inconnus dans ma chambre. Il ne perd rien pour attendre, avec tout l’or que je lui ai donné, ce servile traître.
Ces hommes sont donc si … convaincants ? Soit ils ont des bourses bien garnies. Ou alors leurs épées sont bien affûtés. Dans tout les cas, voilà des hommes bien habiles.
L’aubergiste s’éclipse, sait-on jamais si il y du danger. D’ailleurs il a déjà reçu beaucoup d’or. Non qu’il en a assez. L’aubergiste n’a jamais assez de jolies pièces : mais « point trop n’en faut demander ».
Hubert prend soin de rester allonger sur le lit, comme assoupi. Il fait semblant de dormir et attend de voir ce que fait l’homme. Au moindre geste suspect, si il s’approche un peu trop, il sera transpercé. « Puis avec l’effet de surprise j’ai toutes les chances de les battre ».
« Monsieur Tête de Lard a le sommeil bien lourd, ou faut-il l’appeler Argoun le terrible violeur d'enfants, ou mon bienfaiteur lui conviendrait mieux ? » Démasqué comme un novice, par un homme qui n’a pas l’air de l’apprécier Hubert se lève. Cet homme commence à l'ennerver. En plus il sourit, monchalant.
"souris petit, souris car bientôt tu vas pleurer"
Non seulement, ils fait irruption dans ma chambre! Mais en plus il me connait trop bien et s'attaque à ma vie privée! Ca Hugh ne le supporte pas. Ils allaient voir.
Mieux vaut d'abord impressionner l’ennemi avec sa carrure. Il en a fait fuir beaucoup par ce simple moyen d’intimidation. Le maître dit toujours que la victoire sans combat est la meilleure victoire. Un regard féroce et menaçant quelques gestes grossiers suffit parfois à effrayer l’ennemi.
Et comme Hubert fait face à son adversaire, la mémoire lui revient d'un coup, son interlocuteur est une vieille connaissance.
« Nous avions rendez-vous Monsieur le pion du Grand Blanc ou faut-il l’appeler Conrad le duéliste fou ? »
"En effet, Argoun, mais laissons de côté les querelles personnelles. On nous paye pour travailler ensemble. Il va falloir se supporter et nous entraîder. Autant te dire que le travail n'est pas facile. Sinon nos maîtres respectifs n'auraient pas fait appel aux meileurs."
Hubert se relâche. Il est soulagé de ne pas avoir à se battre. Et même si cela implique travailler avec le duéliste. Conrad lui rappelle de trop mauvais souvenirs. Mais qu'importe, après tout il pourra toujours tuer le duéliste et oublier définitivemment son ancienne vie.
Pourtant les mauvaises surprises ne font que commencer, car tout à coup on entend un hurlment venant de l'escalier.
"ARGOUN OU EST-IL?"
Apparemment l'aubergiste n'a pas pû garder le silence assez longtemps. Elle sait que Conrad est dans le bâtiment. Et justement, elle a quelques comptes à régler. Pas question qu'il lui échappe.
"Zut" lance Conrad."Je voulais te préveni..."
Mais il n'a pas le temps de finir sa phrase que la porte est brutalement ouverte d'un coup de pied.
La femme d'une vingtaine d'année a le visage rouge de colère. Dès qu'elle apperçoit Argoun, ses traits se figent dans une expression bizarre de fureur.
"Je n'aurais jamais imaginé qu'un visage humain pouvait exprimer tant de haine, une telle violence."
"Je voulais le tuer ! J'étais devenue enragée ! Conrad ne m'avait pas prévenu ! C'était un coup bas ! J'ai hurlé, je l'ai insulté ! Crié ma haine et mon dégoût !". Et dire que je devrais faire équipe avec ce type, jamais.
Mais Conrad s'empresse de faire barrière avec son corps. Il empêche la femme manoeuvrer: "Alice tu oublies ton serment" crie le duéliste.
