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Le jour déclinait rapidement dans l’ébauche de camp et Shtark se hâtait de rejoindre le rassemblement qui s’était formé près de la tente du chef.
Aerk Tshlek avait déjà commencé à parler, ou du moins il agitait ses bras couverts de poils grossièrement tressés en débitant son discours le plus vite possible. Ce qui donnait approximativement ceci :
« Bande de manges-merdes, z’écoutez jamais rien quand j’cause ?!? » exultait-il, « Je m’en tape le groin que vous ayez mal aux pieds, si jamais les Grands pigent qu’on s’traîne, ils viendront couper ma tête et vingt autres pour le plaisir !»
En réalité Aerk Tshlek n’avait pas réellement de groin, bien que son nez ne soit plus qu’un amas de chair replié en tas informe, laid même pour la mode locale. Le chef était en fait un gobelin, comme le reste de la bande. Tournant sa grosse tête au cheveu rare, il aperçu Shtark et ses longues oreilles eurent une crispation convulsive :
« Te v’là sale bouseux, toujours a traîné derrière pour éviter la bagarre, hein ? Tu peux être sûr que j’t’arracherai tes sales yeux de couineur bien avant que les Grands viennent nous massacrer ! »
Shtark tordit sa bouche mais la garda bien close, mieux valait s’écraser quand le chef piquait sa crise. Surtout que ce n’était là que le premier couplet, la suite ne se fit pas attendre :
« Ce foutu Castel-Blanc est encore a cinq jours de marche et ces salopiaux veulent commencer la bagarre dans juste quatre jours ! Même si on marche sans s’arrêter jusqu’au bout, c’est pas sûr que ces maudits orques aient laissé une seule pierre du château quand on arrivera ! »
A présent ses yeux abritaient une dangereuse lueur de folie et tout le monde détournait soigneusement la tête. Shtark vit que même le grand Yelhoïd, dont les bras touchaient le sol et qui affichait en permanence un petit sourire satisfait, ne semblait pas tranquille et passait nerveusement sa longue langue sur les poils de ses lèvres. Le chef poursuivit sans interruption :
« Je pars dix minutes en éclaireur et vous, vous montez le camp dans mon dos comme des matrones boiteuses qui ont trop marché pour leurs gros culs ! On repartira dès qu’i fera jour, et là on marchera jusqu’à ce que vous ayez tous râpés vos sales guiboles tordues, PIGE ?? »
Un concert de grognements soumis lui répondit. Aerk Tshlek, les yeux toujours exorbités, hocha brièvement la tête, se fraya un passage à travers le cercle à coups d’épaules et rentra dans sa tente personnelle, trois peaux de vaches tendues sur des piquets boueux.
Shtark observa le camp en grinçant des dents : seules cinq tentes avaient été montées avant l’engueulade, et pas la peine de sortir les autres après ça. De plus, après le savon que le chef lui avait passé, personne ne voudrait dormir dans la même tente que lui. Résigné, il se mit à chercher un trou où passer la nuit.
* * * * *
Une longue gueulante réveilla Shtark en sursaut. Il avait dormi la tête appuyée contre la racine d’un arbre mort et il eut la désagréable impression qu’on lui avait brisé la nuque, tellement le torticolis obtenu était sévère. Grognant de douleur, il s’aperçut que son abcès au flan avait encore suppuré. Il l’avait récolté deux mois auparavant pendant la traversée des marais de Sreïmoloc, le presser le faisait couiner et impossible de s’en débarrasser sans le shaman. Le vieux grincheux qui faisait office de guide mystique était avec le reste du clan, loin dans les montagnes, ce qui faisait bien l’affaire d’Aerk Tshlek, lui et Niob Tsouek ne pouvant pas se supporter.
Le camp fut levé en un temps record, et pour cause, moins d’un quart du bazar avait été descendu des chariots. La troupe se mit en marche dans un concert de bruits divers : jurons, cliquetis d’armes, meuglement des attelages, coups de pieds, cris étouffés et, d’un ton par-dessus le tout, les hurlements du chef exhortant la bande à avancer plus vite.
La marche démarra à un régime plus que soutenu, la route pavée des humains permettant des déplacements rapides. Cabanes de bergers incendiées et troupeaux massacrés et dépecés à la va-vite se succédaient. Apparemment les humains n’avaient pas été avertis de l’arrivée de l’armée du Grand Chef orque, comme l’attestait ce corps empalé au milieu des restes de son troupeau, ces deux jambes dans le fossé droit de la route et le reste dans le fossé gauche. Le seul commentaire vint du cuisinier Bluark, un gros lard à face de pioche :
« Humains et moutons morts depuis trop longtemps, même les corbeaux en veulent plus. », effectivement l’odeur était dérangeante même pour les gobelins.
