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J'ai tué. Parce que j'en avais envie. Tout simplement. J'ai pris de nombreuses vies avec mon poignard, et plus encore se sont éteintes sous le joug de ma magie. Et voilà que je passe en jugement. S'il y a une chose qui peut rassembler les Seigneurs Sorcyers et leur faire oublier leurs querelles futiles, c'est bien la perspective de condamner un criminel. Un Egaré, comme ils disent. C'est assez ironique quand on y pense.
Je sais ce que vous vous dites. Comment quelqu'un d'aussi génial que moi a-t-il pu se laisser attraper comme un vulgaire bandit ? Pourquoi n'a-t-il pas échappé avec brio à cette maudite embuscade ? La réponse est simple. C'est sa faute à Elle. Elle qui a mené l'assaut. Elle qui a contré mon pouvoir. Elle qui m'a immobilisé puis assommé. Elle qui me comprends. Je ne cesse de l'observer depuis le début du procès, mais elle évite mon regard. Elle se tient quelques mètres devant moi, ses long cheveux roux cascadant sur ses épaules. Je ne la vois que de profil, mais j'ai l'impression qu'elle est mortellement indifférente à ce qui se passe ici. Peut-être ne suis-je qu'une victoire de plus pour elle, un autre Egaré qu'elle aura arrêté à temps pour éviter au monde d'autres destructions.
Mais non, je sais que c'est plus que cela. J'ai vu l'éclat de ses yeux bleus lorsqu'elle a bloqué la vague noire de magie qui s'abattait sur elle. Farouche exultation. Cette femme est une guerrière. Elle n'est véritablement heureuse que dans la folie furieuse du combat, lorsque les flèches sifflent à ses oreilles et que la mort la frôle à chaque instant. Elle me ressemble à bien des égards. Mais nous ne sommes pas du même bord. Elle fait partie de ce corps d'élite qu'on nomme les Aigles, chargé de traquer les Égarés et de les mettre hors d'état de nuire. Moi, je suis un homme qui a choisi la route sombre, sans espoir de retour.
La voix pompeuse du Juge me tire de mes pensées :
— A présent, le verdict va être rendu.
J'écoute d'une oreille distraite : je connais déjà la sentence qui va être prononcée à mon encontre. Quelque soit les crimes commis, c'est toujours la même pour les adeptes de la Route Sombre.
— Le Conseil reconnaît l'Egaré ci-présent comme coupable et entièrement responsable de ses actes.
Le regard du Juge balaye la foule, comme s'il mettait quiconque au défi de le contredire. Je lâche un petit rire qui se perd dans la mer de silence qui nous entoure. Il me semble qu'Elle a frissonné, mais je n'en suis pas sûr.
— En conséquence, poursuit le Juge en pinçant les lèvres, la sentence est...
La mort ? Non... Ces imbéciles n'oseront pas me tuer. Aucun Égaré suivant le Voie Sombre n'a été exécuté depuis l'incident d'Yrtal. Et pour cause... Ils ont bien trop peur de ce que ça représente. Sans compter que c'est la source même de notre magie, cette magie qu'ils redoutent tant. La Nécromancie. Pas la mort, donc. Ce qui nous laisse... — L'exil.
***
J'ai sauvé d'innombrables vies en accomplissant mon devoir. En l'arrêtant, lui. Ne dois-je pas me réjouir ? J'ai capturé à moi seule le plus dangereux Égaré de ces dernières années, celui dont la sinistre réputation n'a cessé de grandir au rythme des meurtres sanglants qu'il accomplissait. Ma résistance à sa magie en a étonné plus d'un, à commencer par moi-même.
Tous les novices Aigles commencent par apprendre que le Feu Noir est mortel pour quiconque le touche. Il ne laisse dans son sillage que cendre et os. C'est pour cela que parmi tous les Égarés, les Nécromanciens — les seuls à pouvoir l'employer — sont les plus redoutés. Or je n'avais pas seulement touché la vague destructrice de magie qu'il m'avait envoyé, elle m'a enveloppée et j'ai survécu. L'air ahuri qui s'était peint sur le visage de mon ennemi m'a empli d'une joie sauvage, et je l'ai assommé en utilisant toute la puissance de mon sort paralysant.
