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Joute 17 - Commentaires du texte B
(Sujet créé par Nayla l 09/04/07 à 23:00)
Vous pouvez ici commenter ce texte, mais veillez à ne pas faire de supposition ou d'allusion à l'auteur, encore dans l'anonymat. les resultats tomberont bientôt.
(Bon, 5, on ne va pas chipoter. D’ailleurs, les alexandrins sont plus courts que les lignes normales, alors l’un dans l’autre, ça doit même faire moins de quatre pages)
Personnages : le roi, la reine, le chœur des devins
La reine :
Ô mon royal époux, que vaut-il d’être reine
Pour succomber ainsi sous le faix de ma peine ?
Seule et de noir vêtue, je hante au long du jour
Les roides escaliers jusqu’aux sommets des tours.
La nuit aussi me voit, silencieuse et avide,
Plonger mes yeux fiévreux dans l’affliction du vide.
Le chœur des devins :
La reine tord ses mains. Elle répand ses larmes.
Le roi a convoqué les grands maîtres des charmes.
Le roi :
Ô ma reine, ma mie, votre douleur est mienne.
Elle broie mon âme, cette féroce chienne.
Cependant je règne et dois censurer mon cœur.
Mon peuple me veut fort, je retiens donc mes pleurs
Car la voie du devoir est la seule qu’un roi
Peut fouler sans faillir. Telle est la noble loi
Qui me donne le droit de gouverner les hommes
Et d’être l’absolu en ce puissant royaume.
Le chœur des devins :
La reine se lamente, elle maudit les dieux.
Le roi a ordonné qu’on questionne les cieux.
La reine :
Ô seigneur souverain ! Ô roi de droit divin !
Votre glorieux labeur ne sera-t-il pas vain ?
A qui lèguerez-vous vos orgueilleux domaines ?
Le sort commun à tous, sans amnistie nous mène
A nous coucher, glacés, auprès de nos ancêtres.
Les fumées de l’encens, les prières des prêtres
Vous enseveliront dans l’oubli de la mort.
Mais nul fils déférent n’honorera ce corps
Tordu par l’agonie et rongé par les vers.
Rendez-moi mon enfant ! Sauvez-moi de l’enfer !
Le chœur des devins :
La reine oublie son rang, elle n’est plus qu’une mère.
Elle griffe son sein et d’une voix amère
Reproche à son époux l’irréparable deuil
Dans lequel l’a plongée son infini orgueil.
Le roi :
Je souffre, ma Dame, des cruelles paroles
Prononcées contre moi. Et je ne sais quel rôle
Vous voulez m’assigner dans cette tragédie
Qui nous frappe tout deux, ne vous l’ai-je pas dit ?
Cependant à mes yeux, un grand chagrin excuse
Les propos infamants par lesquels on m’accuse.
Je ne me confonds pas en vains gémissements.
J’agis ! Je convoque ! J’ordonne que céans
Soient rassemblés tous ceux qui font métier de lire
Présages et signes, passé et avenir !
Le chœur des devins :
Nous avons obéi, nous sommes accourus,
Délaissant les grottes, les places et les rues,
Lieux où nous pratiquons nos talents avérés.
D’éminents prodiges, ô reine, vous verrez.
Nous lirons les astres, les entrailles, le vol
Des vautours et des oies, le marc au fond du bol,
Les crottes de hiboux, les tridents des éclairs.
A nos yeux pénétrants, tous les signes sont clairs !
Nos cœurs se sont émus du poids de votre peine.
(Et grâce à ce grand roi, nos poches seront pleines !)
La reine :
Qui sont ces étrangers, vêtus d’oripeaux sombres,
Aux rictus effrayants et aux regards pleins d’ombre ?
Que veulent-ils de moi ? Que prétendent-ils faire ?
Leurs cris m’insupportent. Qu’on les fasse donc taire !
Le chœur des devins :
Ô reine, nous sommes vos humbles serviteurs.
(Et son époux contrit est notre débiteur).
Le roi :
Ma mie, écoutez-moi. Ce sont des astrologues
Qui vous révèleront sur quel océan vogue
La nef où embarqua le prince notre fils.
Ils démantèleront le traître maléfice
Qui le tient éloigné depuis plus de trois ans.
Leurs sorts me coûtent chers et seront donc puissants !
Le chœur des devins :
Nous verrons, nous voyons, nous avons vu, nous vîmes
Des navires voguant sur de sombres abîmes.
La reine :
Sur de sombres abîmes ! Sur des gouffres sans fond !
Le roi :
(Ne se rendent-ils pas compte de ce qu’ils font ?)
[à la reine]
Les voyants sont obscurs, il ne faut s’angoisser.