Bluark secoua sa tête carré, il n’aimait pas le gâchis.
« C’est bougrement dommage, le ragoût au mouton ou à l’humain changerait des meurks …», conclu-t-il pendant que la bande s’éloignait du charnier avec quelques commentaires appréciateurs.
* * * * *
Ni les ventres vides ni la pluie battante ne purent ralentir les gobelins ce matin là. Un seul coup d’œil à la mine du chef redonnait des ailes au plus fainéant des guerriers. Pour sa part Shtark ne sentait plus ses pieds quand la première halte fut ordonnée, alors que le soleil débutait sa descente, invisible derrière de lourds nuages noirs. S’appuyant au chariot le plus proche pour soulager ses jambes de son poids, le gobelin observa la discussion entre Aerk Tshlek et ses lieutenants d’un œil voilé.
« On pourra pas tenir à c’te vitesse, chef, les meurks vont nous clamser dans les doigts avant ce soir » exposa calmement un vieux gobelin qui en avait vu d’autres, tout en jetant un regard appuyé aux petites vaches des montagnes qu’ils utilisaient pour tirer les chariots.
« Et on s’ra trop crever pour la bagarre si on ralentit pas ! » approuva un de ses homologues, un grand gars au teint jaunâtre.
Le chef semblait s’être calmé sous l’action combinée de la pluie et de la marche. « T’as p’t’être raison Vrek », dit-il en grimaçant malgré lui. « Mais si on arrive après que les orques aient fini le boulot, tu peux être sur qu’on y aura droit ! »
Le dernier lieutenant prit la parole avec véhémence : « On aurait jamais du suivre ces pourris de Grands ! Mais ils nous ont pas laissé le choix ces salauds ! Maintenant on a plus qu’à espérer que ces humains plantent la tête du Grand Chef sur une pique avant qu’on arrive ! »
« Les humains de Castel-Blanc sont des faibles ! » cracha Aerk Tshlek. « Aucune chance qu’ils mattent les orques, et s’ils le faisaient ce serait des flèches pour nous à la place des gourdins orques ! »
Vrek en bavait de contrariété mais le chef avait vu juste, et tous acquiescèrent. Se tournant vers le reste des gobelins, Aerk Tshlek cria :
« Bouffez quelque chose en vitesse, bande de bouseux ! On repart dès que les meurks ont fini de boire ! »
Shtark se redressa et se dirigea vivement vers le chariot des vivres, où Bluark distribuait pour l’heure des coups de louches à ceux qui grimpaient sur son domaine.
« Formez la ligne misérables ! »beuglait le gros à l’entourage. « Pas de viande avant que tout le monde soit en ligne »
Shtark grogna de concert avec ses voisins et bouscula par derrière un archer qui lui arrivait au menton pour prendre sa place. Le petit s’affala dans la boue et se fit piétiner par trois ou quatre paires de pieds avant d’avoir pu se relever. Il jeta un regard haineux à l’entourage sans parvenir à découvrir le responsable et se dirigea vers la fin de la file qui s’allongeait rapidement, pour le plus grand plaisir du malfaisant qui décrocha sa gamelle cabossée : rien de tel pour vous ouvrir l’appétit !
* * * * *
La route serpentait inlassablement entre les collines rondes du pays de Castel-Blanc. La pluie avait finalement cessé, laissant des gobelins trempés, puants et de bien mauvaise humeur. La topographie locale ne permettait pas de voir bien loin, mais Shtark aperçut néanmoins une large forêt droit devant au détour d’un virage. Il n’aimait pas les forêts, remplies de buissons griffeurs et peuplées de sales bestioles pendues aux branches. Espérant que la route n’y conduisait pas, il revint à sa pensée récurrente, l’état de ses pieds.
Les gobelins portaient rarement des bottes et Shtark ne faisait pas exception à la règle : ses pieds cornés étaient bandés par des lamelles de cuir crasseuses, sensées retarder l’apparition des ampoules. Elles n’avaient été d’aucune utilité aujourd’hui et ses pieds, comme ceux de ses compagnons , étaient à présent couverts d’ampoules monstrueuses, percées ou non, mais toutes terriblement douloureuses. Le gobelin se demandait sérieusement s’il allait « râper ses jambes » avant d’atteindre Castel-Blanc.