Pour ce coup d'éclat, je suis en passe de devenir la plus jeune capitaine que les Aigles ait jamais connu. Pourtant, tout ceci me laisse un goût d'inachevé.
— Tu délires, me dis-je à moi-même. C'est la meilleure chose qui me soit jamais arrivé. Maintenant tout ce qu'il me reste à faire, c'est d'accompagner le Nécromancien sur l'île et m'assurer qu'il y reste.
L'île...
Vu de loin, elle me paraît minuscule. Et je sais que ce n'est pas qu'une impression. On peut faire confiance au Conseil pour avoir choisi la plus petite et la plus inhospitalière des îles de Bremya. Bremya, l'archipel-prison. Du moins est-ce ainsi qu'on l'appelle, je ne connais cet endroit que de réputation.
Et nous y voilà. Après trois jours de voyage sur le bateau contrôlé par les mages des Éléments, l'île se dresse devant nous, minuscule amas de sable défiant l'immense océan. Une chaloupe est mise à l'eau, et le Nécromancien y prend place, étroitement surveillé par deux Aigles, tandis que deux autres se mettent en position pour ramer. Quatre hommes ? Le sous-estiment-ils à ce point ? Un étrange pressentiment me traverse et je ne peux m'empêcher de crier :
— Attendez !
Je saute dans la barque en ajoutant :
— Je viens aussi, c'est plus prudent.
Le sourire de l'Egaré me glace le sang ; je sens ses yeux noirs se poser sur moi pour ne plus me lâcher. Je me force à observer chacun de ses gestes tout en évitant son regard. Les mains attachés, il ne peut pas faire grand chose, mais la sensation qui m'a frappée sur le navire ne me quitte pas.
Serait-ce de la peur ? Plutôt de l'appréhension. L'impression qu'il prépare quelque chose.
Il contemple l'île qui se rapproche inexorablement, sans manifester la moindre émotion. Quel que soit ce qu'il ressent, il n'en laisse rien paraître. Je porte à mon tour mon regard sur l'île. Elle est inhabitée, bien sûr, et les chances d'y trouver un animal sauvage suffisament gros pour alimenter le pouvoir du Nécromancien sont inexistantes, le Conseil y aura veillé. Tout au plus y a-t-il quelques abres en son centre.
La barque s'échoue sur le sable blanc de la plage. Je fais un signe aux deux Aigles et ils empoignent fermement l'Egaré. J'ordonne aux rameurs de rester ici et de se tenir prêt à repartir.
— Les autres, suivez-moi.
Je traverse l'étendue de sable, m'arrête à la lisière du bosquet d'arbres, et embrasse toute l'île du regard. Un instant je songe — un instant seulement — que ça doit être une existence bien monotone de vivre ici. Puis je me rappelle qui est l'homme derrière moi, ce qu'il a fait, comment il l'a fait, et l'étincelle de pitié que j'aurais pu éprouver se retrouve noyée sous des trombes de rage, de dégoût et de haine. Je me retourne et pose sur lui un regard froid comme la mort.
— Cette île sera ton tombeau, maudit Nécromancien.
La phrase, prononcée d'une voix dure, ne semble pas avoir d'effet sur lui, et il se contente de sourire. Je plisse les yeux et le torrent de rage me submerge à nouveau. J'aimerais pouvoir effacer cet odieux sourire de son visage, le taillader jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'une bouille sanglante, le faire hurler, l'entendre m'implorer, me supplier de l'achever.
Mon corps, mon esprit et mon âme hurlent un seul mot à l'unisson. Vengeance.
Mais je ne peux pas. Pas sans devenir comme lui. Et il y a les ordres. La hiérarchie. A mois que...
— Laissez moi seule avec lui.
Mes deux subordonnés sursautent et s'apprêtent à protester.
— C'est un ordre !