Alors que profitant de la situation et sa précieuse barrière humaine Argoun lance un baiser en direction de la belle "Comment va ton père ma jolie? Il n'avait pas bonne mine la dernière fois que je l'ai vû".
Alice devient aussitôt enragée. Elle tremble de fureur. Vainement elle essaye de frapper gros lard avec son épée. Mais ces coups fendent l'air, impossible d'atteindre l'ennemi juré. Et Conrad sans hésité lui saisit le poignet et le tord violemment.
La femme reprend un peu de contrôle sur elle même.
"Conrad qu'est-ce que cela signifie?"
je découvre que la nuit dernière j'ai dormi dans la chambre à côté de cette chose. Seule la cloison du mur nous séparait. Et les cris d'enfant qui m'ont empêché de dormir. C'était ce monstre evidemment!
Mon père est resté enfermé et tenu prisonnier de longues années par des fanatiques. Ils voulaient le faire parler, s'appoprier ses secrets. Tous les jours un certain Argoun le goélier s'est occuppé de mon père. Ils le torturaient. Tous les moyens ont été mis en oeuvre pour qu'il parle, tous les supplices. Ils l'ont affamé. Ils l'ont tabassé. Ils ont arraché toutes ses dents. Alice frissonne.
Mon père à table ! L'air concentré, respectueux de chaque miette. Cela me rendait folle lorsque j'étais enfant. Aujourd'hui, cela me ferait pleurer de douleur et de tendresse.
Il n'a plus jamais été libre. C'était un homme brisé. Toutes les nuits, j'entendais mon père gémir dans son sommeil, en plein cauchemars. J'étais prise de rage et de volonté de vengeance. Avoir ce salaud, là, devant moi, le capturer ; lui cracher dessus, le faire souffrir... Et puis j'ai voulu être forte, devenir une combattante! Apprendre à tuer rejeter la vie de famille et le mariage, sacrifier mon propre bonheur de femme. C'est pour eux que je le fait. Tous ces gens de ma famille qu’Argoun a massacré. Tous, ils étaient mes parents.
"Argoun je vais te trouver quoiqu’il en coûte." C'est le serment que je jurais à 14 à la mort de mon père. Il ne livra jamais ses secrets à personne...
"Mais ton serment pour ton père passe après celui du maître".
Cela fait déjà 15 minutes que Conrad poursuit un long monologue. Et il semble avoir réussi à apaiser la femme.
Ils feraient donc équipe ensemble puisqu'il le fallait.
Ce premier soir, dans la salle commune de l’auberge, Conrad réunit le petit groupe.
Il leur tint un discours sur la survie, le travail d’équipe et leur mission commune.
« Impossible de réussir notre mission désunis, prêtons serment pour le meilleur et pour le pire ».
Alors un par un les hommes prêtèrent serment sur ce qu’ils avaient de plus cher.
Le duelliste avança le premier, paume offerte il jura sur son honneur de maître d’arme.
Puis ce fut le tour des hommes du duelliste qui jurèrent sur leur fidélité portée à Conrad, leur seule raison d’être. Celui qu’ils avaient décider de suivre quoiqu’il arrive. Celui pour qui ils avaient tout abandonné, famille, métier, futur :Conrad le juste.
Enfin vint le tour d’Alice. Elle leva la main et pleine de haine, en fixant Argoun, elle jura sur l’honneur de son défunt père. Tant que la mission ne serait pas terminée, elle ne trahirait pas sa mémoire en se laissant aller à sa haine.
Pour finir Argoun s’approcha de l’autel ou chacun venait de prêter serment. Mais au lieu de prêter serment Argoun poussa le gosse devant lui. « Je jure sur la tête du gosse ». Fit-il.
« Que mon jeune disciple meure sur le champs si je trahis ».
L’enfant devrait donc les accompagner, comme garant de la bonne fois et de l’honnêteté du monstre.
« Pauvre gosse » pensait Conrad.