Malheureusement la chance n’était pas avec Shtark ce jour là car après moult méandres et autres virages, la route s’engagea entre deux collines impressionnantes pour se diriger irrémédiablement vers une trouée dans la lisière du bois où elle virait brusquement ver la droite. La pénombre ambiante aidant, les arbres dégageaient une impression menaçante, tendant leurs branches noueuses comme pour saisir les envahisseurs.
L’ordre fut donné d’établir le camp pour la nuit, et comble de malheur, Shtark fut désigné pour le premier tour de garde par un Vrek passablement irrité qui se fit très clair quand au prix de l’endormissement pendant son tour. S’appuyant sur sa lance, Shtark fixa la forêt à s’en donner mal à la tête.
* * * * *
La nuit fut encore plus brève que la précédente pour notre héros. Du moins fut elle moins humide, bien que l’odeur de vingt gobelins entassés puisse faire regretter une nuit au froid et au vent. L’humeur était morose au petit matin, et nul ne se bousculait devant la cantine de Bluark. Même Aerk Tshlek traînait la patte en retournant manger dans sa tente. Dans ce climat de torpeur, il n’est pas étonnant que nul n’entendit le bruit d’un cheval lancé au galop, étouffé il est vrai par la forêt.
Subitement un coursier et son cavalier jaillirent du couvert des arbres, franchirent la distance qui les séparaient du camp en un instant et passèrent en trombe au milieu de gobelins hébétés. Shtark eut tout juste le temps d’apercevoir la robe bai de la monture avant qu’elle ne piétine un idiot mangeant assis par terre et s’éloigne sur la route. La cape flottante du cavalier arborait un agneau tenant un drapeau rouge au creux de son flanc. Il fut hors de portée de flèche bien avant qu’un archer ait pu tendre une corde à son arc. Aerk Tshlek sortit de sa tente en criant des ordres sans queue ni tête, pensant sans doute à une attaque du camp. Le calme revint très lentement parmi les gobelins, les cris des lieutenants restant sans grand effet. Enfin Zylik, le vieux lieutenant, s’approcha du chef et dit :
« On doit le poursuivre chef ? »
Aerk Tshlek enrageait à présent. « Ca sert à que dalle, ce pourri est déjà à un quart de lieue !! Formez une ligne de piquiers devant la route ! Peut en arriver d’autres ! »
Cinquante lanciers et moitié moins d’archers se mirent en position pour barrer la route mais aucun autre cavalier ne se présenta pendant une longue demi-heure.
« Allez ça suffit comme ça, finissez de plier le camp et on s’arrache » conclu Aerk Tshlek en secouant la tête.
Le blessé était salement amoché et on ne pouvait rien pour lui en l’absence du shaman. Finalement un coup de gourdin sur la tête, administré par Yelhoïd, fit office à la fois d’Extrême-onction et de pension de guerre.
Le silence fut complet dès que la troupe pénétra sous les arbres. Shtark sentait des yeux invisibles l’observer depuis la sylve environnante, mais aussi les gobelins ont beaucoup d’imagination . En dehors de la route pavée, le sous-bois était un fouillis inextricable de fougères, de ronciers et autres plantes rampantes irritantes. Vrek envoya un gars, équipé d’une rondache trop grande pour lui, en éclaireur.
Les branches des arbres bordant la route s’étaient rejointes au dessus de leurs têtes, donnant l’impression d’avancer dans un tunnel. Certains gobelins travaillaient dans des mines pour le compte des orques, mais Shtark n’était pas de ceux là, et cette semi-obscurité l’intimidait plus qu’il ne l’aurait avoué.
Le temps paraissait arrêté ici, et au bout de ce qui sembla une éternité, l’éclaireur à la rondache revint vers eux en courant comme si un troll était à ses trousses.
« Chef ! Chef ! » hurlait-il. « Y’a toute une troupe qui vient par ici, ils font un boucan de tous les diables, ‘doivent être au moins quatre cents ! »
Soit autant que les gobelins…
* * * * *
La plupart des gars restèrent interdits devant la nouvelle mais la réaction du chef remit tous les esprits en place.
