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Joute 8 : Nuit d'ivresse [les textes]
(Sujet créé par Zacharias l 16/11/04 à 08:11)
C’est fait ! La 8eme joute, comme les précédentes, à tenue ses promesses. Voici 10 textes à découvrir sur le sujet : Nuit d’ivresse.
C’est vrai que ce sujet n’était pas le plus simple pour commencer mais vous avez essayé et je dirais même réussit.
Merci à tous ! A celles et ceux qui ont participé, et à celles et ceux qui vont lire, voter et donner leur avis.
Le doux bercement des vagues n'arrive plus a m'apaiser. Avant, il y a si peu
de temps pourtant, j'aimais mes vagues. Elles me calmaient, m'excitaient
selon leur humeur. Te souviens tu Ygierna ? Nous nous sommes unis dans leur
caresse, accordant nos deux corps à leur rythme langoureux.
Elles m'ont sauvées. Et perdu en même temps.
Atlantide !
Nous, si beaux si forts. Peuple au dessus des peuples. Supérieurs à tous.
Nous vivons plus longtemps, courrons plus vite, frappons plus fort. Et
pourtant, nous n'avons rien vu venir.
Je me souviens de nos peches, devant le palais de ton père. Nous restions
sous l'eau une heure entière parfois, à la recherche de ces petites perles
que tu aimais tant. Sais tu que les hommes remontent toutes les minutes ? Et
ils ne connaissent rien aux perles.
Je me souviens aussi de la guerre, aveugles que nous étions. Les combats en
pleine tempête, quand les vagues vous donnent leur force et leur rage pour
abattre l'ennemi. Rien à voir avec les combats à terre, où la bataille pue
le sang et la merde à mesure que nous éventrons l'arme qui nous fait face.
Sur l'eau tout est plus propre. Les corps disparaissent et ne vous fixent
pas de leurs yeux éteinds.
Atlantide !
Nous, les enfants chéris de la planète, nous nous massacrions pour une
colline, un mauvais mariage. La Terre nous a tout donné, mais nous à tout
repris, comme on arrache le jouet d'un enfant colérique.
Nous étions en mer ce jour là. Mon fidèle embrunt, si fin, si rapide,
me servait de monture. Seul à son bord, de sa pointe d'acier, j'éperonnais,
me retirais, harcelais l'adversaire. Qu'ils étaient malabiles ! Mais que
peut faire un géant de bois face à une lance en plein élan ?
Partout où je passais, j'entendais les fracas, les hurlements. Puis il y a
eu l'explosion. Jamais je n'avais entendu tel vacarme. Le combat s'est
arrété net, et tous, nous avons vu notre ile.
Et le volcan qui s'éveillait.
La fumée, les pierres qui volent et assassinent au hasard, les palais, ton
palais, qui disparaissent dans les failles, la terre qui s'ouvre, la mer qui
monte et rugit, et l'Atlantide qui sombre. Tout cela je le revois toutes les
nuits depuis.
Le feu est tombé sur nous aussi, faisant siffler les eaux. Oh Ygierna j'ai
honte ! J'ai honte mais j'ai fui !
Aujourd'hui je viens te chercher.
Une semaine s'est écoulée seulement. Pourtant la mer ne garde aucune trâce.
Sur l'eau, tout est plus propre.
Une fois nous sommes resté deux heures sous l'eau, pour nous prouver que
nous pouvions. Qui sais ce que peux faire un atlantide pour survivre !
M'attends tu dans ton palais ? Je t'ordonne d'être en vie ! Je t'en supplie.
L'eau est glacée autour de moi. Le crépuscule d'hiver, l'heure entre les
mondes, me réchauffait tout juste sur mon pont. Ici, il n'y a plus de
chaleur. Où sont les braises que le sol a vomi sur nos frères ?
Il me semble descendre depuis des heures. Tous est noir. La nuit est tombée
sur l'Atlantide. Dors tu mon Ygierna ? Reves-tu à mon retour ? Les ténèbres
n'ont plus de fin.
Je descends toujours. Je crois. J'ai envie de rire, de me laisser dériver
comme lorsque nous étions ensemble. Ton père nous à souvent prévenu sur les
dangers des profondeurs. Sur l'oublie et l'euphorie qu'elles procurent. Mais
l'Atlantide m'appelle, j'entends déjà son murmure.
Atlantide !
Je la vois devant moi, étincellante dans l'obscurité. Je crois que je ris
pour de bon. Elle est intacte. Telle que je l'ai connu toute ma vie.
Fugacement, elle me semble disparaitre pour revenir. Tour à tour réelle et
solide, puis remplacée par les algues et les rochers.
Je ne suis pas fou ! Ou mon desespoir me fait imaginer le pire. J'effleure
ses murs, je les sens. Et je vois ton palais.
Je nage jusqu'à la fenètre de ta chambre. Au dessus de moi tout est noir, tu
dois dormir à cette heure-ci. La nuit est sans lune. Et sans étoile. Où sont
les étoiles ?
Je ris de plus belle. Nager jusqu'à ta fenêtre ! Comme nous aurions aimé ça,
durant toutes ces années où tes parents te faisaient surveiller. A ma
bouche, le gout du vin doré de l'Atlantide. Et je te vois.
Ygierna !
Sur ta couche, tu es plus belle que jamais. Tes cheveux paressant telles les
algues d'été, celles que tu appelais les cheveux des sirènes, ta bouche si
pleine, si rouge... Et ton ventre si rond ! Allons nous avoir un enfant ?
Pourtant, la semaine dernière, rien n'y paraissait... Et te voila prète à
donner le jour.
La tête me tourne, mon rire n'a plus de fin, plus de barrière. Et le gout de
notre vin si fort sur mes lèvres ! Mais dors mon ange, il te faudra des
forces pour le petit homme à venir. Vois comme je suis las moi aussi.
Ouvre moi tes draps mon amour, que je t'enlace et sommeille à tes côtés.
Laissons nous partager le plus beau des rêves de l'Atlantide. Et demain,
quand la nuit se retirera une fois de plus face au jour, nous irons chercher
des perles.
Texte B : Le sang de la Vigne
Je retrace mes pas adolescents dans la fange puante des ruelles de Laal - Doroth, quartier mal famé de Grimuaran, où je venais jadis m'encanailler avec quelques camarades de l'Académie . J'ai oublié leurs noms et jusqu'à leurs visages, comme ceux des prostituées que je couchais sous moi avec une fierté de jeune coq .
Je jette un regard rapide par dessus mon épaule voûtée sous la cape informe dont je me suis enveloppé avant de quitter ma très provisoire tanière . Assuré de n'être pas suivi , je tourne le coin de la maison lépreuse et me dirige vers la taverne du Quernillien .
L'habitude ... La méfiance m'est devenue une seconde nature dans les missions que me confie le Grand Maître . Je préfère, et il ne l'ignore pas, les franches batailles aux combats de l'ombre, mais mes succès dans ces derniers justifient qu'il m'y emploie pour la plus grande gloire de l'Ordre .
Je me détends . Qui reconnaitrait le plus jeune fils du baron d'Eshive, godelureau imbu de sa longue chevelure et de ses prouesses sexuelles, dans l'homme fait dont la coupe rase ne masque pas la cicatrice qui lui barre le front ? Quinze années me séparent de ce garçon insipide en lequel je ne me reconnais pas non plus . Quinze années et toute une vie .
Hier, je suis passé non loin du palais de mon père, sans nécessité .
Je me confesserai de ce manquement auprès du Grand Maître et recevrai avec humilité le châtiment qu'il voudra bien ordonner .
Le baron d'Eshive qui me renia lorsque je m'engageai dans l'Ordre est mort peu de temps après mon ordination . Dans une missive insultante que m'adressa par la suite mon frère ainé, ce dernier m'accusait d'avoir précipité la fin de notre père en persistant dans le désir insensé de devenir prêtre-guerrier de Zaïm .
Cela est sans doute vrai . Les huit barons régnants de Grimuaran haïssent et craingnent l' Ordre de Zaïm depuis toujours . Notre pureté dévoile leurs nombreuses turpitudes . Mais la cité des Aigles s'agenouillera bientôt dans la poussière devant les saints prêtres-guerriers . Je suis l'instrument du jugement prononcé par le Grand Maître au nom du Dieu Unique .
Le Quernillien trône derrière son comptoir crasseux . Cette énorme motte de saindoux d'où émergent un nez bulbeux et une bouche lippue tromperait jusqu'au plus suspicieux observateur sans la sournoiserie des petits yeux sombres . Leur noirceur dénonce une origine étrangère . Les Grimuarans s'enorgueillissent de leurs regards clairs . J'ai moi-même les yeux gris caractéristiques des barons d'Eshive mais mes libidineux ancêtres ont suffisamment semé de bâtards pour que l'on me croit l'un d'entre eux .
Le tavernier me salue d'un infime signe de tête, déjà un exploit si l'on considère que la graisse semble avoir soudé son crâne à ses épaules . Il ne sait pas qui je suis mais connait parfaitement la valeur du contenu des bourses qui sont accrochées à ma ceinture, près de ma dague-serpent . L'une d'entre elles est déjà serrée dans son coffre et il fait ce qu'il doit pour que les autres la rejoignent, c'est-à-dire me vendre ce dont j'ai besoin . Son avidité, si elle me dégoûte, est une alliée de choix . L'éclat des auréos l'a appâté et aveuglé ainsi qu'en a décidé le Dieu Unique .
La salle basse où flottent des odeurs prégnantes de friture et de corps mal lavés est presque vide . Des ivrognes attardés cuvent leur vin bon marché avec des ronflements porcins et des éructations sonores . Celui que j'ai commandé au Quernillien sera, je l'espère pour lui, d'une bien meilleur qualité . Je m'approche du comptoir et dépose une bourse rebondie sur le bois graisseux . Avec une vivacité étonnante, le mastodonte la fait disparaître .
- Le sang de la Vigne ?
- Tout est à votre convenance et à la mienne, monseigneur . Les barriques sont dans la réserve, prêtes à être transportées là où vous me l'indiquerez . Prêtes pour la fête !
Sa voix chuintante, son ton mielleux m'écoeurent mais je dois lui présenter bonne figure pour la réussite de ma mission .