J'ai presque hurlé, et ils réagissent immédiatement, faisant demi-tour pour revenir vers la barque. Je transperce le Nécromancien du regard, comme s'il était la proie et moi le fauve. J'aimerais que ce soit si simple. J'ouvre la bouche pour dire quelque chose, n'importe quoi pourvu que cela le force à
m'attaquer, mais il me prend de vitesse :
— Le Conseil... tous ces Seigneurs Sorcyers... siffle-t-il d'une voix lente et calme — trop calme pour un homme dans sa situation. Ce sont des idiots, au dela-même des mes espérances.
Il lève les yeux vers moi et je reste figée sur place. Tant de pouvoir dans ses pupilles... Mon cœur bat la chamade, tous mes muscles sont paralysés. Je sais ce qu'il va se passer. Je l'anticipe. J'en ai presque le goût terrible dans la bouche. Cendre et os.
— Connais ton ennemi, connais ton ennemi... murmure-t-il. Quelle erreur d'avoir choisi cette île...
Un sourire de dément se dessine sur ses lèvres. Je veux esquisser un mouvement, crier, prévenir quelqu'un, mais je n'ai plus le contrôle de mon corps. Je suis condamnée à voir ce sourire s'élargir, tout en sachant ce qui va se passer dans quelques secondes, tout en sachant qu'il vont tous mourir.
— La terre est mémoire, dit-il encore.
Et le monde s'efface sous l'avalanche du Feu Noir.
***
Le pouvoir. Rien ne vaut le pouvoir. Il est la sève, le divin nectar, l'essence même de la vie. Parcourant mon corps comme une décharge électrique, irriguant muscles, peau, nerfs, tendons, il chante dans mes veines alors que je déchaîne le Feu Sombre. Mes liens disparaissent avec un grésillement, volatilisés par la chaleur. Je lève les bras au ciel et redouble la puissance de ma magie, riant toujours, défiant le ciel de m'arrêter.
La vague noire est partout à la fois, bourdonnant sur sa peau à Elle, léchant le sable, carbonisant les arbres, enveloppant le bateau d'une couche de ténèbres pour le libérer des rats qui l'habitent. Porteuse de mort. Une mort rapide, plus que je ne l'aurais voulu, mais si Elle survit, elle sera suffisante, oh oui, amplement suffisante.
Au terme d'une minute d'extase, je relâche mon emprise sur la magie puis la dissipe d'une simple pensée. Je sonde les réserves de puissance de l'île, bien que je sache pertinemment les avoir à peine entamés. Sur le millier d'âmes emprisonnées, une seule m'a suffit pour invoquer le Feu. Une seule, alors qu'en temps normal il en faut dix. Ces gens ont dû être tués d'une
manière particulièrement atroce. C'est encore mieux que ce que j'espérais.
Un son rauque parvient à mes oreilles. Quelques secondes me sont
nécessaires pour comprendre qu'il s'agit d'une respiration. Pas la mienne. Mes dents se découvrent en un sourire de squale et je baisse les yeux. Étendue sur le sable, Elle semble inconsciente. Quelques mèches de ses cheveux sont brûlés, taches noires qui tranchent sur le roux, mais pour le reste elle semble intacte.
Plus résistante qu'il n'y paraît...
Sa vue m'inspire à la fois irritation et soulagement.
Irritation, car c'est la seconde fois qu'elle survit au Feu Noir, et du diable si je sais comment elle s'y prend. Soulagement, car j'aurais été déçu qu'elle meure si vite, alors que j'ai tant de projets pour elle. Prudence, cependant. Je puise une autre âme dans la terre de l'île pour tisser un sortilège qui la maintiendra immobile. De lourdes chapes de ténèbres s'entortillent autour de ses poignets et chevilles. J'esquisse un sourire et m'autorise alors à contempler mon œuvre. Mon regard ne rencontre que cendre et os, à ma plus grande satisfaction. Le sable de l'île est passé de blanc au noir le plus pur, avec ça et là de petits éclats brillants. Il ne reste rien du semblant de forêt, si ce n'est une odeur de bois brûlé. Plus de barque, ni de rameurs. Quant au bateau...
je distingue sans peine l'épaisse substance grise qui flotte sur l'eau à l'endroit où il se trouvait auparavant.