Laissons-les dévider tous les fils du passé
Et démêler ceux-ci des boucles du présent.
[aux devins]
Voilà des mots affreux. Mais prenez donc des gants !
La reine attend de vous des visions apaisantes
Et non le cauchemar de cette nef errante,
Ballottée par les flots, de partout prenant l’eau.
[à la reine]
Le monde est si grand et les cieux sont si hauts
Qu’il faut beaucoup de temps (sans parler de l’argent)
A ces hommes experts pour retrouver nos gens.
Notre fils n’est pas seul, une armée l’accompagne.
La reine :
Vous le savez fort bien ! Cette folle campagne,
Vous l’avez seul voulue pour votre seule gloire,
Pour qu’au noble fronton du temple de l’histoire,
Votre nom soit gravé en lettres majuscules.
Le chœur des devins :
Le roi tend ses deux mains mais la reine recule.
L’absence de son fils a éteint la tendresse
Pour l’époux arrogant qui, malgré sa détresse,
A envoyé l’enfant sur des mers inconnues.
Le courageux garçon n’est jamais revenu.
Aucun des dix bateaux n’a regagné le port.
Allons, frères, allons, lançons, jetons nos sorts,
Comme de grands filets sur les mers et les îles.
Mesurons, arpentons des miles et des miles.
Capturons dans nos rets la moindre émanation,
Le plus petit indice et sans hésitation,
Découvrons la trace des nefs évanouies
Sur les voies liquides des océans inouïs.
Suivons le fil d’argent des sillages fantômes.
Dessinons en esprit le parcours de ces hommes
Qui pour complaire au roi, ont armé dix vaisseaux,
Et sont partis, vaillants, confiants et un peu sots
Conquérir en son nom des territoires vierges.
La reine eut beau prier et allumer des cierges,
En appeler aux vents, Aquilon et Borée,
Implorer les Esprits puis tous les abhorrer,
Les dix nefs royales se sont perdues en mer
Sur des récifs mortels, dans des gouffres amers.
Mais donnons de l’espoir à cette pauvre femme,
Que nos divinations entretiennent la flamme
Qui brûle pour ce fils unique et tant aimé.
(Et qu’elles nourrissent nos ventres affamés !)
Le roi :
Ecoutez leurs avis et leurs sages conseils.
Ils lisent l’avenir, parlent avec le ciel.
Ils sauront ramener notre fils à bon port.
Ne doutez pas qu’il est bien vivant et non mort.
Le chœur des devins :
(Forçons notre talent, cela en vaut le coup.
Or nous ne voulons pas qu’on nous coupe le cou,
Soyons donc convaincants, paraissons sûrs de nous.)
Belle souveraine, nous plions les genoux.
Devant tant de grâce, nous sommes confondus.
Posez votre question, la vérité est due
A celle dont l’enfant est notre futur roi.
La reine :
Devins, je veux savoir si mon fils est la proie
De l’ombre ou de l’effroi, si je dois espérer
En un heureux retour, ou si je dois errer,
Ame douloureuse, jusqu’à ce que la mort
Vienne enfin apaiser mes lancinants remords.
Le roi :
Répondez sans détours et par des mots choisis
Rassurez ma reine. Son fils est-il en vie ?
Le chœur des devins :
Frères, fermons nos yeux. Comme l’oiseau marin
Qui frôle les vagues, ayons un cœur d’airain.
Volons sans escale, surprenons par les yeux
De nos esprits aigus ce que cachent les dieux.
Voyez, voyez, voyez ! Nous voyons ! Nous voyons
Les étendues fluides, les marines régions.
L’Océan infini nous attire vers lui.
Sur sa peau mouvante, un ardent soleil luit.
Ses rayons incisifs illuminent les voiles
Des dix vaisseaux royaux que guident les étoiles.
A la tête se tient un jeune capitaine :
Le prince, votre fils, ô notre souveraine !
A ses ordres précis, les marins obéissent
Les courants et les vents leur sont des plus propices.
Des terres se profilent, quelques îles désertes,
Véritables joyaux, luxuriantes et vertes.
De l’or à profusion, du bois noir et précieux,
Des perles parfaites scintillant sous des cieux
Indigo et profonds comme au début du monde...
Un devin [d’une voix tremblotante et aiguë] :
Qui donc a inventé que la Terre était ronde ?
Ah ! Frères, que vois-je ? Que voyez-vous, mes frères ?
Les autres devins :
Fier crétin, sombre idiot, mais tu vas donc te taire !
Cesse tes simagrées. Mais à quoi donc tu penses ?
Tes élucubrations font fuir la récompense.