- Conduis-moi à la réserve .
Les tonneaux de vieux chêne sont alignés contre le mur suintant d'humidité . Heureusement qu'ils ne font que transiter en ce lieu ! Je les compte rapidement et approuve d'un signe de tête . Les vingt barriques payées à prix d'or n'attendent que mon bon vouloir pour aller désaltérer les gosiers toujours assoiffés des soldats grimuariens .
- Vous souhaitez sans doute goûter ce divin nectar ? me suggère obséquieusement le tavernier .
Non, je ne le désire pas . Le sang de la Vigne que nous versons sur l'autel du Dieu Unique est sacré et aucun prêtre-guerrier de Zaïm ne saurait enfreindre la loi nous interdisant d'en consommer . Ce saint principe nous protège aussi des dérèglements auxquels se livrent ceux qui dénaturent ce symbole cultuel en l'ingurgitant .
Mais le Quernillien insiste et ses petits yeux semblent suinter la suspicion . Doute-t-il de l'histoire d'une rivalité entre barons que je lui ai servie, agrémentée d'un nombre convaincant d'auréos non rognés, tels qu'on les trouve dans les coffres des baronnies ?
- Comment pourrez-vous savoir que je ne vous trompe pas sur la qualité de la marchandise si vous ne tastez pas ?
Je n'aime pas l'acidité soudaine de sa voix . Qui ignore que les prêtres-guerriers de Zaïm tiennent le vin pour si divin qu'ils l'utilisent uniquement pour leur culte et que c'est pour eux une faute irrémissible que de le boire ? J'ai encore besoin de lui pour acheminer le sang de la Vigne aux différents postes de garde défendant les portes de la cité . Alors, en mon coeur étreint par l'angoisse, j'adresse une courte mais intense prière au Dieu Unique .
- Tu as raison, l'homme . Une coupe me permettra de juger si mon argent est bien employé .
Avec un gloussement de satisfaction, le tavernier débonde un fût et remplit une cruche rustique au jet vermeil . Il transvase une partie non négligeable du vin dans un gobelet surgi comme par magie d'une des poches de sa vaste dalmatique et me le tend . Ma main ne tremble pas lorsque je le prends mais mon coeur est prisonnier d'un bloc de glace . Je porte à mes lèvres le symbole de mon sacrifice et emplis lentement ma bouche du sang du Dieu Unique . Enfin, je me force à l'avaler . Le liquide embrase ma gorge d'un blasphème délectable et terrifiant . En quelques gorgées, je vide le gobelet et c'est d'une voix rauque que je félicite le tavernier rasséréné sur la qualité de son vin . Ma tête tourne un peu et j'éprouve une impression de légèreté qui ne saurait toutefois me masquer la conscience de ma faute . Ce n'est pas comme si je n'avais jamais bu . Au cours de mon indigne jeunesse, je me suis plusieurs fois livré à des beuveries mais ma conversion m'a permis de me laver de cette souillure et, par la pénitence, d'approcher la sainteté .
Sous le regard lourd du tavernier, je longe la rangée de barriques et pose la main sur chacune d'entre elles comme pour m'assurer que le bois en est sain . En fait, je subvocalise une incantation dont le Grand Maître, par imposition des mains, m'a délégué le pouvoir . Je sens le fluide parcourir mes doigts et traverser le chêne pour imprégner le sang de la Vigne . Mon soulagement est immense de constater que le Dieu Unique n'a pas détourné sa face du pécheur que je suis devenu . Puis je me tourne vers le Quernillien et lui recommande :
- Fais livrer ce vin là où tu sais et une bourse rejoindra aussitôt celle que tu viens de recevoir .
Et je bois, en fixant l'homme droit dans les yeux, le contenu du gobelet qu'il vient de remplir à nouveau .
Grimuaran fête dans l'allégresse la nuit la plus longue de l'année, prétexte à des beuveries et des orgies interminables où le sang de la Vigne coule à flot dans les gorges impures . Ivres, les hommes et les femmes s'abandonnent à une débauche éhontée, sans distinction de rang . Dans les rues où une pénombre propice règne, la foule bruyante se presse, des couples s'enlacent et se séparent au hasard, des chansons à boire beuglées par des ivrognes soulèvent un enthousiasme malsain .
Je progresse malaisément au sein de cette tourbe humaine dont les odeurs fortes me soulèvent le coeur . Je repousse les mains qui se tendent vers moi, les corps indécents qui s'offrent, les vases débordants de vin pourpre et j'accélère le pas, me cuirassant contre le dégoût grâce à la ferveur d'une oraison . Je ne hais pas ces créatures égarées mais j'exècre le mal qu'elles commettent à la face même du Dieu Unique . Il est juste qu'en cette nuit d'ivresse ils soient jugés et condamnés .
La femme qui, soudain, se jette contre moi et m'enlace comme pour prévenir une chute me souffle au visage son haleine enfiévrée . Sans doute un remous de la foule l'a-t-elle plaquée contre moi, mais elle ne semble pas pressée de défaire son étreinte . Je ne saurai dire si elle est belle ou quelconque car la chasteté par laquelle un prêtre-guerrier honore le Dieu Unique me protège des traîtrises de la chair .
Telle une vipère, la Grimuarienne se love autour de moi, sa langue avide pointe entre ses lèvres peintes . Elle rit, amusée par ce qu'elle croit être de la timidité . Comment peut-elle ne pas reconnaitre le dégoût qui tord ma bouche ?
- Bel inconnu, allons ensemble célébrer la nuit la plus longue et la plus chaude de l'année . Mes esclaves ont préparé une couche moelleuse et du vin rafraîchi à la neige dans des vases précieux ... Oh !
Ses yeux soudain écarquillés s'attachent aux miens . Ses mains lâchent mes épaules et tentent de me repousser . Je la maintiens contre moi, le temps que la dague-serpent accomplisse son office . Alors, je laisse glisser le corps inerte le long du mien et m'éloigne sans me retourner .
La traversée de la cité jusqu'aux remparts s'avère plus ardue que la plus âpre des batailles dans les Marches Narboannes . Mais en parvenant à la Porte des Aigles, entrée principale de Grimuaran, je découvre, satisfait, que mes ordres ont été fidèlement exécutés : quatre barriques en perce abreuvent la soif ardente des soldats de garde en cette nuit de fête débridée à laquelle ils craignaient ne pas avoir part . Ils trinquent au généreux baron qui leur permet de ne pas se sentir délaissés au milieu de la liesse générale . Poterne après poterne, le même spectacle navrant m'est offert par mes anciens concitoyens troquant la sécurité de leur arrogante cité contre la vésanie de l'ivresse .
Ils ignorent qu'une toute autre folie les guette . Le sang de la Vigne qu'ils lappent irrévérencieusement instille en eux la volonté du Grand Maître qui est l'expression de celle du Dieu Unique . Lorsque l'aube encore lointaine éclaircira le ciel au-dessus des collines ocre, les gardes des Baronnies ouvriront sans bruit les hauts vantails de bois et de bronze devant mes frères en armes . Les prêtres-guerriers de Zaïm sous le commandement du Vicaire investiront Grimuaran et la livreront au glaive vengeur du Dieu Unique .
Moi, frère Yael, je ne participerai pas au châtiment de l'impudente cité, reine des prostituées . Car j'ai commis le péché pour lequel il n'y a pas de pardon . Je me rendrai sous la tente du Grand Maître et m'agenouillerai à ses pieds . J'avouerai avoir bu le sang de la Vigne et la sentence de mort tombera de ses lèvres . Je me lèverai et je marcherai au supplice, tête haute .
Texte C
Elle s’allongea dans son lit et tira prestement ses couvertures. Elle frissonnait de froid, elle était seule dans sa demeure et elle n’osait pas éteindre sa chandelle. Elle s’assoupit. Au bout d’un moment elle fut réveillée par un souffle sur sa joue… était-ce une caresse ? Une douceur tendre s’attardait sur sa peau. Elle ouvrit les yeux, sa respiration s’arrêta… Un visage, un homme, une bouffée de chaleur l’envahie, cet homme était magnifique… Il lui sourit, elle ne répondit pas. Qui était-ce ? La méfiance n’eut pas le temps de la gagner. Ses lèvres furent étouffées par les siennes, soudain, elle ne pensait plus, elle subissait. L’homme était dans son lit, l’enserrant de sa chaleur comme pour la protéger de la nuit froide…
Gatzer releva brusquement la tête… Yvan lui avait assené une taloche à la tête. Cela contrastait tant avec … avec quoi ? Gatzer poussa un cri d’horreur… Elle ? Avoir rêvé… ? Non ! Impossible… Yvan fit un grognement interrogateur. Elle le regarda, épouvantée, mais elle n’osa pas parler. Que pouvait-elle dire ? Nier son si beau songe… Non ! Ce songe était horrible, irréel… Non elle n’avait pas … Il lui sembla patauger dans du brouillard.
Sa mine s’assombrit, une expression un peu effrayée se peignait sur son visage.
Elle apparut soudain à Yvan comme une jeunette qui sort à peine de l’adolescence. Il eut soudain un élan de compassion démesuré envers cette presque femme. Elle défendait sa condition comme elle le pouvait. Il en était fier, elle était un peu sa fille en quelques sortes.
Il sourit inconsciemment en repensant à cette étrange nuit. Une silhouette encapuchonnée avait déposé une petite fille endormie dans une montagne de couvertures, au bord de la route, entre la Forge et l’Ecurie. Le matin, comme il se levait pour accomplir ses tâches, il avait trouvé devant sa porte une créature toute bondissante, sifflante et criante. Gatzer exigeait de savoir où elle était et pourquoi. Il n’avait su lui répondre et, faute de mieux, l’avait faite entrer et l’avait réchauffée devant un feu. Il avait conclu que sa mère avait du l’abandonner. Il n’avait su qu’en faire, alors il l’avait fait travailler, comme tous les jeunes écuyers à son service. Il avait vite été satisfait de ses aptitudes. Gatzer soignait bien les animaux, et était respectée. Elle était pratiquement son égal à présent. Son avantage ne tenait qu’à son âge et son expérience.