« Reformez la ligne bouseux ! » gueula ce dernier. « Mettez les chariots derrière, les archers vous bandez vos arcs et les piquiers vous me faites une ligne si serrée qu’une merde de fée puisse pas passer ! Et tout le monde ferme sa gueule, pas la peine de prévenir les pourris d’en face ! »
La formation s’organisa rapidement sous l’impulsion des lieutenants. Les lanciers, corps le plus discipliné des gobelins, se répartirent en travers de la route sur trois lignes : la première genoux au sol et les lances prêtes à être levées. La seconde debout pointant leurs lances par dessus la tête des premiers et la dernière prête à regarnir les précédentes. Derrière venait les archers, préparant leurs courts arcs de cornes, et finalement une masse hétéroclite assez mal équipé et sans discipline qui se porterait à l’aide des précédents si une brèche était percée. Le tout fut mis en place sans trop de bruit et suffisamment vite pour qu’Aerk Tshlek ait un grognement appréciateur.
Shtark était lancier, et il se retrouvait en seconde ligne, ni la meilleure place ni la plus mauvaise. La route s’étendait en ligne droite sur une distance de deux cents pieds avant de s’incurver vers le sud, soustrayant leurs ennemis à la vue.
Avec l’attente monta la tension, le gobelin aux pieds de Shtark produisait d’horribles bruits de succion en mâchant sa langue pendant que celui de derrière trépignait sur place. Puis le martèlement de nombreux pieds sur le sol se fit entendre, augmentant lentement.
Zylik, en bout de ligne, affichait une mine perplexe.
« Trop de bruit pour des humains ça… »
Et effectivement c’est une bande d’orques au pas de course qui apparut devant eux. Surpris par ce barrage, les Grands s’arrêtèrent brusquement. Reconnaissant leurs alliés gobelins, ils reprirent finalement leur marche. Le chef du groupe se porta en avant : c’était un géant pour les siens, la tête de Shtark lui arrivait à peine au nombril. Il portait une armure de cuir noir cloutée, ses longs bras musculeux et noueux nus jusqu’aux épaules.
« Au moins quatre cents ?!? »siffla Aerk Tshlek. « Ils sont même pas cent, mange-merde ! » Il balança son poing dans la tête du gars à la rondache qui s’effondra en gémissant.
Le chef fit rompre les rangs et s’avança à son tour. Par comparaison, le cou de ce dernier était plus fin que l’avant bras de l’orque.
S’exprimant d’une voix gutturale, le Grand fixa son regard sur Aerk Tshlek.
« Vous êtes en retard misérables gobs, vous savez ce que le Grand Chef de Guerre fait aux retardataires ? » Son visage se déforma en un rictus menaçant qui dévoilait ses crocs jaunis .
« On arrivera à temps pour la bagarre seigneur » répondit le gobelin. « On peut marcher vite et longtemps. »
L’orque s’assombrit, peut-être s’ était-il attendu à ce que les gobelins tremblent devant la menace.
« Nous cherchons un sale humain sur un cheval, vous l’avez vu gobs ? »
L’expression d’ Aerk Tshlek ne changea pas, un mélange étrange de soumission et de nonchalance.
« Ouais seigneur, il s’est carapaté quand i’ nous a vu dans les collines. L’allait trop vite pour qu’on l’attrape, dommage qu’on l’ait pas croisé dans la forêt .»
La voix de l’autre se fit encore plus grave et rauque.
« Hmm alors nous ne pourrons pas rattraper ce vermisseau .» souffla-t-il. « Ce lâche nous a surpris en fuyant par une entrée cachée de son maudit château... »
S’apercevant qu’il pensait tout haut, il se ressaisit et lança :
« Savez-vous où il va aller petits gobs ? »N’attendant pas de réponse, il poursuivit, « Il va contourner la forêt par l’est pour aller tout droit chez les Hommes de Fer, ces sales humains en armures ! Et ils seront sur nous d’ici deux mois ! »
Il s’énerva subitement et beugla suffisamment fort pour être entendu à une demi-lieue à la ronde .