Le devin [d’une voix toujours tremblotante et plus aiguë encore] :
Ce vacarme soudain qui emplit mes oreilles
N’est pas dû, je le sais, à la dive bouteille.
C’est le bruit terrifiant de nombreuses cascades.
En vain on chercherait une ultime parade.
Le roi :
Mais quel est le démon qui parle par sa bouche ?
La reine :
Est-ce la vérité qui jaillit de sa bouche ?
La peur me rend soudain plus raide qu’une souche.
Les autres devins :
N’écoutez pas ce fou. C’est un vrai lunatique !
Il fait l’intéressant. (Nous perdrons tout le fric !)
Le devin [d’une voix toujours etc...] :
Les courants sont puissants et tirent les bateaux
Jusqu’à l’extrême bord où s’engouffrent les eaux.
Que les dieux m’aveuglent ! Effroyable vision !
Sans pouvoir rien y faire ils passent l’horizon.
Leurs yeux incrédules voient là où la mer tombe
Dans le gouffre infini, là est l’amère tombe.
Le chœur des devins [sur un ton désabusé] :
Terrassée par l’horreur, la pauvre mère tombe.
La reine :
Mon fils, je te rejoins dans la nuit de la tombe.
Le roi :
Je porterai le deuil de ces deux innocents.
Mes mains frissonnantes ont trempé dans leur sang.
Les dieux justes ont vu toute ma présomption.
Mon orgueil a voulu supplanter les nations.
Je paie de mon bonheur une inutile gloire.
Le chœur des devins [sur un ton encore plus désabusé] :
Et nous, on ne nous sert pas même un coup à boire !
Ici je ne peux que m'incliner devant tant de talent. C'est rudement bien écrit, mûrement réfléchi. Je me sens bien incapable d'écrire un jour ce genre de choses alors un grand bravo à l'auteur. Un de mes textes préférés.
Par contre je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Thésée en lisant ce texte, notamment le passage concernant son retour sur la future mer Egée. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai eu cette image dans la tête quasiment de bout en bout et je n'ai pas réussi à m'en débarasser.
Novice Maintenant Multi d'Emin (à compter du 4 novembre de l'an de grâce 2007)
Magnifique ! Quel talent vous avez ici !! (Bon maintenant on sait pour qui j'ai voté mais pas grave lol, vous méritez des compliments !) *Arrête quand meme les commentaires ici pour ne pas révéler aussi le troisieme * Dans chaque humain il y a une touche de génie, chez cet auteur on sait où elle est ! encore bravo !
Un régal à lire, avec une histoire simple mais intéressante superbement racontée au moyen d'alexandrins et d'une mise en scène très inspirés. Dramatique mais non dénué d'un humour qui fait mouche. Une sorte de parodie de la tragédie antique ? C'est assez bien tourné finalement, même si au début on a peut être du mal à voir ce que l'auteur a voulu faire. Evidemment le traitement des rimes et des vers est excellent, mais on sait tous à qui on a affaire. Humoristique, ce texte perd peut être du coup de teneur. Car mis à part l'humour (qui plaît, ou pas), et la qualité "plastique" du texte, on a peu à apprécier. Il n'y a pas une histoire très construite, c'est peut-être dû au choix de la tragédie. On n'a pas vraiment de morale, quelque chose à en tirer, c'est presque uniquement du divertissement. Cela dit la présence d'une morale n'est pas forcément nécessaire et n'est pas obligatoirement (loin de là) le but de chaque texte. Donc ça peut tout à fait bien passer. Presque parce qu'on peut y voir une satire de l'art divinatoire, qui pour le coup, s'en prend une belle dans la figure, ainsi que les superstitieux, qui sont aussi bien ridiculisés.
Pareil que PP Jak... pas grand chose à dire si ce n'est que ce texte d'une qualité supérieure aux autres, confirme qu'Aelghir ne joue pas dans la même cour que nous
Suis à la base rebutée par les poèmes et poésies, vers construits, rimes et tout le tralala. Je n'ai pas voté (j'ai loupé cette jouuuuteuh grr) et malgré mon problème psychologique avec ce qui rime, je ne peux que m'incliner devant tant de talent.
En toute honnêteté, ce n'est pas du tout mon style... mais tout de même un grand bravo car ce n'est - je pense, arrête-moi si je me trompe, Aelghir - pas en cing minutes qu'on peut écrire quelque chose d'aussi bien construit.
Chevalier un jour, Chevalier toujours ! Montjoie Saint Denis et Tutti Quanti !
Pas en cinq minutes non, c'est sûr ! mais quelques heures parce que l'alexandrin est si musical que cela vient facilement une fois les premiers composés.