_ Je … les mots de Gatzer restèrent suspendus à ses lèvres, incapables d’aller plus loin. Il attendit la suite, mais elle ne vint pas. Elle regardait fixement la table, les sourcils froncés. Quelque chose n’allait pas ou n’était-ce que l’effet de l’alcool ?
_ Eh bien ? !
_ Je… Je ne sais pas…
_ Tu sais pas quoi ?
_ … Rien c’est pas grave.
Elle baissa les yeux et engloutit son fond de bière, puis la leva pour qu’une serveuse la lui remplisse.
Tandis qu’elle buvait goulûment, comme pour noyer ses pensées dans la boisson, les images revinrent la hanter, la frappant de plein fouet. Alors la jeune fille résolut de se saouler, assez pour perdre conscience et être enfin en paix. Tout accélérait, elle ne suivait plus, elle paniqua.
Un magnifique visage lui souriait. La main de l’homme remontait le long de sa cuisse, un frisson la parcouru…
Elle appela la serveuse en criant. Dans sa voix perçait un mélange de détresse et d’angoisse grandissantes.
Il l’embrassa, et elle sentit la main chaude la parcourir. Il s’était rapproché d’elle un peu plus.
Elle frappa plusieurs fois nerveusement sa chope contre la table. La serveuse se hâta de lui abandonner le tonnelet, et partit se réfugier derrière son comptoir.
Elle frissonna à nouveau, les mains diaboliques la dévêtaient peu à peu, sensuellement. Elle respirait de plus en plus vite.
Gatzer poussa un gémissement de détresse, elle n’entendait plus Yvan qui s’inquiétait maintenant ouvertement. Le pauvre ignorant voulut la rassurer et posa sa main sur la sienne, mais elle la retira prestement. Cela lui rappelait trop les mains chaudes de l’autre hom… Qui ? Lequel ? Où était-elle ? Sa tête lui tournait, les images venant la torturer.
Ils étaient tous deux nus désormais. Il déposa un baiser plein de tendresse dans son cou. Son cœur battait de plus en plus fort.
Sa respiration s'accéléra. Sa tête vacillait, et des taches noires apparaissent devant elle. La pauvre fille but machinalement. Il lui sembla entendre la voix d’Yvan quelque part… Yvan ?
_ On va rentrer, tu n’as pas l’air bien, et tu t’engorges comme un porc. Allez viens Gatzer !
Gatzer… Etait-ce son nom ?
Son corps entier vibrait sous les caresses démoniaques des mains de l’homme. La tête de l’homme se releva. Son regard la transperça. Elle ne contrôlait plus sa respiration, qui s’affolait. Il souriait comme un diable, ses yeux étincelaient… Puis sa tête plongea sous les couvertures.
Ga… Gatzer ? Elle suffoquait, et soudain, elle sombra dans l’inconscience.
Yvan avait pitié d’elle, tout en notant qu’il faudrait la réprimander plus tard. Il la ramena chez lui, derrière les écuries puis la plaça sur son lit. Il prit une chaise et s’assit à son chevet. Il veilla toute la nuit, regardant son visage enfin paisible, après les tourments qu’elle semblait avoir subits. Tout cela restait un mystère pour lui, et le resterait peut-être pour toujours.
Texte D : Le Petit Peuple
-- « Marre, marre, marre ! Mais qu’est-ce que je peux faire, hein ? Ma femme et ma fille, je les nourris comment moi, hein ? Hein ? »
Voilà ce qu’on pouvait entendre depuis une bonne demie-heure dans la salle commune du Repos Bien Mérité. Les exclamations désespérées s’enchaînaient, et toutes étaient proférées par une seule et même personne : Larry O’Sheaman. L’homme faisait presque peine à voir : à moitié affalé sur une table, le visage rouge de colère et les mains nouées par l’impuissance, il semblait au bord du gouffre. Ses amis Franck et Sam essayaient tant bien que mal de le réconforter, mais rien n’y faisait : pour Larry, trop c’était trop.
-- « Vous vous rendez compte ? Une semaine que ça dure ! Un quart de mon champ de maïs dévasté déjà! »
-- « Ca va bien finir par s’arrêter, Larry. On va bien finir par le trouver, le saligaud qui te fait ça. », proclama d’une voix fière son ami Sam.
-- « Deux nuits de suite que je me planque près de mon champ pour voir ce qui s’y passe et rien ! C’est à devenir fou ! Ce matin encore, j’ai eu trente épis de maïs saccagés, alors que j’avais monté la garde toute la nuit et que je n’avais vu personne ! », continua Larry.
-- « Mmmhhh… sorcellerie… », murmura d’une voix sourde Franck.
Larry eut pour lui un regard haineux :
-- « Ah ouais ? C’est ce que tu penses, hein ? C’est ça, ce qui se dit dans le village ? Que je suis victime d’une sorcellerie ? Foutaises, tout ça ! Il suffit de savoir à qui profite le crime, et pour ça pas besoin de sorcellerie, je vous le dis moi ! Je suis prêt à parier que c’est ce vieux fou de Simon : nous sommes les deux seuls villageois à cultiver le maïs, il avait simplement envie d’évincer la concurrence, oui ! »
-- « Mouais… d’abord on n’en a pas la preuve et puis… tu crois qu’il s’y prendrait comme ça ? Non mais c’est vrai, quoi : regarde ce qui arrive à ton champ ! Les épis de maïs ne sont même pas arrachés, ils sont vidés de leurs grains un à un, minutieusement ! Avoue que ça ne ressemble pas au vieux Simon… et que ça donne à réfléchir… », renchérit Sam avec un regard entendu.
Les trois hommes devisaient ainsi avec force grands gestes et éclats de voix en cette fin de journée dans la salle commune du Repos Bien Mérité. Rob, l’aubergiste, essuyait consciencieusement ses verres en gestes lents et appliqués, tout en jetant parfois un regard distrait vers les trois hommes attablés. Il soupira. Pauvre Larry, voilà sa saison fichue. Mais bon, faudrait pas non plus qu’il passe toute la soirée là à râler, c’est pas bon pour la clientèle, ça. Comme si la prière muette de l’aubergiste Rob avait été entendue, la porte de l’auberge s’ouvrit alors en un mouvement franc presque brutal. Une femme corpulente à la moue boudeuse fit son entrée, et Rob soupira de nouveau : c’était Rose, la femme du Maire. On la connaissait bien dans le village, Rose. Tout le monde redoutait ses accès de colère et son franc parler, mais chacun reconnaissait en elle le meilleur cordon bleu de la région et la mère la plus attentionnée qui soit. Les moustaches de Rob frémirent légèrement : Rose avait la mine renfrognée des mauvais jours. Qui plus est, elle n’avait pas pris de manteau pour marcher jusqu’à l’auberge, ni même pris le temps d’enlever son tablier, ce qui était un mauvais présage quant à son humeur. Rob l’aubergiste s’éloigna doucement vers l’extrémité opposée de son comptoir et se remit à essuyer des verres qui n’en avaient pas besoin.
-- « Larry O’Sheaman ! »
L’interpellation était proclamée d’une voix assez puissante et ferme pour que tout le monde dans la salle commune cesse de parler et suspende ses gestes. Les deux jambes fermement implantées sur le parquet et les poings bien serrés sur les hanches, Rose fixait des yeux étincelants de colère sur Larry, qui semblait littéralement médusé. La corpulente femme du Maire avança à pas lents mais déterminés vers la table où Larry et ses deux amis donnaient l’impression d’enfants fautifs qui s’attendent à être grondés.
-- « Larry O’Sheaman ! J’étais sûre de te trouver ici! Tu ferais mieux de t’occuper de ta gamine au lieu de traîner ici avec ces deux-là ! »
-- « Ma gam… Louise ?!?! Qu’est-ce qu’il y a avec Louise ?!? Qu’est-ce que ?!?! ». Larry était déjà à moitié levé, le visage soudain marqué d’inquiétude. Mais il fut vite interrompu par le ton froid et cassant de Rose.
-- « Oh, t’inquiète pas, va. Elle va bien, ta Louise. Trop bien, même ! A cause d’elle mon petit Jimmy n’arrive pas à dormir : il n’arrête pas de parler d’un certain Petit Peuple, il ne pense qu’à ça ! Même Samuel, l’aîné, disparaît plusieurs fois par jour, il part « voir le Petit Peuple », qu’il dit ! Et qui c’est qui m’aide avec les bêtes, hein ? Et tout ça, c’est de la faute de Louise : c’est elle qui n’arrête pas de leur ramollir le cerveau avec ses histoires de Petit Peuple. Des histoires à dormir debout, oui ! »
-- « Allons, allons, Rose… Louise n’a que six ans… c’est normal que les enfants se racontent des histoires. »
-- « Que nenni ! Là c’est différent ! Mes enfants y croient dur comme fer, à cette histoire. Ils en ont même parlé à d’autres enfants du village, du coup les parents viennent me le reprocher… à moi ! Cette fois-ci c’en est trop, Larry : entre ta gamine et son Petit Peuple, et toi et ton champ de maïs, ça commence à faire. Trop de choses bizarres autour de toi, ce n’est pas… naturel. »
-- « Mais… Rose… j’y suis pour rien… j’suis un bon gars du village, tu le sais bien… Rose ? »
-- « Tiens-le toi pour dit, Larry O’Sheaman : au prochain Conseil du Village, on va parler de toi. Beaucoup.».
D’un geste impérial, la femme du Maire se détourna fièrement, puis fit calmement son chemin à travers la salle commune. La porte de l’auberge claqua derrière elle. L’espace d’un instant, le temps semblait suspendu dans la salle commune : pas un mot, pas un geste. Tous les regards étaient tournés vers Larry. Peu à peu, la salle s’anima de nouveau. Rob l’aubergiste se remit à essuyer ses verres en soupirant, Franck et Sam commencèrent à noyer Larry de paroles afin de le réconforter, mais beaucoup de regards accusateurs et de sourds reproches pouvaient se deviner dans l’assemblée.