Quelle bande d'imbéciles.
Un grognement derrière moi. Je me retourne pour la voir se redresser laborieusement en position assise. Ses yeux s'agrandissent lorsqu'elle réalise l'ampleur des dégâts. J'observe avec intérêt les émotions se succéder sur ses traits : incompréhension d'abord, puis horreur, dégoût, pour en arriver à rage et haine. Elle serre les dents, ses muscles se tendent, et je suis certain qu'elle m'aurait sauté dessus si les liens de
ténèbres ne lui interdisaient pas tout mouvement. Pour finir, elle parvient à articuler un mot qui tient plus d'un grondement de fauve que d'un phonème humain, mais que je comprends néanmoins.
— Comment ? Oh, c'est très simple. Tu dois savoir, j'imagine, que les Nécromanciens tirent leur pouvoir de la mort. Des âmes séparés de leurs corps, plus précisément.
Je m'accroupis et saisis une poignée de sable, laissant s'écouler un à un les grains.
— Ce que tu ne sais pas, c'est qu'il est possible, en quelque sorte, de 'stocker' ces âmes. C'est exactement ce qu'a fait quelqu'un sur cette île, il y a longtemps. Je ne connais pas tous les détails, mais peu importe. Ce qui compte, c'est le millier d'âmes qui dorment sous mes pieds, prêt à servir le moindre de mes désirs. Elle baisse la tête, et l'espace d'un instant, je peux presque sentir la rage aveugle qui l'habite. Elle demande entre ses dents :
— Tu le savais ? Tu connaissais l'histoire de cette île ?
— Hé bien, non, avoué-je en savourant l'ironie de la situation. Ce ne sont que des suppositions de ma part, mais je pense que le sacrifice de ces gens remontent à quelques centaines d'années. Il faut croire qu'aucun Nécromancien n'a posé le pied sur ici durant tout ce temps. Quelle chance pour moi que le Conseil ait choisi précisément cette île, sur la petite centaine qu'en compte l'archipel... Une nouvelle fois son corps se tend comme la corde d'un arc. Ses yeux — d'un magnifique bleu — se fixent sur moi, animée d'une haine brûlante. Si un regard pouvait tuer, je serais mort sur-le-champ.
— Et maintenant ? gronde-t-elle.
— Maintenant, c'est l'heure de passer aux choses sérieuses.
Je l'empoigne par les cheveux et la traîne jusqu'au centre de l'île, sans prêter attention à ses cris et ses tentatives pour se libérer. Je la lâche brutalement et examine les environs. L'endroit dégagé et le sol sans aspérités vont me faciliter la tâche. Tracer un pentacle n'est jamais facile, autant le faire dans de bonnes conditions.
— Sale uzynerk sans âme !
Je lève un sourcil étonné.
— Où sont passés la politesse et le bon goût ?
— Partis en cendre avec les corps de mes amis, crache-t-elle.
Elle plante ses yeux dans les miens et ajoute d'un ton agressif :
— Tue-moi aussi ! Allez, tue-moi ! Je sais que tu en as envie, qu'est-ce qui te retiens ?
Je lui souris doucement et réponds du bout des lèvres :
— Non.
Son crachat m'atteint en plein dans l'œil gauche. Je l'essuie, toujours avec la plus grande sérénité.
— J'ai encore besoin de toi, ma chère. (Comme elle ne réagit pas, je poursuis Je suppose que tu ignores le but ultime de tout Nécromancien. Ce n'est pas quelque chose que nous crions sur tout les toits.
Silence. Puis elle renifle et murmure :
— Sans doute pas.
— Il faut dire aussi que très peu d'entre nous ont réussi à ce jour.
Invoquer Ceux-de-Nebiros demande un nombre conséquent d'âmes...
Cette fois, elle relève la tête, l'air incrédule.
— Les démons ? dit-elle en s'étranglant sur le mot.
Je hoche la tête, amusé.
