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La légende d'Ys
(Sujet créé par ysandell l 23/05/05 à 00:25)
non favori


Je mets le sujet dans la section libre par défaut, mais si le modo préfère le déplacer, je comprendrais

Ma légende préférée... Comme mon pseudo' l'indique



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ysandell
15/05/2005 14:06
Lisez Khimaira
Ménestrelle [/link]
I like being a mess. It's who I am.

Sur la lande déserte, une ménestrelle fredonne
pour la Pierre de Tear et pour elle-aussi
Voici la légende dont mon nom résonne
Celle de ma cité, de mon âme, de mon pays.


Je viens vous conter l'histoire de ma cité, mon rêve de soie et d'argent enlacé par les vagues.

Comme souvent par chez moi, tout commence une silhouette gracile, couleur d'écume, qui fend le glaz des flots, le corps fragile d'une morte rendue à son élément natal : la belle Magdwen est décédée, laissant derrière elle un roi éploré et l'enfant qui emporta son souffle, une fillette de nacre, aux yeux d'abysses et de mystère, au nom de vent et de murmure : Dahut...

Sur le bateau de leurs noces, Graddlon, roi de Cornouailles, se drape de ténèbres et laisse la vie à sa porte. Il n'est en son royaume nul ménestrel, nul jongleur, nul bouffon qui réussisse à lui arracher un sourire ; et la lande sombre avec lui dans le deuil et le chaos. Sa seule consolation reste sa fille chérie, dont il exauce le moindre caprice et qui s'élève au fil du temps en orgueil et en beauté, écho de chair au genêt qui imprègne ces lieux, baignant de son éclat ensorcelant le palais de son père, semant chaque cœur dans la contrée la morsure froide d'un amour sans retour, semblable à celle des flots glaz qui me sont province et bien d'avantage. Guénolé, évêque et ami du roi, tente de discipliner cette femme-fleur ardente, en vain. Certains chuchotent même qu'elle danse la nuit, sur la lande, avec les korrigans... avec les korrigans, ces éclats de ténèbres vêtus de feux et de malice !

Au matin de ses dix-huit ans, la belle part chevaucher avec son père : deux éclairs, un noir et un blanc, déchirent le pays de rires partagés, de complicité offerte au vent comme une union avec la lande qu'ils parcourent. De Quimper à Douarnenez, le chemin semble court... Et se dresse soudain, au bout de la route, une cité fabuleuse, comme un éclat de merveille déchirant la ligne d'horizon et la poussière du chemin, présent du père à sa fille.

Ah, vous dire comme elle était ma belle, ma ville, du temps de sa gloire !

Elle se détachait, droite et pure, sur les flots, comme une gigantesque caresse d'écume sur le glaz doux de l'horizon. De nuit, il semblait qu'une deuxième lune fondait dans ce miroir mouvant.
Certains la disaient pavée d'or et de diamants ; d'autres chantent que ses maisons étaient d'argent, et les fenêtres de cristal, cherchant dans les matières les plus précieuses les briques de nos fiers bâtiments pour célébrer sa gloire. Il semble qu'un enchantement korrigan faisait voir à chacun la splendeur qui parlerait à son cœur.
Pour ma part, je la voyais toute de marbre, drapeaux de soie argentée se détachant sur l'azur, pavée de coquillages empruntés au royaume de Poséidon, Neptune, Ulmo, quel que soit le nom que vous chantez en vos cœurs ; de glaz et d'écume ourlée…
Ses fières digues, oeuvres des korrigans et des esprits de la lande, défiaient les vagues et miroitaient sous le gai soleil d'alors, défi jeté aux fureurs célestes. Et splendeur parmi les splendeurs, le château de la princesse : y vivaient les plus célèbres ménestrels de cette époque, dont votre servante, pour conter son architecture ciselée, et la joie qui y régnait. La seule touche d'ombre naissait d'une audace de la princesse: la plus haute tour du palais s'élevait dix pieds plus haut que le clocher de la cathédrale d'Ys dont la fameuse rosace exhibait le visage parfait de notre douce princesse.... Une gifle pour Guénolé que cette coquetterie de Dahut !