« Alors le château doit tomber avant qu’ils arrivent !! Marchez pouilleux ! MARCHEZ ! Gotvak va faire en sorte que vous arriviez à temps » martela le dénommé Gotvak, « Ca ou je vous tordrai tous vos petits coups de fouineurs ! »
* * * * *
Les deux journées qui suivirent furent parmi les pires de l’existence de Shtark. La colère de Gotvak sembla ne pas désemplir durant tout le trajet. Il imposa un rythme si élevé qu’il devint vite clair que les chariots ne pourraient pas suivre. L’orque ordonna de les brûler sur place et d’abattre les meurks et il fallut tous les talents de diplomatie du chef pour l’en empêcher. Il obtint de laisser dix gobelins parmi les plus vieux pour mener les chariots jusqu’à Castel-Blanc pendant que la troupe continuait sa course en avant. La forêt s’acheva brutalement pour laisser de nouveau place à un paysage vallonné couvert de bosquets épars. Gotvak ne sembla même pas s’en apercevoir, les yeux fixés droits devant, sur un objectif que lui seul semblait voir.
Même sa troupe commençait à témoigner des signes de fatigue à la suite de tant de marches forcées, bien qu’aucun n’ait osé se plaindre. Essayant de s’accrocher à une pensée agréable, Shtark serra les dents et tint bon pour ne pas donner à ce monstre de Gotvak le plaisir de lui ficher une lance dans le dos pour l’achever, comme il le fit avec tous ceux qui ne pouvaient pas suivre.
* * * * *
Puis au matin du troisième jour suivant la rencontre avec les orques, la troupe extenuée atteignit Castel-Blanc. La route grimpait le long d’une colline particulièrement pentue, ne laissant voir de la citadelle que le sommet de ses nombreuses hautes tours blanches. Les guerriers stoppèrent au sommet pour souffler enfin et les gobelins purent contempler avec stupeur le but de leur longue marche si loin dans le nord.
Castel-Blanc, ancienne forteresse frontalière des Hommes de Fer, bâtie pour repousser les hordes de créatures venues dévaster les terres humaines. Castel-Blanc qui ne tomba jamais en trois siècles de guerre totale contre les orques Vatranki, la pire espèce de peau verte ayant jamais existée, aujourd’hui éteinte, massacrée jusqu’au dernier individu par la coalition humaine et les impitoyables trolls des montagnes.
Castel-Blanc, aux cent tours fines et blanches, qui avait été cédé par les Hommes de Fer aux réfugiés des guerres orques. On pouvait voir leurs descendants arpenter les chemins de ronde, portant le drapeau rouge et l’agneau blanc, couleur de leur maison fraîchement fondée, qui jetaient des regards durs à l’armée assemblée devant leurs murs.
Le château avait été construit dans un méandre du fleuve local, protégeant sur la rive ouest le seul gué praticable sur vingt lieues. Ce gué remarquable traversait le fleuve en son point le plus large, où une petite île apparaissait en son centre. Une redoute se tenait sur cette île, interdisant le passage à quiconque n’était pas le bienvenue. Cependant cette redoute présentait pour l’heure la bannière du Chef de Guerre orque. Témoignaient de sa victoire au gué les corps désarticulés des défenseurs humains pendus le long des murs.
Cependant Castel-Blanc se dressait fier et libre, preuve aux peaux-vertes que leur victoire était bien mince.
Gotvak ne présentait pas une once de la peur qui avait saisi les gobelins à la vue de la forteresse, et sa voix sourde ramena ces derniers à d’autres dangers plus immédiats.
« Allez fouineurs ! » gronda-t-il, « Vous avez eu de la chance d’être dorloté par Gotvak jusqu’à présent ! Maintenant c’est le chef du clan Moktab qui vous donnera vos ordres ! Moktab est le bras droit du Grand Chef de Guerre, et il n’aime pas les rats de votre espèce ! Allez ! Trouvez la bannière rouge et vous trouverez Moktab. »
Le grand orque s’était mis en route avec sa bande avant même d’avoir fini sa phrase, se dirigeant vers ce qui semblait être le camp principal, un assemblage sur un quart de lieu de tentes délabrées et mal plantées.
Scrutant les autres rassemblements d’orques et de gobelins, Shtark avisa la bannière rouge décrite par Gotvak. Aerk Tshlek l’avait vu également et ils se remirent en route, trois cents cinquante gobelins exténués.
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L’attaque fut lancée tôt le lendemain, l’aube laissant tous les envahisseurs trempés par la rosée. Les orques avaient emmenés avec eux nombre de clans de gobelins, et ils furent les premiers à être jeter à l’assaut des murs. Le Grand Chef orque avait décidé d’attaquer simultanément les deux portes de la cité fortifiée, pour empêcher les défenseurs de faire une sortie d’un côté pendant que son armée attaquait l’autre. La première vague fut presque entièrement anéantie sous les flèches, les pierres et l’huile brûlante des humains. Les échelles construites par les orques étaient trop lourdes et trop grandes pour les chétifs gobelins et un si petit nombre atteignit les créneaux que les humains n’eurent à déplorer aucune perte. Médusé, Shtark assista au massacre des siens avec le reste de son clan, entourés par des compagnies d’orques ricanant devant un tel spectacle.