Larry ne voyait plus rien, n’entendait plus rien. Il n’avait qu’une pensée : le Conseil du Village. Honte et rejet, voilà ce qui l’attendait, lui… et sa famille. Pauvre Louise, elle n’avait que six ans, comment lui faire accepter un rejet imposé par des adultes ? Louise… Larry avait maintes et maintes fois parlé du Petit Peuple avec Louise, car il commençait à s’inquiéter de ce qui devenait une obsession chez sa fille. Elle était farouchement convaincue de l’existence de ces petits êtres, elle prétendait même avoir discuté avec eux. Elle avait presque de la peine pour son père parce qu’il ne pouvait pas les voir ! Elle avait eu des mots étrangement matures pour son âge : « Il faut une âme d’enfant ». Une âme d’enfant… Comment une âme d’enfant pourrait-elle lutter face au Conseil du Village ? Larry ferma les yeux et serra les poings. Sans prêter attention à l’incessant bavardage de Sam et Franck, il se leva soudain et cria presque à l’intention de l’aubergiste :
-- « Rob ! Sers-moi une triple dose de ton meilleur tord-boyaux ! »
-- « Mais… Larry… Tu sais bien que tu ne supportes pas l’alcool, tu ne bois jamais… tu risques de… »
-- « Triple dose j’ai dit ! »
Dédaignant fièrement les avertissements de ses amis, Larry but. Et il but encore et encore, réclamant verre sur verre. Tant et si bien qu’il devint très vite horriblement saoul. Lorsqu’il sentit venir en lui une terrible envie de vomir, il se releva brusquement, renversant au passage sa chaise. N’écoutant pas les mots gentils de Sam et Franck, il tituba jusqu’à la sortie. L’air frais. Enfin. Avancer, marcher. Ne pas tomber. Retourner à la maison et regarder fixement ses pieds. Ne pas lever les yeux vers ce sol affreusement mouvant. La maison. Enfin. Une fenêtre éclairée dans la nuit naissante.
Quand Larry entra, il vit que sa femme préparait le souper, tout en apprenant une chanson à la petite Louise, qui jouait tranquillement auprès du feu. Dans l’euphorie de l’ivresse, Larry fut submergé d’un élan fou d’amour devant cette scène de bonheur simple. Il les aimait, tout simplement. Et rien ni personne ne tuerait ce bonheur, même pas un satané Conseil du Village. Je ne les laisserai pas faire. Ils veulent qu’on soit rejetés, que la honte fasse baisser nos têtes. Je ne les laisserai pas faire. D’un geste brusque rendu maladroit par l’alcool, il traversa la pièce et prit son fusil dans l’armoire. Il ne dit mot quand sa femme leva vers lui un visage livide où ses yeux inquiets le questionnaient. Fusil en main, il sortit de chez lui en titubant et s’enfonça dans la nuit.
Lorsqu’il arriva en vue de son champ de maïs, il était encore très ivre. Il tomba plus qu’il ne s’installa à même le sol, embusqué derrière un buisson. Puis, il attendit. A nous deux, sale voleur. Tu n’y toucheras plus, à mon maïs, foi de Larry !
Il n’eut pas à attendre bien longtemps. Au bout d’à peine quelques minutes d’attente, il entendit vaguement quelque chose. Toujours vacillant, il se rapprocha doucement de l’origine du bruit. Ce qu’il vit alors le laissa interdit pendant quelques instants : une dizaine de petites créatures grisâtres étaient en train de faire un véritable festin au beau milieu de son champ de maïs. Ces êtres de seulement deux pouces de hauteur avaient un aspect surprenant: les membres étaient trop petits et la tête trop grosse par rapport au corps, la peau avait une teinte grisâtre et une texture proche de l’écaille. Chaque minuscule créature était juchée sur un épi de maïs et détachait délicatement chaque grain un à un avant de l’enfourner avec entrain dans sa bouche. Larry resta là un instant à les observer : il n’en croyait pas ses yeux. Alors c’était donc vrai ? C’est donc là le… Petit Peuple ? Et… c’est « ça » qui détruit mon champ ?
La colère submergea Larry. Il avait là l’occasion de régler deux problèmes en un coup : son champ et sa fille ; et cette occasion, il était bien déterminé à ne pas la laisser passer. En gestes mal assurés, il braqua son arme vers les petits êtres. Toujours sous l’effet de l’alcool, il vacillait horriblement et ne pouvait pas s’empêcher de donner à son fusil une impulsion de mouvement circulaire totalement ridicule. Il ne pouvait pas viser dans cet état-là, il s’en rendait bien compte. De rage, il poussa un grognement sourd, comme pour forcer l’ivresse à quitter son corps. Mais les petites créatures entendirent le grognement de Larry. Elles se mirent alors toutes en suspens, dans l’indécision la plus totale. Fou de rage, Larry se précipita vers eux arme en main, prêt à utiliser la crosse de son fusil pour les écraser. Toutes les minuscules créatures se mirent à courir dans tous les sens, totalement affolées. Avec ébahissement, Larry se rendit compte que ces êtres étaient doués de parole : ils criaient avec une petite voix très aiguë et un débit très rapide. Le plus surprenant, c’est qu’ils semblaient utiliser le même langage que Larry, même si les mots étaient difficilement compréhensibles à cause du débit. Larry parvint cependant à comprendre quelques mots par-ci par-là : « Fuyons, vite ! », « C’est impossible ! », « Il veut nous tuer !», « Mais comment il fait pour nous voir ? ».
Puis, la retraite affolée du Petit Peuple sembla s’organiser progressivement, et peu à peu chaque créature se mit à fuir dans la même direction. Ils couraient vite, tantôt sur leurs deux membres inférieurs, tantôt à quatre pattes. Bien déterminé à en finir, Larry les suivit tant bien que mal. Il ne vacillait plus et le sol ne se dérobait plus sous ses pas : l’adrénaline, la colère et l’air frais commençaient à avoir raison de son ébriété. Haletant et essayant de ne pas se faire distancer, il courut derrière le Petit Peuple, à travers le champ de maïs, puis à travers le Petit Bois, jusqu’à arriver en vue d’une grotte. Le Petit Peuple courait toujours, en direction de la grotte. Larry ne les quittait pas des yeux : il ne voulait pas les perdre. Encore quelques mètres, et il serait à l’entrée de la grotte. Et là, ils ne pourraient plus lui échapper. Ne pas les lâcher du regard. Plus que quelques mètres. Plus que… Larry se mit brusquement à ralentir sa course : la forme des petits êtres était en train de disparaître progressivement. On commençait à voir à travers eux alors qu’ils galopaient toujours en direction de la grotte. Larry s’arrêta net : le Petit Peuple avait disparu. Cependant, il entendit les petites voix aiguës dire : « C’est bon, il ne nous voit plus ». « Et bientôt il ne nous ent… ». Plus rien.
Larry écarquillait les yeux, son regard fou de rage fouillant le sol. Le clair de lune était assez présent pour y voir, pour les voir. Et pourtant, il ne les voyait pas. Il regarda l’entrée de la grotte. Elle était assez petite, mais en se pliant en deux il pourrait l’emprunter. Mais sans torche, il ne pourrait certainement pas évoluer dans la grotte ni retrouver le Petit Peuple. Il soupira. Il n’allait quand même pas se faire avoir par une bande de… choses minuscules ! Déterminé, il fit demi-tour et courut en direction du village.
Hors d’haleine, il entra avec fracas dans sa maison pour y chercher une torche. Sa femme et sa fille étaient toujours là. Pressées l’une contre l’autre, elles regardaient Larry avec un mélange de désespoir et d’incompréhension : jamais elles ne l’avaient vu avec un air si déterminé fusil à la main. La petite Louise pleurait :
-- « Papa… papa… »
-- « J’vais l’exterminer, ton fameux Petit Peuple, ma Louison », répondit-il d’un ton vengeur.
-- « Mais papa… ». Louise sanglotait de plus belle. « Ils sont gentils, ils… »
-- « Suffit, Louise. »
-- « Leur fais pas de mal ! Je veux pas ! »
-- « J’ai dit : CA SUFFIT ! »
La petite fille leva des yeux implorants vers son père et sa voix était pleine de désespoir et d’impuissance : « Aaahhhh, si seulement tu pouvais les voir, tu saurais ! ». Larry s’arrêta, interloqué. Il se rendit compte qu’il n’avait même pas pris le temps de réfléchir. Pourquoi avait-il fini par voir le Petit Peuple, en fin de compte ? Il en avait passé des nuits à épier son champ, pourtant. Alors, pourquoi ce soir ? Sa fille avait dit qu’il fallait une âme d’enfant. Quel était le sens de cette phrase ? Avait-il ce soir eu une âme d’enfant ? Dans ce cas, comment ? Un sourire se dessina vaguement sur le visage de Larry. Se penchant doucement vers sa fille, il lui caressa la tête en un geste rassurant, puis ressortit de chez lui, le fusil en bandoulière et la torche à la main. Il était toujours autant déterminé à en finir ce soir, et il savait maintenant que pour y arriver il y avait un passage obligé : l’auberge.
Il avait vaguement deviné que s’il avait finalement vu le Petit Peuple ce soir, c’était parce qu’il était saoul. L’ivresse avait levé en lui toutes les inhibitions d’un homme adulte, révélant ainsi en lui la part d’âme d’enfant qui sommeillait. Il demanda donc auprès de Rob l’aubergiste de lui donner une bouteille entière de son fameux tord-boyaux. Rob secoua la tête en un geste d’incompréhension, mais accepta finalement de lui donner une bouteille. Ainsi paré, Larry reprit en courant le chemin de la grotte.
Rien n’avait changé depuis qu’il en était parti : tout était calme et désespérément dénué de Petit Peuple. Larry écouta le silence. Rien. Torche en avant, il décida donc de s’enfoncer dans la grotte. Le dos très courbé, il suivit une sorte de long boyau sinueux pendant quelques minutes. L’atmosphère se faisait de plus en plus humide. Il continua ainsi à évoluer dans la grotte, jusqu’au moment où il déboucha dans une sorte de clairière. Une salle. Sa torche était l’unique source de lumière, mais elle lui permit de deviner que face à lui se trouvait un petit lac sous-terrain. Tout cela était bel et bien, mais il ne voyait toujours aucune trace du Petit Peuple. Avec un petit ricanement, il déboucha sa bouteille de tord-boyaux et but à larges gorgées. Il dut boire ainsi à plusieurs reprises afin d’atteindre l’effet escompté : l’ivresse. Quand enfin il commença à sentir l’ivresse doucement monter en lui, il cria : « Allez, montre-toi, Petit Peuple ! On a des comptes à régler ! MONTRE-TOI ! ».