Mais on ne pouvait que lui pardonner son audace, tant la voir, c'était l'aimer : elle avait cette part d'enfance en elle, ce souffle doré que tous adoraient, ce charme hérité des flots qui envoûtait les yeux et l'âme.
Certains médisants racontent à son sujet de terribles histoires : ensorceleuse, sorcière... Elle aurait attiré chaque soir un nouvel amant dans son repère : le malheureux montait à la tour, masqué de velours, pour boire un peu du souffle et du corps de la princesse. Une fois désaltéré et ivre d'amour, il repartait dans la nuit, ombre parmi les ombres, et les liens du masque l'étranglaient... La princesse, dit-on, jetterait les corps à son amant l'océan, et on l'aurait vu parfois, sous la lune, corps blanc parmi l'écume, sirène parmi les sirènes, se livrer aux baisers mordants et fougueux de son aimé aux mille bras pour l'apaiser et attirer sur la ville et ses pêcheurs abondance et prospérité.
Je n'en crois rien. C'était une vierge capricieuse et farouche comme le vent, insaisissable comme la sirène dont elle empruntait parfois le chant, aux yeux dont l'azur trouble recelaient maintes blessures que la main d'une mère ne pouvait apaiser, au cœur fragile comme une nacre et timide comme ses reflets. De mauvais bardes jaloux auront sans doute voulu expliquer ses mystères et son côté fée, mi-femme mi-ombre, par de tels mensonges…

Que la vie était douce en notre belle cité d'Ys ! Les fêtes battaient leur plein, et les habitants heureux vivaient dans l'harmonie et le confort. Un petit paradis sur mer... dont Graddlon conservait soigneusement la clé autour de son cou, la clé des digues, celle de notre bonheur et de notre survie.

Il y eut une fête de trop pour briser notre félicité, une réponse aux imprécations que Guénolé, dans les ténèbres envitraillées de sa cathédrale, lançait contre cette princesse infidèle à ses messes et à sa foi -mais quel besoin aurait-elle eu de sa foi, elle qui la plaçait en l'homme et la nature, selon les préceptes transmis par les anciens druides? Mais il faut croire que nos anciens dieux étaient trop faibles pour se rebeller, et que nos landes, déjà imprégnées de cette culture chrétienne qui nous fit disparaître, ralliaient leur magie à cet autre Dieu inconnu qui gagnait peu à peu en puissance.
C'était, je me souviens, la nuit de la Saint-Jean ; le solstice d'été, dit-on dans l'ancienne tradition, une de ses nuits troubles ouvrant des portes vers Faërie la belle ou à d'autres manifestations curieuses des temps "modernes". Cette nuit qui fut fatale à Tristan et Iseut nous assombrit également.
Une grande fête avait été organisée à Ys, couleur de pourpre et d'or, couleur d'été. Un inconnu, barbe rousse, yeux flamboyants, armure de sable et d'or, s'y présenta, suivi d'une troupe de serviteurs semblables à des ombres.

Ma princesse, à sa vue, frémit d'amour pour la première fois. Elle qui attirait à elle presque inconsciemment tous les cœurs sentit le sien se perdre dans le regard de braise du chevalier. "Qui es-tu bel étranger ? Ton nom donne-le-moi !
- Mon nom est terrible et puissant comme mon royaume : à travers son chant, on entend couler des rivières d'or et de rubis, rugir les plaines de flammes où je chevauche seul, le cœur désert, attendant la venue de ma mie. Donne-moi ce qui t'est le plus précieux, et je t'offrirai mon cœur et mon nom, belle Dahut. Livre-moi ce qui fait ton être et tu possèderas le mien, et le royaume qui l'accompagne"
La malheureuse, tremblante et ensorcelée, lui promit les clés de la ville, les clés des digues, les clés protégeant Ys la radieuse de la fureur des éléments !