— Seuls les ignorants les appellent ainsi.
Le teint livide, elle me dévisage comme si elle ne parvenait pas à croire ce qu'elle entend.
— C'est de la folie... vouloir contrôler une telle créature... C'est...
Elle laisse sa phrase en suspens, incapable d'aller jusqu'au bout de sa pensée.
— Oh, mais je ne lui laisserais pas le choix. Je le scellerais ici, indiquai-je en désignant ma poitrine. Dans mon corps, il m'apportera toute sa puissance, mais restera sous mon contrôle. Et ensuite... j'irai régler mes comptes avec ces chers Seigneurs Sorcyers.
Mon plan est parfait, et à l'instant où elle s'en aperçoit, une expression de pur désespoir se peint sur ses traits. Ça ne dure qu'une seconde, pour être aussitôt remplacé par une détermination sans failles, mais je l'ai vu.
— Pas tant que je serais en vie, lance-t-elle d'un air de défi.
Parmi le bon millier de réponse possibles, je choisi la plus théâtrale. M'agenouillant pour me mettre à son niveau, je la regarde dans les yeux. Dans ces formidables yeux bleus où passent tant d'émotions contradictoires.
Et je demande, doucement :
— Tu me tuerais ?
Sans ciller, elle approche son visage du mien, jusqu'à ce que mon champ de vision se réduise à une mer bleu dans laquelle deux îlots noirs lancent leurs éclairs mortels.
— Sans une seconde d'hésitation.
Et à cet instant, alors que nous sommes agenouillés dans le sable, les yeux dans les yeux, emplis l'un et l'autre du désir de tuer, nos âmes se reconnaissent. C'est un phénomène étrange, impossible à comprendre pour quelqu'un qui ne l'a jamais vécu. Un déclic se produit, les pièces du puzzle s'emboîtent, et une partie de mon esprit ramène à la surface des souvenirs enfouis, des souvenirs que j'avais oublié, ou plutôt que je m'étais efforcé d'oublier. Des souvenirs d'une autre vie.
Et je comprends tout, dans un brutal éclair de révélation qui ne laisse aucune place au doute. Et je sais qu'elle aussi, elle a compris. Ses pupilles se sont agrandis sous le choc. Alors je répète, encore plus doucement, comme un murmure :
— Tu me tuerais, Lyanne ? Tu me tuerais, mon amour ?
***
Non. Non. Non. Impossible. Ça n'est pas vrai. Ça ne peut pas être vrai.
Ça ne peut pas... Et pourtant si. Se répéter mille fois le même mensonge ne change rien à la réalité des choses, et au fond de mon cœur, je sais qu'il dit vrai. Une vérité brûlante, qui fait mal, mais que mon âme ne peut renier. Je prends une brusque inspiration et ferme les yeux pour échapper à l'emprise de son regard ténébreux. Je sens son sourire sans même le voir, et comprends que quelque part, j'ai toujours su qui il était. Je l'entends se relever et
faire quelques pas.
— Ça doit dater de notre dernière vie, juste avant celle-là, pour que les souvenirs soient si forts, dit-il d'une voix neutre. Étrange destin que le nôtre, tu ne trouves pas ?
Je reste silencieuse. Que pourrais-je répondre ? Il se met à rire, puis reprends :
— D'une certaine manière, c'est parfait. Ton sang est lié au mien, comme le prouve ta résistance au Feu Noir, alors il n'en sera que plus fort.
Il se penche pour ramasser quelque chose dans le sable, quelque chose qui brille au soleil, puis revient vers mois, tenant fermement le morceau de verre.
— Qu'est-ce que tu vas faire, Rheyn ? dis-je sans pouvoir réprimer un accès de panique.
Il s'agenouille devant moi en souriant et siffle un mot que je ne comprends pas. Mes bras se tendent contre ma volonté. J'ai beau vouloir les replier, je ne peux pas lutter contre les ténèbres qui enserrent mes poignets. Son poignard improvisé s'approche et tranche. Tranche ma chair, fait couler le sang.
— Quel précieux liquide, chuchote-t-il.