Très progressivement, il vit de petites formes apparaître. Plus il était ivre, plus il les voyait distinctement. Il vit également un objet par terre : un objet visiblement métallique, de forme ovoïdale, et de la taille d’un gros chien. Alors qu’il regardait avec curiosité l’étrange objet, une petite voix se fit clairement entendre dans la grotte :
-- « Pourquoi se montrer si agressif, membre du Grand Peuple ? »
Larry repéra immédiatement le petit être qui venait de parler : un membre du Petit Peuple se tenait à ses pieds et le regardait calmement. Il était différent des autres, en cela qu’il tenait dans sa main droite un bâton et qu’il portait une petite couronne. Les autres petits êtres formaient un cercle autour de lui, et s’inclinaient en une posture respectueuse. Larry ne put s’empêcher de ricaner: ces choses avaient donc un roi? Il ravala vite son rire lorsqu’il vit les mines scandalisées du Petit Peuple. S’il le voulait, il pouvait de son pied écraser le petit roi et ses problèmes seraient résolus. Mais l’image de sa fille Louise s’imposa à son esprit : pourrait-il la regarder en face s’il se montrait si barbare envers un peuple qu’elle semblait affectionner ? Il soupira… puis se baissa doucement. Vacillant sous l’effet de l’ébriété, il eut du mal à s’asseoir par terre sans écraser l’une de ces minuscules créatures. Il put ainsi observer plus attentivement le petit roi, et il fut saisi par le respect qu’il pouvait inspirer : en dépit de sa petite taille, le roi du Petit Peuple était l’image même de l’assurance, de la sérénité et de la majesté. C’est donc naturellement que Larry prit un ton de voix respectueux lorsqu’il s’adressa au roi :
-- « Je cours à la ruine et à la honte parce que votre peuple saccage mon champ de maïs… M… Majesté »
Des murmures surpris parcoururent l’assemblée du Petit Peuple, vite interrompus par la voix calme de leur roi :
-- « Nous ne… saccageons pas. Nous nous alimentons. » Le petit roi soupira et sembla réfléchir un instant avant de reprendre : « Je comprends votre désarroi. Nous n’avons pas pour habitude de rester dans le même champ plus d’une nuit. Mais notre Gleerus ne fonctionne plus, nous sommes bloqués ici. ». Il termina sa phrase en pointant son bâton vers l’objet métallique ovoïdal. « Le Gleerus. Notre… moyen de transport ».
Larry ne put masquer sa surprise. Cet étrange objet était donc un moyen de transport pour ces petits êtres ? Pourtant, en y regardant bien, cette chose métallique n’avait même pas de roues. Lorsqu’il se tourna de nouveau vers le roi pour lui demander comment cet objet pouvait avancer, Larry fut à nouveau surpris : le roi du Petit Peuple tenait entre ses mains un diamant magnifique de la taille d’un ongle d’homme. Le roi reprit la parole : « Il ne marche plus. Il a perdu sa vitalité originelle. C’est lui qui permettait au Gleerus de fonctionner. Voilà pourquoi nous sommes bloqués ici et pourquoi nous continuons à nous alimenter dans votre champ. » Assisté de deux autres petits êtres, il plaça le diamant au bout de son bâton. La pierre magnifique sembla s’incruster parfaitement dans l’extrémité de son bâton.
Le roi ne broncha plus. Il observait très intensément le géant assis face à lui, pendant un long moment. Larry commença à se sentir mal à l’aise sous l’insistance de ce regard scrutateur, tant et si bien qu’il finit par détourner les yeux. La voix calme du petit roi s’éleva de nouveau : « Je crois qu’en venant ici pour résoudre votre problème vous aviez déjà la solution avec vous ». Larry était dans la confusion la plus totale, il ne comprenait pas du tout ce que disait le roi. En un geste lent, la créature couronnée brandit son bâton qui portait toujours le diamant : « Sa vitalité originelle est le feu. Nous ne… savons pas générer le feu. Comprenez-vous à présent ? ». Larry cligna des yeux à plusieurs reprises en un geste d’incompréhension. Puis, il suivit la direction du regard du roi : son regard était fixé sur la torche de Larry.
Incertain, Larry abaissa la torche au niveau du roi. Celui-ci tendit son bâton vers la torche, jusqu’à ce que le diamant effleure la flamme. Au bout de quelques instants, une lueur orangée commença à prendre forme à l’intérieur du diamant. Cette lueur se fit de plus en plus intense, jusqu’à ce que le diamant ne soit plus qu’une boule de lumière tourbillonnante. Le roi éloigna alors son bâton de la flamme, et le brandit au-dessus de sa tête en un geste victorieux. L’éclatante lumière orangée tourbillonnait toujours à l’intérieur du diamant. Une vague d’euphorie submergea l’assemblée du Petit Peuple : ils sautillaient de joie et criaient des « Hourra ! » enthousiastes à répétition.
Pour la première fois, Larry vit le roi sourire. Le petit être couronné s’adressa alors à lui pour la dernière fois : « Je crois que nous avons tous deux résolu nos problèmes respectifs… Sans arme. » Sans attendre de réponse, il se tourna alors vers son peuple et tendit son bâton en direction du Gleerus. Avec un entrain non dissimulé, le Petit Peuple se mit alors en marche vers l’objet métallique. Une ouverture se dessina comme par magie sur un côté du Gleerus. Le Roi en tête, la colonne de petits êtres s’engouffra dans la forme ovoïdale. Larry retenait son souffle, fasciné. Soudain, l’avant du Gleerus s’illumina de la même lueur orangée que contenait le diamant. Puis, sans un bruit, le Gleerus s’éleva au-dessus du sol et s’enfonça dans l’eau du lac sous-terrain en un mouvement fluide et rapide.
Larry cligna des yeux à plusieurs reprises. Ils étaient donc partis. Il resta ainsi un long moment, contemplant d’un air incrédule la surface désormais lisse du lac sous-terrain. La fraîcheur de la grotte s’empara soudain de lui : il se rendit compte que cela faisait longtemps qu’il était ainsi hagard devant le lac. Secouant doucement la tête, il commença à prendre le chemin du retour. Mais au premier pas qu’il fit, il entendit quelque chose craquer sous son pied. Approchant la torche du sol, il découvrit de petits objets qui brillaient sous la flamme. Ahuri, Larry saisit les objets et les observa. Il laissa échapper un petit rire : il tenait entre les mains cinq gemmes pures aux couleurs chatoyantes. Il comprit que c’était là un cadeau… le cadeau du Petit Peuple.
Texte E : Fête au château
Cela faisait déjà une semaine que le château du comte de Barnac était en pleine effervescence. La réception qu’il organisait allait débuter dans quelques heures contrairement à ce que l’on aurait pu croire en voyant toute cette agitation.
Dans les cuisines, le chef, n’arrêtait pas de crier des ordres à ses marmitons. Malgré l’immensité de celles-ci, il donnait l’impression d’être partout à la fois. Les plus jeunes s’occupaient de faire cuire les rôtis de mouton dans les trois âtres occupant un mur entier. Les autres servants de la cuisine quant à eux, préparaient les divers plats qui seraient servis le soir.
A l’extérieur, le froid de l’hiver contrastait avec la chaleur étouffante et chargée de graisse des cuisines. L’activité n’en était pourtant pas moins intense. Les servants déchargeaient les charrettes livrant nourriture, vin, décorations et autres victuailles nécessaire à la soirée du comte.
Dans la salle de réception, contrairement au reste du château, il n’y avait presque pas de remue ménage. Les chandeliers illuminaient déjà la vaste salle et les valets terminaient de dresser les tables sur tréteaux.
Dans une aile du château, le comte se dirigeait vers son bureau sans se préoccuper des préparatifs. Son intendant veillait sur tout et il lui faisait confiance.
Au détour d’un couloir, l’intendant apparut accompagné d’un serviteur. A l’approche du comte, il congédiât le valet d’un signe de tête.
- Bonsoir Messire ! Dit l’intendant en s’inclinant.
- Bonsoir Jean ! Où en sont les préparatifs ?
- Ne vous inquiétez de rien Messire ! Tout sera prêt dans les temps.
- Bien ! Bien ! Le comte jeta un regard circulaire dans le couloir pour s’assurer de bien être seul avec son intendant. « Avez vous fait ce que je vous aie demandé ? » Lui demanda-t-il à voix basse.
- Oui Messire tout à été fait selon votre volonté lui répondit l’intendant sur le même ton. « Certes, le chef de cuisines a été surpris en voyant tout cet ail, mais tout est fin prêt maintenant. »
Le comte acquiesça, satisfait. « Ah ! Au fait Jean, faites venir immédiatement le capitaine de la garde dans mon bureau ! » Dit-il en reprenant son chemin.
« Bien sur Messire ! Tout de suite Messire ! »
Le bureau du comte était de taille moyenne. Des chandeliers en or fixés sur les murs recouverts d’une tapisserie verte éclairaient la pièce. Tout le mobilier était en merisier. Une immense bibliothèque remplie de livres reliés en cuir recouvrait un mur entier. Le comte s’installa derrière son bureau situé au centre et sentit la chaleur de la cheminée lui réchauffer rapidement le dos.
Le comte était un homme grand et svelte. Une longue et fine moustache lui donnait un air sévère ce qui lui rendait bien service pour maintenir l’ordre et la discipline dans son conté.
Quelqu’un frappa à la porte.
- Entrez ! Dit le comte.
Il termina de lire un document et le signa avant de lever la tête.
Un homme à la silhouette bedonnante et en armure entra. Il se mit au garde-à-vous devant le bureau du comte « vous m’avez fait demander Messire ! »
- Oui capitaine ! Le dispositif de garde est-il opérationnel pour ce soir ?
- Oui Messire tout est prêt ! Les hommes sont à leurs postes pour veiller au bon déroulement de votre réception.
- Bien capitaine ! Il me serait très désagréable de voir les événements de la dernière fois se reproduire dans mon château. Vous pouvez disposer ! Dit-il en prenant un autre document qu’il se mit à lire.