Fragile et pâle, comme déjà fantôme, elle s'avance dans la chambre où Graddlon endormi repose en toute confiance. D'une main légère que fait trembler la peur et le remords déjà, elle ôte la clé et sur un "pardon père" quitte la pièce pour retrouver son funeste amant.
Sa barbe semble plus enflammée encore sous la lune ascendante, et ses yeux la brûlent à chaque regard. Elle lui remet les clés, tremblante, ardente, hésitante… Dans un rire semblable à claquement de tonnerre, il lui révèle son nom, dont les syllabes la déchirèrent comme la foudre, avant de disparaître dans un grand souffle de feu, ne laissant derrière lui qu'une noire marque gigantesque sur le sol, une ombre en forme de bouc diabolique…

Dahut s'effondre enfin, comprenant son erreur, âme perdue, livrée au diable et à la désespérance. Pas de repos pour ce cœur déchiré, car les cris s'élèvent de toutes parts : "l'eau monte! l'eau monte! la ville est perdue!". Et déjà les algues viennent s'enrouler aux jambes des habitants, les entraînant dans le sommeil éternel des abysses. Déjà les pierres deviennent glaz et disparaissent aux paumes avides de l'océan

Guénolé, sous sa forme lumineuse et immatérielle, éveille Graddlon et lui enjoint de partir. Le roi hagard et défait enfourche Morvac'h, son fier destrier, dernier présent de sa douce Madgwen, cheval enchanté dont les sabots caressent la surface des flots sans s'y enfoncer. Il s'élance dans une course éperdue vers le rivage, les yeux fouettés du sel du chagrin et des embruns déchaînés.

Derrière lui une plainte le retient, lancinante : "Père, père, aide-moi!"

N'écoutant que son amour, Graddlon fait faire un demi-tour à Morvac'h et prend sa fille en croupe. Mais dans le ciel, seule lueur se détachant dans le fracas des ténèbres, Guénolé lui apparaît, nimbé de puissance divine, en habits de cérémonie, la crosse à la main et lui dicte d'une voix sévère de laisser là cette pécheresse, cause de la destruction de la ville. Graddlon refuse tout net et éperonne Morvac'h dont le noir poitrail s'enfonce peu à peu dans les flots. Qu'il est lourd le cœur coupable et malheureux de Dahut ! Quelle est pesante sa faute !

Au deuxième refus de Graddlon, Guénolé intervient, de sa crosse fait basculer ma princesse dans les flots qui la dévorent en un ultime baiser farouche et jaloux, dérobant sa beauté au jour et aux hommes inconscients.

Morvac'h atteint alors le rivage à toute vitesse. Quand Graddlon met enfin pied à terre sur la plage et se retourne, il n'est, sur l'horizon subitement apaisé, nulle trace de la cité. Seules deux étoiles jumelles semblent indiquer de leurs reflets pâles et incertains le lieu de nos anciennes joies…

Ces étoiles, on peut les apercevoir encore, certaines nuits trop claires où les esprits se promènent furtivement sur la lande de Douarnenez. Entre des deux damoiselles de compagnie s'élève parfois le buste de Dahut, devenue Ahès la marimorganne, dansant avec les cieux qui ne l'ont pas comprise.

Je célèbre, brume avalée par la nuit, la grâce de ma princesse, ma voix se mêle à celle du vent certains soirs... Et si vous tendez bien l'oreille, vous pourrez entendre mon conseil : si vous conservez au creux de votre poche, une pièce, même d'une très petite valeur, et que vous acceptez de me suivre jusqu'en ces murs qui ont connu tant de joies et tant de peines… Là, parmi les habitants de la cité d'algues, si vous achetez quelque chose, ne serait-ce qu'un quignon de pain, un ruban, une chanson… ma ville renaîtra, et surgissant d'entre les flots, belle parmi les belles, comme une étoile échappée du firmament ; elle fera de vous un roi, une reine, et la France changera alors de capitale, détrônant ce Paris portant si mal son nom : Par-Is, égal à Ys dans la langue de vent et de rocailles qui est la mienne.