L’après-midi fut une répétition de l’attaque du matin, et la nuit posa un voile apaisant sur l’horrible spectacle de la guerre, laissant un quart des gobelins amenés de force par les orques morts ou infirmes. Du fait de leur retard, ceux du clan d’Aerk Tshlek avaient été positionnés presque en arrière-ligne, et Moktab, un vieil orque colossal qui leur parlait comme il l’aurait fait à une meurk, leur expliqua patiemment qu’ils auraient à charger la porte avec les orques de son clan dès que les béliers auraient fait leurs offices. Le Chef contrastait fortement avec la description de Gotvak, aussi cette surprise fut la seule agréable pour les gobelins jusqu’à la fin du siège.
L’assaut du lendemain vit l’entrée en jeu des premiers Grands : le clan Ousielek, des orques bruns venus de l’autre bout du monde couvrirent bravement en courant la distance qui les séparaient des murailles de la porte nord. Cette fois-ci les échelles étaient à la bonne mesure et les premiers vrais combats eurent lieu au sommet des murs blancs, masses d’armes brisant les écus rouges, épées et flèches tranchant dans les chairs orques. Mais l’assaut fut repoussé lui aussi, tout comme son homologue sur la porte ouest devant une armée grondante de colère. La pluie bloqua les entreprises orques deux jours puis les hostilités reprirent pendant une longue semaine, sans réussite. Les pieds des murs étaient le lieu d’un horrible charnier, et l’odeur de pourriture soulevait jusqu’aux estomacs orques lorsque le vent soufflait vers le nord. Shtark ne parvenait pas à comprendre comment les humains tenaient encore debout sur leurs murs, mais de toute évidence l’odeur seule ne prendrait pas Castel-Blanc.
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Le Grand Chef, du haut de la butte où il avait installé son quartier général, commanda une réorganisation des troupes, envoyant les unités épuisées par les combats tenir le gué pendant que ceux qu’ils remplaçaient montaient à l’assaut. Ce remaniement emmena les troupes du Chef Moktab en première ligne pour le prochain combat. Le moral au plus bas, les Grands et les gobelins se préparèrent avec résignation. Les officiers grognaient et grondaient, la mutinerie couvait. Moktab et ses fiers orques des montagnes n’appréciaient visiblement pas d’avoir à faire le travail de leurs inférieurs des plaines. Etrangement ils s’étaient attachés à leurs gobelins et formèrent ainsi un cercle protecteur autour de la petite compagnie gobeline, lui évitant le choc de la première ligne.
Fourbissant leurs armes, les guerriers attendirent le levé du soleil et le signal de la charge.
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Shtark affûtait le fer de sa lance et agitait ses oreilles pendantes, signe de colère chez les gobelins. Cet idiot de Grand Chef orque avait placé toutes ses troupes sur la rive de Castel-Blanc et le gué restait virtuellement sans défense : si les hommes de Fer déboulaient par la même route que les gobelins avaient suivi, ils prendraient la redoute sans forcer et isoleraient l’armée des peaux-vertes sur la rive ouest, sans espoir de retraite. Pour tout dire il ne faisait pas confiance aux orques qui affirmaient que les humains les plus proches, en dehors de ceux terrés derrière leurs murs, étaient à plus de deux mois de marches forcées.
Il semble avec du recul que Shtark ait terriblement raté sa vocation, car ses talents de guerrier sont insignifiants devant ceux que les gobelins appellent « don de double vue », aussi connu sous l’appellation « bon sens » chez les humains.
Ainsi, c’est à l’aube du neuvième jour du siège de Castel-Blanc que le cinquième corps d’infanterie lourde des Hommes de Fer déboucha de la brume de la rive est, se déversant entre les collines vers le gué. Ces soldats étaient en manœuvre depuis plusieurs semaines et avaient établi leur campement à moins de trente lieues du point où les gobelins avaient laissé fuir le cavalier. La chance et l’intuition de l’estafette avaient pourvu au malheur des orques. Shtark s’acharnait encore sur sa lance et le Grand Chef s’apprêtait à lancer le signal de l’attaque quand les humains tombèrent sur la redoute, bondée de blessés et autres estropiés. Les quelques guetteurs placés sur la route entre la forêt et le fleuve avaient été discrètement neutralisés et nul ne vit venir l’attaque.