Le soldat s’inclina et sortit du bureau.
Le soleil commençait à disparaître à l’horizon. Le comte, regardait par la fenêtre la cour pavée et boueuse. Le va-et-vient des chariots chargés de victuailles avait laissé place au balai des calèches marquées aux couleurs des maisons de leurs propriétaires. Malgré les quelques rayons obliques du soleil, le froid piquant de l’hiver prenait le dessus et tous les invités étaient vêtus de manteaux de fourrures pour parcourir les quelques marches qui les séparaient de l’entrée. Toujours depuis son bureau, le comte observait les valets accueillir chaque invité et donner la main aux Dames à leur sortie de voiture.
« Nous y voilà ! Se dit-il à lui-même. Le soleil aura bientôt disparu et la majorité des invités sont arrivés. Il ne me reste plus qu’à prier pour que… »
Toc, toc, toc.
Le comte sortit de ses pensées. Sans se retourner, il invita la personne à entrer. L’intendant avança d’un pas dans le bureau et s’inclina « Tous les invités sont arrivés Messire ! »
- Merci jean ! Dit le comte les yeux toujours fixés sur l’horizon.
Peu de temps après, le comte s’arrêta devant la chambre de la comtesse. Il rajusta son manteau vert à manches bouffantes, sa cape de soie, puis frappa à la porte. Une servante vint lui ouvrir.
La comtesse l’attendait au milieu de sa chambre brillant de milles feux. Les perles nacrées cousues sur sa robe verte ainsi que la rivière de diamants qu’elle portait autour du cou reflétaient la lumière des chandelles. Ses longs cheveux blonds et ses yeux bleu clair étincelaient également, ce qui lui donnait l’impression de sortir d’un conte de fée.
A l’approche de son mari elle fit une légère révérence. Il lui prit la main qu’il baisa avant de lui présenter son bras et de la conduire vers la salle de réception.
Arrivés en haut des escaliers dominant la salle pleine de convives, le comte et la comtesse sentirent les regards se braquer sur eux. Tout le monde cessa de parler. Les jongleurs et les saltimbanques stoppèrent leurs numéros et les musiciens jouèrent un morceau plus adapté à la circonstance. Le couple entama sa descente et quand ils arrivèrent dans la salle, chacun des invités s’inclina pour les saluer. Lorsque le comte et la comtesse arrivèrent à leurs places, tout le monde s’installa à table.
La salle était éclairée par des centaines de bougies disposées sur des chandeliers pendus au plafond. Les tables disposées en U permettaient aux invités de se voir ainsi que de profiter du spectacle pendant le repas. Les plats froids étaient déjà disposés sur les tables ainsi que le vin, le pain et les rinces doigts.
D’un geste de la main, le conte invita ses invités à manger. Le repas commença accompagné par les jongleurs et la musique. Très rapidement, tout le monde trouva ses aises.
Tout au long de la soirée les plats se succédèrent, nécessitant de nombreux servants. Suivant les tables auxquelles vous vous trouviez, les conversations étaient plus ou moins animées. Les barons parlaient politique, les commerçants argent alors que les membres du clergé étaient plus discrets. Les femmes, quant à elles n’avaient d’autre occupation que de s’observer mutuellement pour déceler la moindre faute de goût dans la tenue vestimentaire où dans la façon de se tenir.
La soirée était bien avancée lorsque le comte appela son intendant d’un signe discret de la main.
- Oui Messire ! Que puis-je faire pour vous ?
- Pouvez-vous aller voir le baron Canron. Il me semble qu’il a très peu mangé ce soir. Je ne voudrais pas qu’il se sente offensé si le repas ne lui convient pas.
- Tout de suite Messire !
Le baron Canron, son assiette en argent vide devant lui et une coupe de vin pleine à la main, parlait avec sa voisine de droite sans se préoccuper de ce qui pouvait se passer autour.
- Messire ! Fit l’intendant en arrivant au niveau du baron. Je m’excuse de vous importuner pendant votre repas, mais le conte s’inquiète de savoir si les mets sont à votre goût. Si tel n’était pas le cas nous pouvons vous proposer ce que vous désirez, Messire.
Le baron fît un grand sourire à l’intendant quand il se tourna vers lui. « Vous remercierez le comte de s’inquiéter de mon bien être ! Je lui en suis très reconnaissant. Mais voyez-vous, ce soir je n’ai pas très faim. Par contre le vin est merveilleux. » Sans attendre une réponse de la part de l’intendant, il reprit sa conversation avec sa voisine.
L’intendant n’insistât pas et alla rendre compte de son entrevue au comte.
Les premiers couples se levèrent pour aller danser. Le repas n’en était qu’à la moitié, et tout le monde avait l’air d’accord pour faire une pause avant de continuer à manger. Le baron Canron invita sa voisine la baronne Malia à danser.
- Décidément le comte et la comtesse nous font l’honneur d’une soirée somptueuse une fois de plus, dit le baron.
- C’est vrai que la soirée est très réussie. La comtesse est une fois de plus la plus belle.
Le baron décela une petite pointe de jalousie dans la voix de sa partenaire, et ne pu s’empêcher de sourire intérieurement. « C’est vrai qu’elle est resplendissante, mais je vous assure que vous n’avez pas à vous sentir complexée car vous êtes également très belle. »
- Arrêtez cher baron vous allez me faire rougir.
Après la troisième danse, sous prétexte qu’il faisait trop chaud, le Baron invita la baronne Malia à aller faire un petit tour dans les jardins. Les manteaux de fourrure sur le dos, ils marchèrent bras dessus bras dessous au milieu des jardins du château éclairés par un magnifique clair de lune.
Derrière une haie, un cri étouffé, des branches qui cassent puis le bruit sourd d’un corps s’écroulant sur le sol.
Plus tard dans la soirée, le repas n’avait toujours pas repris et les notables du comté continuaient à danser. Le baron Malia, ayant l’air de chercher quelqu’un dans la foule, s’approcha du baron Canron et lui demanda s’il avait vu son épouse.
- Navré Messire, mais je ne l’ai point vu depuis que nous sommes rentrés de notre promenade dans les jardins qui soit dit en passant sont magnifiques au clair de lune. Elle m’a dit être épuisée et s’en est allée dans un salon pour se détendre quelques instants.
- Merci baron. Je vais aller voir si tout va bien.
- Je peux vous conduire dans le salon où elle se trouve, si vous le dédirez. Le baron Canron se frotta les yeux sentant les premiers signes de fatigues.
- Merci de votre aide.
Le baron Malia prit la suite du baron Canron. Ils sortirent de la pièce principale. Le baron Canron sentait qu’il commençait légèrement à tituber. Je n’ai pourtant pas bu énormément ce soir se dit-il en poursuivant sa route.
- Voilà c’est ici dit le baron Canron en désignant une porte en chêne ornée du blason vert et or du comte.
Le baron Malia pénétra dans la pièce faiblement éclairée et fût étonné de voir que ce n’était pas un salon mais un bureau.
- Mais où sommes-nous ? Dit le baron Malia en se retournant, surpris.
- Peut importe, la seule chose dont je sois sûr c’est que vous allez mourir. Le baron Canron retroussa ses lèvres en un sourire carnassier, laissa apparaître ses canines longues et pointues puis se jeta sur sa victime.
En quelques instants le baron Malia se retrouva inanimé alors que son agresseur se délectait de son sang. Quand il eut finit de boire le sang de sa victime, le vampire sentit sa tête tourner. Il s’agrippa au bureau du comte et après en avoir fait le tour péniblement, se laissa tomber sur le fauteuil.
« Mais que m’arrive-t-il ce soir. Cela ne peut pourtant pas être le vin car je n’y suis pas sensible ! » Après un peu de repos, le baron sentit son état s’améliorer. « Je n’aurais jamais dû attendre si longtemps avant de me nourrir. Il faut certainement que mon organisme se réadapte. » Avec un petit rictus aux lèvres, il regarda le corps inanimé de sa proie gisant sur le sol. « Voilà maintenant le comte va avoir du mal à faire passer sa loi sur la diminution des impôts. A présent il n’a plus le soutien d’aucuns des barons restants. »
Il sortit du bureau pour retourner vers la salle commune. Ce n’était vraiment pas le moment de se faire remarquer par une absence prolongée, n’est-ce pas ? A mi-chemin, les vertiges le reprirent. Il s’appuya contre le mur. « Mais que m’arrive t-il ? » Sa vue se brouilla, ses jambes avaient du mal à le porter. Il avait l’impression de ne plus pouvoir contrôler son corps.
- Alors Baron vous ne vous sentez pas bien ? Demanda un homme arrivant vers lui.
- Oui ! Je ne sais pas ce qui m’arrive. J’ai dû trop abuser du vin ! Il commença à retrouver des forces ce qui lui permis de ne plus se tenir au mur.
- Etes vous sûr que ce soit le vin qui soit responsable de votre état ?
Il plissa les yeux. Mais pourquoi donc sa vue et son ouies étaient-elles si émoussées ? C’était comme s’il était drogué. Finalement, il reconnut le visage de son interlocuteur. « Mais que faites-vous ici ? » Dit-il à l’adresse du comte.
- Et bien j’allais me coucher et comme à mon habitude je passe toujours par mon bureau.
- Vous coucher ? Mais… Mais c’est impossible la soirée n’est pas encore terminée.
- C’est pourtant la vérité ! Qu’allez vous faire maintenant ?
Le baron analysa la situation d’un léger mouvement de la tête. Le comte était accompagné de quatre soldats l’épée au poing. Sa seule chance de s’en sortir était de se jeter sur le comte qui avait encore son arme au fourreau.
- Attrapez-le ! Cria le comte à l’adresse de ses soldats.
Les hommes se jetèrent sur le vampire. Ce dernier rassembla ses forces et d’un bon se retrouva derrière les soldats. Le comte, surpris de cette réaction, ne réagit même pas lorsque le baron lui prit son épée avant de se sauver.
- Il ne sert à rien de fuir baron ! Partout où vous irez mes soldats seront là.
Les gardes se mirent aussitôt à sa poursuite. Au détour d’un couloir, ils virent le vampire de nouveau adossé à un mur, essayant de garder l’épée en position défensive. Les hommes d’armes restèrent prudemment à distance.