Il en badigeonne sa lame de verre jusquà ce qu'elle en soit entièrement recouverte, puis s'éloigne tout en traçant quelque chose sur le sol. Un pentacle. J'en reconnais la forme, car j'ai étudié cette magie — connais ton ennemi. Il est destiné à invoquer un démon. Et quel démon ! Je frissonne en découvrant l'enchevêtrement des lignes de forces.
Saryniel...
Le plus puissant de Ceux-de-Nebiros. Invoqué une seule fois dans notre longue, longue histoire, il est à l'origine de l'incident d'Yrtal. Ce fut la première et la dernière fois que nous exécutâmes un Nécromancien. Au moment précis de sa mort, Yrtal se servit de son âme pour appeler le démon. En quelques secondes, la ville fut rasée, et tous les habitants périrent. Par chance, l'âme d'Yrtal n'était pas suffisante pour ancrer véritablement le démon dans notre dimension, et ils disparut sans avoir l'occasion de faire plus de dégâts.
Et ce fou veut l'invoquer à nouveau. Sans parler de le sceller dans son propre corps. A supposer qu'il y parvienne, il perdrait très certainement la raison. Saryniel serait libre de se déchaîner sur le monde. Toutes ces pensées affluent à mon esprit alors que Rheyn termine de tracer le pentacle et s'assoit en son centre. Il a couvert son corps de symboles sanglants destinés à maintenir le démon dans sa chair. Il pose l'éclat de
verre à côté de lui et prend une grande inspiration.
— Ça ne marchera pas, dis-je.
— C'est ce qu'on va voir.
Il ferme les yeux et commence à psalmodier des mots dans une lange étrange.
A présent, ce n'est plus qu'une question de secondes. Je me débats de toutes mes forces contre le sort qui me retient prisonnière. Mon esprit se heurte à la texture ténébreuse sans parvenir à la briser. La terre se met soudain à trembler, comme si les âmes cherchaient à s'en échapper. Un rayon d'un rouge malsain tombe du ciel pour éclairer Rheyn d'une lumière sanglante. Une question de secondes.
— Rheyn, je t'aime.
Les liens disparaissent sans un bruit. Ma main se referme sur le manche de ma dague. Un bond. La lame frappe au cœur. Puis vient l'obscurité.
***
Il se lève. Ouvre les yeux. A ses pieds gît une humaine. Morte. Un éclat de verre enfoncé dans son organe vital. Il se détourne de cette vision et examine le corps. Son corps, à présent. Il est abîmé. Un morceau de métal bien placé a arrêté le cœur, tranchant les veines indispensables à son bon fonctionnement. Il n'en a cure.
Pour la première depuis longtemps — très longtemps — il est libre. Libre !
Du moins pense-t-il ainsi jusqu'à ce que son regard tombe sur les lignes écarlates du pentacle. Piégé... Il est piégé par ce cercle tracé d'une main humaine.
Un hurlement de rage jaillit de sa gorge. Quiconque l'entendrait trouverait qu'il y a quelque chose d'étrange dans ce cri. En fait, il n'est pas humain.
Mais il n'y a personne pour parvenir à cette conclusion. Il n'y aura personne avant bien longtemps.
Et il hurle.
Et hurle.
Et hurle.
Dans l’ensemble c’est pas mal. Il y a une bonne histoire, originale, c’est assez surprenant. Tes personnages sont intéressants, bien que peut être un peu trop manichéens. Le sujet est traité de façon intéressante, particulière, c’est bien. Bon y a des fautes de grammaire/orthographe… c’est pas très grave, c’est corrigible, mais ça déprécie ton texte. Tu as parfois de belles expressions, de belles tournures de phrases, mais d’autres fois, étrangement, tu t’exprimes mal, c’est dommage… Je prime le même conseil éternel : la relecture ! Plus précisément, voici quelques notes sur ton texte.
L’entrée en la matière n’est peut être pas au mieux de sa forme, c’est pas mauvais, mais tu peux faire mieux pour plus accrocher le lecteur.