Armés de longues lances, protégés par un lourd bouclier ovale poli les couvrant de la tête aux pieds, les fantassins lourds furent maîtres du gué avant que les camps orques ne se réveillent, car seuls les gars de Motvak étaient debout, mais ils faisaient tous face à la porte nord pour l’heure.
Puis le son des cors orques résonna d’un bout à l’autre de la vallée, mais rares furent ceux qui comprirent immédiatement le danger, la plupart s’agitant vainement pour s’informer de la cause d’un tel vacarme.
Mais le Grand Chef veillait, et il chargea le gué avec sa garde personnelle avant que les hommes de Fer n’aient pu établir une tête de pont solide sur la rive ouest. Opérant un demi-tour en désordre, Motvak et son armée chargèrent à leurs tours, ce qui laissa les portes sans surveillance et constitua la deuxième erreur de la journée fraîchement débutée.
Avec un fracas terrible, les orques imposants de la garde du Grand Chef heurtèrent la ligne de boucliers des humains. La lutte fut terrible, la fureur et la force brutale des orques des montagnes s’opposant à la discipline et au courage des hommes de Fer. Motvak et les siens s’engagèrent dans la mêlée, forçant les lanciers à reculer, abandonnant leurs blessés et leurs morts, rapidement piétinés par les peaux-vertes. Aerk Tshlek tint les gobelins aussi éloignés qu’il était possible de la ligne des combats, faisant tirer ses archers par dessus la tête des Grands. C’est à ce moment délicat de la bataille que les défenseurs de Castel-Blanc ouvrirent leurs portes, qui déversèrent la cavalerie légère de la cité, qui tomba par derrière sur les compagnies orques en train de former les rangs pour prendre part aux combats du gué. Surpris, ils brisèrent leurs formations et se répandirent en tout sens, la cavalerie faisant payer un lourd tribut aux envahisseurs, bientôt rejointe par l’infanterie et les archers qui défendaient précédemment les murs.
Shtark ne vit rien du drame, occupé à éviter les lances tranchantes des humains : les hommes de Fer avaient finalement reformé une ligne solide et repoussaient systématiquement les grands orques. Les gobelins se retrouvaient face à un mur compact de boucliers, dont ne dépassait que les casques à panaches des fantassins. Couvrant intégralement leurs visages, ces casques au faciès intimidant ne laissaient voir à Shartk que les yeux flamboyants de colère de ses ennemis. Vrek tomba, le ventre crevé par une hampe de dix pouces, alors que les lanciers tentaient de contenir l’avancée humaine. Tentant de frapper les jambes en passant sous les lances adverses tendues, Shtark s’aperçut que les humains portaient des jambières d’acier qui rendirent sa tentative caduque. Il récolta pour sa peine un coup de bouclier qui lui cassa plusieurs dents et lui brouilla la vue. Bousculant un Yelhoïd amoché et piétinant ses camardes tombés par dizaine, le lancier tenta de se diriger vers l’arrière. Il ne voyait rien à dix pas : rendu presque sourd par le chaos de la bataille, heurté par les orques, il évitait de justesse leurs lourdes haches tournoyantes. Ses yeux larmoyants tombèrent brusquement sur la bannière personnelle du Grand Chef. Ce dernier s’était fait encercler par une escouade d’humains particulièrement déterminés et ses gardes, engagés dans un corps à corps sanglant, ne parvenaient plus à repousser les épées de leurs adversaires. Soudain un humain aux longs cheveux bruns dépassant sous son casque brillant leva bien haut son épée et poussa un cri de guerre, repris par ses compagnons proches, et s’élança sur son adversaire. Il enfonça négligemment son épée jusqu’à la garde dans le ventre d’un orque qui s’interposait, en qui un Shtark incrédule reconnu Gotvak. Ecartant le corps d’un coup d’épaule, le guerrier humain s’attaqua au Grand Chef. Premier orque qu’il voyait utilisé une épée, le gobelin assista au combat, sauvage mais rapide, les parades répondant aux coups de taille et d’estoc en un enchaînement si vif que les duellistes semblaient danser. L’affrontement s’acheva brutalement par la décapitation du grand orque tombé à genoux sous les coups furieux de son adversaire.