- Vous n’êtes pas allé bien loin on dirait mon cher baron dit le comte un large sourire aux lèvres.
- Mais que m’avez vous fait ! Questionna le baron essayant de gagner du temps dans l’espoir de retrouver des forces.
- Je peux bien vous le dire avant de vous tuer. Tous les plats étaient assaisonnés à l’ail ! Le sang de vos victimes en était donc chargé. Je savais qu’il y avait un vampire parmi mes barons ! A vrai dire je pensais fortement que c’était vous. J’ai donc profité de cette occasion pour vous supprimer.
« Vous ne me tenez pas encore ! » D’un geste désespéré, il se précipita sur la porte la plus proche. Il la franchit, trébucha dans les marches et se retrouva allongé dans une allée de gravillons en plein soleil. Son corps commença alors à être pris de spasmes tandis qu’une fumée noire s’élevait de ses vêtements. Il hurla et hurla de douleur à s’en décrocher la mâchoire. Ses crocs blancs étincelèrent un instant à la lumière avant de se liquéfier sur sa langue. Sa peau disparaissait à la vitesse d’un parchemin consumé par les flammes. Durant ces quelques secondes, ses souvenirs disparaissaient laissant place au néant.
Le comte et ses hommes arrivèrent en haut des escaliers. Ne supportant pas les cris inhumains du vampire, ils se bouchèrent les oreilles et regardèrent avec stupeur le corps du baron se consumer sous les rayons du soleil. Alors que tout était terminé, qu’il ne restait plus que des cendres au milieu de l’allée, le comte se rendit soudainement compte qu’il avait bloqué sa respiration. Il descendit l’escalier et pris une grande bouffée d’air nauséabond ce qui le fit tousser.
- Voilà ! Nous sommes débarrassés de ce vampire qui hantait nos villages, dit-il d’un ton soulagé. Ses soldats le regardèrent sombrement puis opinèrent de la tête.
L’intendant apparut à la porte et regarda le spectacle des soldats et du comte contemplant le tas de cendres.
- Tout va bien messire ?
- Oui ça va. Les hommes ont-ils trouvés beaucoup de cadavres dans le château ?
- Seulement deux messire. Celui de la baronne Malia dans les jardins et celui de son mari dans le bureau.
Le comte gravit les quelques marches le séparant de son intendant.
- Cela valait bien quelques sacrifices non ! Dit-il sans s’arrêter.
Welkin avançait dans le couloir sombre. Avec sa petite taille et son nez de fouine il ne payait pas de mine mais l’épée qu’il portait n’avait rien d’un élément décoratif. Sa tenue étaient cependant impeccable et ses habits de bonne qualité. Plus il s’enfonçait dans la grotte et plus les murs de pierre semblaient se rapprocher. Les torches sur les parois fournissaient à peine assez de lumière pour qu’il retrouve son chemin. Il n’y avait que Kharn pour choisir une ancienne mine naine comme quartier général. Comme à chacune de ses visites Welkin n’était pas rassuré. En cas de problème ce n’était pas ses dix gardes du corps qui pourraient lui être d’un grand secours. Visiblement ces derniers s’en rendaient compte et ils ne parvenaient pas à cacher leur anxiété avec autant de succès que leur patron. Tous les hommes qu’ils avaient croisé jusque là semblaient ivres morts, mais Welkin avait suffisamment d’expérience pour savoir qu’il ne faut jamais se fier aux apparences. Quoiqu’il en soit, il était là pour affaire et non pour se battre. Kharn avait besoin de lui et leur collaboration c’était jusque là montrée bien trop fructueuse pour qu’il prenne le risque d’y mettre un terme. L’appât du gain était bien plus fort que l’antipathie réciproque qu’éprouvaient les deux hommes.
Kharn était un voleur et un assassin. Avec sa bande, la Main noire, il semait la terreur dans la région, attaquant les voyageurs et les caravanes marchandes, rançonnant les paysans. Il n’hésitait pas à tuer quiconque osait lui résister. Depuis des mois les autorités d’Akkylanie faisaient tout leur possible pour mettre la main sur lui. La prime pour sa capture ne cessait d’augmenter mais il restait insaisissable car il n’avait confiance en personne. En dehors de ses hommes, seul Welkin et ses gardes étaient au courant de l’emplacement de sa cachette, bien que cela représente un risque conséquent, il avait besoin de lui pour écouler ses marchandises volées.
Tel était leur contrat, l’un volait, l’autre revendait et les choses s’arrêtaient là. L’un était cultivé et appartenait à la petite noblesse locale tandis que l’autre était un soudard sans éducation. La seule chose qu’ils avaient en commun était l’argent.
Lorsque les hommes de Kharn mettaient la main sur de l’alcool, deux fois sur trois ils finissaient ivres morts, préférant vider les bouteilles plutôt que de les revendre. Cette fois c’était le cas. Pour Welkin ce n’était que du gaspillage, mais il était bien trop avisé pour exprimer ses sentiments à voix haute.
Après un moment il déboucha dans une vaste salle haute de plafond. C’était agréable de sortir de l’étroit tunnel, même si c’était pour se retrouver au milieu des hommes de la Main noire. Ils avaient du faire une bonne prise car ils faisaient la fête. Ceux qui ne cuvaient pas dans leur coin, mangeaient ou dansaient sur les tables. Deux hommes, encouragés par leur entourage, se livraient à un bras de fer, un autre essayait vainement de jongler avec des pommes et il y serait peut-être parvenu s’il n’avait pas été aussi saoul. L’ancien hall nain était devenu un lieu de débauche et de luxure. Les fils de Clanguedin devaient se retourner dans leur tombe s’ils voyaient ça.
Une ribaude prise de boisson s’approcha de Welkin en essayant de se montrer aguichante, sa tentative de séduction quelque peu gâchée par son ébriété. Le receleur ne lui prêta aucune attention et poursuivi son chemin sans lui adresser un regard. D’un air boudeur la femme jeta alors son dévolu sur un des hommes assis autour de la table, apparemment il ne lui fallu pas longtemps pour oublier sa déconvenue.
Les dix gardes du corps restaient vigilants en suivant leur patron. Ils jetaient de rapides coups d’œil dans toutes les directions, observant discrètement les pillards. L’alcool rendait ces derniers plus prompts à déclancher une bagarre et les gardes n’avaient pas envie de devoir se battre. Des adversaires saouls seraient peut-être plus faciles à affronter mais ils étaient trop nombreux pour que l’escorte ai une chance de s’en sortir. A la suite de leur chef, ils empruntèrent une ouverture de l’autre coté de la salle. Le couloir était aussi étroit que le premier mais bien mieux éclairé. Plusieurs portes se dessinaient dans les parois et les cris que l’on pouvait entendre à travers celles-ci ne laissaient aucun doute sur ce qui se passait derrière. Les brigands n’avaient pas ramené que des marchandises comme butin. Welkin eu une brève pensée pour le sort réservé à ces femmes qui avaient eu la malchance d’être capturée, mais il la chassa bien vite de son esprit et se concentra sur son objectif. De l’autre coté d’une porte en bois sombre bardée de fer se trouvait le bureau de Kharn et il devrait y entrer seul. Le chef des voleurs lui permettrait de garder son épée afin de lui montrer qu’il ne le craignait pas, mais ses hommes devraient attendre à l’extérieur. Les gardes en faction devant la porte avaient l’air aussi saouls que leur camarades qui faisaient la fête dans la grande salle. L’air seulement, pensa Welkin après un rapide et discret examen. Quelque chose dans leur regard, dans leur façon de se tendre à l’arrivée du receleur et de son escorte, montrait clairement qu’ils étaient bien plus alertes qu’ils ne voulaient le laisser croire. Ils croisèrent leur lance bloquant l’accès aux nouveaux arrivant.
- Vous seulement. Dit l’un d’eux.
Après un moment d’hésitation à peine perceptible, Welkin entra dans le bureau. La pièce était assez spacieuse et basse de plafond, les murs des pierres étaient recouverts de tentures. Le mobilier, constitué d’un bureau, d’une table, et d’une banquette, était en bois solide. Au premier coup d’œil on aurait pu juger l’endroit luxueux. Cependant un examen un peu plus approfondi permettait de voir que les tentures étaient dévorées par les mites tandis que le bois des meubles était rayé et taché. Kharn était comme son antre, après un examen superficiel on aurai pu le juger élégant et distingué mais en y regardant de plus prés on pouvait voir que ses habits étaient sales et déchirés de plus ils dégageaient une odeur plutôt désagréable. Il était enfoncé dans son fauteuil une bouteille à moitié vide devant lui.
Le receleur pu voir qu’une nouvelle cicatrice parcourait son visage, une longue cicatrice encore fraîche.
- Bonjour Welkin, toujours aussi ponctuel. Le voleur pris la bouteille et se servit un verre avant de la tendre vers son interlocuteur – Un verre ? Dit-il en souriant. Il savait pertinemment que le noble ne buvait pas.
- Non merci, je ne suis pas venu pour ça. Qu’est ce que tu as à proposer aujourd’hui ?
Le brigand reposa la bouteille sur la table.
- Tu ne vas pas être déçu, nous avons fait une excellente prise. J’espère que tu as assez d’or sur toi. Kharn se leva de son siège et se et se dirigea vers la sortie. Welkin lui emboîta le pas et le suivi jusqu’à l’ancienne pièce forte naine où la main noire avait l’habitude d’entreposer son butin. Comme les autres les gardes avaient tous une bouteille à ma la main. Le receleur commença à examiner la marchandise. Kharn n’avait pas menti c’était une de ses plus belles prises. Il parvint à masquer son intérêt, inutile de faire monter les prix.
- Pas mal en effet. Dit-il. 200 pièces d’or pour le tout.
- 200 ! C’est une plaisanterie ! Il y en a au moins pour 1000 pièces, s’exclama la voleur.
- Peut-être, si ce n’était pas de la marchandise volée… 300
- 800 proposa Kharn.
- 400 rétorqua welkin.
- 500 et je ne descendrai pas en dessous.
Le receleur examina une nouvelle la marchandise avant de donner son accord. Il n’avait pas fait une mauvaise affaire. Il tendit deux bourses pleines au voleur.