Alors écoutez... écoutez le chant qui vous parvient par bribes, certains soirs, certains rêves...

Ecoutez... et réveillez la légende que vous portez en vous à présent...

La ménestrelle sourit tristement et disparaît, engloutie par la brume, ses yeux semblables à deux étoiles jumelles oubliées par les hommes.
ysandell
15/05/2005 14:17
Lisez Khimaira
Ménestrelle [/link]
I like being a mess. It's who I am.

Merci Karion. Effectivement, j'étais en train de la taper, ou plutôt de "corriger" une des innombrables fois où je l'ai racontée sur msn

J'ai lu le "livre des étoiles", et yavait un pays qui s'appelait Ys, un morceau de la Bretagne qui s'était séparé du reste. L'auteur s'est inspiré de ta légende préféré, ou c'est pas du tout ça?


Je ne l'ai pas lu, mais il est probable qu'il s'en soit inspiré, effectivement, comme de nombreuses personnes avant lui... et comme je l'ai fait dans un de mes romans, non publié à ce jour (aurai-je le temps de finir de le corriger un jour ?)... mettant en scène Ysandell ! Ysandell, dans un breton bidouillé poétiquement par mes soins, pourrait signifier le chant venu de la ville d'Ys. C'est une poétesse obsédée par cette légende qui va finir par s'y intégrer.

Nombreux sont ceux qui ont réécrit la légende d'Ys à leur façon : George Toudouze, Charles Guyot, Michel Le Bris, Lionel Courtot, Edouard Lalo dans un très bel opéra...et de nombreux autres. Certains ne font que la citer (comme Philippe Le Guillou, Stephen Lawhead, Jack Vance), d'autres s'en inspirent pour recréer leur imaginaire : ainsi Martial Caroff écrit-il des polars (les quatre saisons d'Ys, aux éditions terre de brume) se situant dans une Ys reconstruite sur l'ancienne et aussi "maudite" qu'elle, Jimmy Guieu en fait le théâtre d'un roman de SF...
Si vous voulez lire les "anciens" textes autour de la légende, je vous recommande certains passages d'Anatole LeBraz dans sa fabuleuse Légende de la mort ou l'érudit et fort documenté ouvrage de Christian Guyonvarc'h et Françoise Le Roux aux éditions Ouest France : La légende d'Ys. Les textes qui ont inspiré Charles Guyot y sont pour la première fois réunis... et l'analyse est fort instructive pour les passionnés de mythologie.

Si ça vous intéresse, je peux vous mettre un article que j'ai écrit sur la légende dans ce topic. Après l'avoir corrigé bien sûr Je suis passionnée par cette légende depuis toute petite et dévore/écoute/regarde (il y a eu un téléfilm, adapté de l'oeuvre de Le Bris) tout ce que je trouve sur le sujet...
Ou rajouter quelques extraits de la quantité invraisemblable de poèmes que j'ai écrit autour des différents instants de la légende.
Hevea
15/05/2005 15:02
Novice
Fantôme de la tour

Merci Ysandell!
C'est tout ce que je peux dire, car il s'agit aussi de ma légende préférée, et je ne l'avais pas "entendu" depuis quelques temps déjà.
T'écouter la déclamer doit être un régal pour les oreilles!
Owyn
16/05/2005 00:07
Fantôme gaidin
Admin

Bravo, je dois dire que si j'ai aimé la légende, j'ai encore plus aimé ta façon de l'écrire.

Je dois dire que j'aimerais t'entendre la dire.

Oui, ce serait une bonne idée, de mettre une article.
Lirkae
23/05/2005 00:25
Encore et toujours Novice


Bravo Ysandell et merci
Soclar
23/05/2005 20:16
mercenaire...

J'ai fait une jolie quète dans un RP sur la cité d'Ys, on était guidé par la fille de Graddlon (en morte vivante ) et la cité d'Ys avait réssussité pour pas trop longtemps mais bon... très bon souvenir même la succube à la fin...


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