On a le sentiment que les deux persos ont une sorte d’attirance, d’intimité l’un envers l’autre, depuis le début, c’est plutôt bien, mais tu pourrais l’exploiter plus, de même que l’alternement des points de vue de chacun des persos, qui est tout de même pas mal.
Au début Rheyn est soit puérilement bête, soit tu décris mal ses pensées ! Je parle de ça :
Je sais ce que vous vous dites. Comment quelqu'un d'aussi génial que moi
a-t-il pu se laisser attraper comme un vulgaire bandit ? Pourquoi n'a-t-il
pas échappé avec brio à cette maudite embuscade ? La réponse est simple.
C'est sa faute à Elle.
Ca m’a sauté aux yeux.
Ensuite une incohérence :
Quelque soit les crimes commis, c'est toujours la
même pour les adeptes de la Route Sombre.
Un peu plus loin :
La mort ? Non... Ces imbéciles n'oseront pas me tuer. Aucun Égaré
suivant le Voie Sombre n'a été exécuté depuis l'incident d'Yrtal. Et pour
cause... Ils ont bien trop peur de ce que ça représente. Sans compter que
c'est la source même de notre magie, cette magie qu'ils redoutent tant. La
Nécromancie. Pas la mort, donc. Ce qui nous laisse...
Pourquoi se pose t-il ces questions s’il connaît la réponse ?
L’enchaînement des actions est parfois à retravailler.
Le jeu sur les regards est intéressant, pas mal mis en place.
Quand vient la « vague noire », c’est pas assez visuel, travaille plus la description.
J'esquisse un sourire et m'autorise alors à
contempler mon œuvre.
J’ai cru que c’était la fille dont il parlait… est-ce voulu ?
Ensuite l’homme observe les émotions passer sur le visage de la femme, c’est très bien, mais peut être que tu pourrais écrire la réaction de l’homme face à ces émotions qu’il voit… ? Ce n’est qu’une suggestion.
J’en viens à la fin. Quand elle bondit, je n’ai su dire avec sûreté que c’était elle-même qu’elle poignardait. Plus généralement, je trouve ta fin un peu floue, ce qui frêne le rythme emballant que le texte prend. C’est pas clair, on sait plus qui est qui, on comprend pas trop ce qui arrive. C’est peut être voulu ?
Enfin, tu aurais pu complexifier un peu plus les choses, tout pousser plus loin, les persos, tes réflexions, ton histoire, l’ambiance, donner plus de matière encore, tu avais de la marge niveau longueur. Par exemple on aurait pu avoir les Aigles (je crois ?) qui préparent l'expédition, ce que la femme et l'homme font en attendant le départ, pour donner plus d'anticipation... Mais ton récit garde une bonne unité. Attention à des erreurs que tu peux éviter.
Pour finir, quelques conseils pour le futur, qui sont à prendre ou à ignorer :
- Prends un moment pour réfléchir à ton histoire, à sa profondeur.
- Une bonne vingtaine de relecture, et encore c’est peu !
Bon courage pour la suite
There's something rotten in the kingdom of Blizzard...Chevalier du Haut Verbeex Responsable des CL / Membre du Conseil RP / Modérateur / Newser
Alors, je suis dans l'ensemble d'accord avec le jury. Toutefois je me permets de recommander une vingt-et-unième relecture, afin d'éviter les fautes bêtes du type "Prend un moment" à trois lignes de la fin .
Bref. J'ai trouvé personnellement que le monde évoqué par ce texte était celui qui m'attirait le plus parmi les quatre. Toutefois, effectivement, la syntaxe et quelques fautes d'orthographe ont sans doute plombé un peu l'impression générale. Je me suis posé les mêmes questions au sujet du personnage masculin : ses réflexions sont parfois pour le moins confuses. Petite déception peut-être aussi sur le personnage féminin, que j'ai trouvé moins creusé alors qu'il m'intéressait plus, dommage (pour moi surtout ).
Ceci dit ça reste l'un des deux textes que j'ai préféré, et j'ai hésité un assez long moment car l'univers m'a vraiment séduit .