Plantant la tête encore saignante sur une lance, le guerrier la leva au ciel et relança son cri, cette fois-ci repris par la moitié des cinq milles hommes de Fer, qui poussèrent la horde de peaux-vertes toujours plus en arrière.
* * * * *
Les survivants gobelins s’éloignaient péniblement de la citadelle blanche, lieu une fois de plus d’une victoire des humains. Shtark avait réussi à convaincre Aerk Tshlek de mettre les bouts avant qu’il ne soit trop tard. Jetant un coup d’œil en arrière, notre courageux héros vit les deux armées humaines faire jonction, pour le plus grand dam des derniers orques qui tenaient encore. Les guerriers du clan gobelin s’éreintaient vers le nord, du mauvais côté du fleuve, sans ravitaillement et droit sur les terres humaines, mais néanmoins vivants.
Aerk Tshlek escomptait se cacher dans les bois le temps que les choses se tassent, temps qui risquait d’être long, peut-être plus que la vie de Shtark, songea ce dernier avec amertume.
Zylick, le vieux lieutenant des lanciers, soutenait Bluark, qui avait perdu une oreille et un bout de bras dans la bagarre et clopinait en répétant en boucle :
« Saleté d’humains, saletés d’orques, saletés d’humains….. », le tout sur un ton monocorde.
Shtark cracha un mélange de poussière, de morve et de sang, pestant sur le sort qui le ramenait encore sous ces maudits arbres.
Alors que les trompettes de Castel-Blanc sonnaient la victoire loin dans leurs dos, ils marchaient aussi vite que possible vers un avenir incertain, deux cents gobelins blessés, puants et de fort mauvaise humeur.
Obtenir un torticolis? bah vi c'est le gros lot que tu gagnes...
Vrek envoya un gars équipé d’une rondache trop grande pour lui en éclaireur.
Vrek envoya un gars un gars en éclaireur, équipé d'une rondache trop grande pour lui
Les deux ne veument pas dire la meme chose dans ta phrase Ithi c'est Vreck qui a la rondache...
En fait je trouvais la phrase bizarre à cause de 'en éclaireur' tout à la fin.
De toute façon il faut que j'arrête d'essayer de corriger des trucs entre 2 révisions parce-que je suis complètement à la masse
Chevalier un jour, Chevalier toujours ! Montjoie Saint Denis et Tutti Quanti !
Vrek envoya un gars équipé d’une rondache trop grande pour lui en éclaireur.
Vrek envoya un gars un gars en éclaireur, équipé d'une rondache trop grande pour lui
Les deux ne veument pas dire la meme chose dans ta phrase Ithi c'est Vreck qui a la rondache
Pas que je pense
Vrek, équipé d'une rondache etc..., envoya un gars en éclaireur . LA, OUI !
Plutôt :
Vrek envoya en éclaireur un gars équipé de etc...
ou :
L'éclaireur qu'envoya Vrek, c'était un pauvre gars équipé d'une rondache etc...
ou :
La rondache envoya en Vrac un éclaireur équipé d'un gars trop grand pour lui
Et puis si il veut qu'on l'éclaire, ce Vrek, c'est que ce n'est vraiment pas une lumière, alors Zut pour lui ! Qu'il se débrouille !
Pour le "contemplé" je suis confus, je croyais que mes relectures avaient supprimé ce genre de fautes grossières......
Quant aux virgules je n'y avais pas pensé, les phrases sont-elles trop étirées ?
En tout cas vos commentaires sont encourageants pour moi.
Je n'avais jamais jeté de coup d'oeil à la section "grimoire", mais les quelques textes que j'ai survolé ont l'air intéressants, je vais en imprimer deux ou trois, ça m'occupera un peu le soir.
Chevalier un jour, Chevalier toujours ! Montjoie Saint Denis et Tutti Quanti !
Pas encore eu le temps de lire, je le prendrai ce week-end I am surbooked Là, je file relire quelques chapitres avant de les envoyer et si je ne suis pas trop fatigué, je lirai tes Gobelins ce soir ! A plus !
Maintenant que je n'ai plus que deux partiels en vue, je peux me reposer un peu, et retourner plus souvent sur le net.
J'en profite pour actualiser ma nouvelle, je pense que peu de fautes subsistent (enfin j'espère) et j'ai aussi modifier deux ou trois passages lourds, notamment en réduisant les répétitions.
Je vais aussi imprimer quelques nouvelles du site, puisque j'ai le temps.