- Tu peux recompter, lui dit-il.
- Inutile, tu sais très bien ce qui t’arriverait s’il n’y avait pas le compte.
Welkin réprima un frisson et se tourna vers ses hommes.
- Vous pouvez commencer à charger tout ceci, leur cria-t-il.
On entendait toujours les bruits de la fête provenant du grand hall. Là-bas la fête continuait. Le receleur était plus détendu, l’affaire était conclue et il allait faire un joli bénéfice en revendant les marchandises. Ses navires les transporteraient vers Shandara au-delà de la mer d’Asirya. Dans ces contrées personne ne poserait de question sur leur provenance.
Soudain les yeux du receleur se porsèrent sur la médaille que Kharn portait autour du coup et il s’immobilisa. Le sang avait quitté son visage. Il restait là ne parvenant pas à détacher son regard du bijoux. C’était un très bel objet en argent ciselé représentant une flamme et une épée. Il n’y avait aucune pierre précieuse mais un œil entraîné pouvait voir qu’elle était en mithril et que ça valeur était immense. Mais ce n’est pas ça qui avait glacé le noble.
- Qu’est ce qui t’arrive, tu as vu un fantôme? Demanda le brigand. Il savait que son interlocuteur était toujours mal à l’aise en sa présence et il aimait en jouer, mais il ne l’avait jamais vu ainsi. Welkin avait du cran et les nerfs solides, il ne montrait pas sa peur aussi facilement.
- Ce médaillon, où l’as-tu obtenu ? demanda ce dernier.
- Ceci ? répondit le voleur en prenant l’objet entre ses doigts. Il faisait partie de notre dernier butin… Mais depuis quand t’intéresses tu à l’origine des marchandises. Je me débrouille pour les obtenir et tu les revends, nous partageons les bénéfices et tout le monde est content. Ne me dis pas que tu t’es découvert une conscience.
- J’ai besoin de savoir, c’est important et ça n’a rien à voir avec une quelconque conscience. A qui l’as-tu prise ?
- Elle appartenait à une jolie donzelle, c’était une sang mêlé, une demi-elfe. Elle c’est bien défendu la bougresse. Le voleur passa sa main sur la cicatrice encore fraîche qui marquait son visage. Mes hommes on voulu s’amuser avec elle mais elle a réussi à leur fausser compagnie.
- Elle c’est enfuit, elle est toujours en vie ? Demanda le noble, presque soulagé.
- Non. Répondit le voleur en riant. Elle c’est jeté du haut d’une falaise pour nous échapper.
- Elle est morte ! Vous avez causé sa mort ! Hurla le receleur. Garde déchargez les marchandises, toutes les marchandises, je ne veux rien qui vienne de ce convoi. Dépêchez vous, nous partons tout de suite.
- Qu’est ce qui te prend tu es cinglé, le marcher est conclu, ne crois pas que tu vas récupérer ton or. Rétorqua le voleur.
- Tu es mort Kharn et tout tes hommes sont morts. Quand il viendra je ne tien pas à être là, je veux être le plus loin possible sans rien qui me lie à toi.
- Tu es saoul ? Tu t’es drogué ? Ce n’est pas ton genre pourtant. Il faut te calmer. Personne ne connaît cet endroit… A moins que tu es parlé. Le ton du brigand se fit plus dur. A moins que tu ne m’ais trahit…
- Te trahir ! Je pars parce que je ne veux pas mourir. La fille que tu as tué… Son frère va venir la venger…
- Tu es au milieu d’une bande de pillards sanguinaires et tu as peur d’un homme seul, tu perds la raison.
- Caridian
- Ca suffit ! Fini les devinettes, expliques toi où ça va mal finir.
Le receleur prix la médaille entre ses doigts.
- C’est l’emblème de la maison Caridian. C’est une ancienne maison, il ne reste que deux membres… Plus qu’un maintenant… Edryn Ash Caridian… C’est presque dans un murmure que le noble prononça ce nom. Ca ne te dit rien ? C’est vrai qu’il est plus connu sous le nom de « la main de Shevarash », le haut inquisiteur du clergé du dieu de la vengeance. Il est le plus puissant guerrier mage que cette terre est jamais portée et tu as tué sa sœur. Ce fut au tour de Khan de blêmir. Il avait entendu parlé de l’inquisiteur, tout le monde en avait entendu parler. Il faisait régner l’ordre d’une main de fer. On le disait invincible et sans pitié avec ceux qui avait commis un crime. Certains prétendaient même qu’il avait lancé à plusieurs reprises le sort suprême de Shevarash, la sphère de souffrance éternelle. Un sort très dangereux qui demandait une haute maîtrise de la magie, car à tout moment il pouvait se retourner contre celui qui le lançait. La victime se trouvait prisonnière d’une sphère, subissant pour l’éternité les plus terribles souffrances, sans espoir d’être libéré un jour. Un destin mille fois pire que la mort.
Kharn essaya de retrouver son calme
- Il ne nous retrouvera jamais, personne ne connaît cet endroit… A part toi… Je ne peux pas te laisser partir, dit-il en dégainant son arme. Je suis désolé mais les affaires sont les affaires, rien de personnel.
- Crois tu que je vais me laisser tuer aussi facilement ? Rétorqua le receleur en dégainant sa propre lame. Le duel s’engagea.
A cet instant un cri d’effroi se fit entendre à l’autre bout du couloir, dans le grand hall. Il fut rapidement suivi par des cris d’agonies. La fête était finie. Les deux adversaires cessèrent leur combat.
- Il est la pour toi… Il est là pour nous, ivre de vengeance. La voix de Welkin était résignée. Après un rapide coup d’œil autour de lui, il se laissa tomber sur son épée. La porte vola en éclat, laissant apparaître un individu de grande taille, un sang mêlé, un demi elfe. Il avait les cheveux blancs et les yeux gris, il portait un manteau noir à capuchon et une chaine d’argent pendait à son cou, deux médailles y étaient attachés, l’un gravé du gantelet l’emblème de Shevarash, l’autre représentait un loup. Sachant ce qui l’attendait le Kharn voulu imiter le noble mais il ne pouvait plus bouger, il était paralysé. L’inquisiteur avait déjà commencé à incanter. Il avançât vers le voleur les yeux fixés sur le médaillon. Lorsqu’il fut assez prés il l’arracha d’un coup sec et la porta à hauteur de son visage. Il riva alors son regard dans ceux du brigand, un regard ivre de colère de haine et de souffrance, un regard vide de toute compassion.
- Il est l’heure de payer, maintenant et pour l’éternité, furent les seules paroles qu’il prononçât d’une voix glaciale.
Une douleur insoutenable envahit le corps de Kharn et des larmes commencèrent à couler sur ses joues, mais c’était trop tard…
Texte G : Ivresse
Le crépuscule a laissé la place à une belle nuit étoilée et les villageois investissent progressivement l’auberge pour partager un moment de détente et de joie après une rude journée de labeur.
Le vieux barde essuie machinalement la mousse de la méchante bière locale qui parsème son bouc blanchi par les années. Il a commencé à boire bien tôt aujourd’hui. Il n’aura certainement pas le courage de chanter et cela est certainement mieux ainsi. Sa voix ne pourrait qu’exprimer la mélancolie et la lassitude qui l’ont envahi au coucher du soleil. Il s’en veut. Pourvoyeur de rêves, sa vocation est d’amener un peu de couleur dans la grisaille quotidienne de ces pauvres gens.
Mais ce soir il n’en a pas l’envie.
Il a bien mieux à faire.
D’un geste las, il fait signe à l’aubergiste de lui amener un nouveau pot de bière. Il remercie d’un sourire l’homme qui s’approche. Lentement, presque religieusement, il remplit sa chope. Une de plus. Elle sera peut-être la bonne. L’amertume envahit sa bouche, l’alcool s’insinue lentement dans son sang.
Il soupire et un pâle sourire se dessine sur ses lèvres.
Les bruyantes conversations se noient dans une rumeur indistincte, les silhouettes qui l’entourent se perdent dans le brouillard. Les dernières amarres qui le retiennent sont lâchées et son voyage commence.
Il sombre maintenant dans une vague somnolence, laissant son esprit flotter aux frontières de la réalité et du rêve, dans ces limbes qu’il connaît si bien et qu’il sait être sources des pires cauchemars comme des plus fantastiques élucubrations. Ce voyage, il l’a accompli tant de fois qu’il ne fait plus attention à cette étrange sensation de dédoublement. Son œil intérieur, comme il l’a baptisé, observe d’un regard désabusé et ironique les déambulations de son imagination maintenant libre de toute contrainte.
Des scènes naissent et disparaissent, des visages connus ou inconnus surgissent du néant pour s’y fondre à nouveau l’instant d’après, de fugaces sensations ou de fragiles émotions l’effleurent, le caressent, l’imprègnent et s’estompent. Mais il connaît déjà tout cela, comme une impression de déjà-vu. Il tourne les pages de son imagination à la recherche d’une page encore inconnue, à la recherche d’une nouvelle fantasmagorie, dans l’espoir de découvrir encore une fois l’émerveillement de la création.
Un nouveau visage entre en scène. Banal. Il est tenté de l’écarter mais il le retient. Il va lui donner sa chance. Il l’invite à sa table. La silhouette s’arrache progressivement des limbes de son esprit, il se dessine et prend forme.
Un jeune homme avec des yeux de vieillard. Il est nu.
Pourquoi pas ? Après tout, c’est chose courante dans ces obscures contrées et il a déjà vu bien plus étrange.
L’être né de l’ombre prend place face à lui, l’observe puis prend la parole.
- Pourquoi vivre ?
Oui, pourquoi vivre ?
Mais il ne prend pas le temps de réfléchir et sa réponse ironique est immédiate.
- Pour l’ivresse, mon garçon, pour l’ivresse…
Le jeune homme lui lance un regard interrogateur.
- L’ivresse ? Peux-tu me dire ce qu’est l’ivresse ?
Cette créature imaginaire n’a-t-elle donc que des questions ? Il attrape une bouteille et jette un œil rapide sur son étiquette. Parfait. Il n’aurait pas rêvé mieux pour accompagner cette discussion qui promettait d’être hautement philosophique. Il remplit deux verres et en pousse un vers son interlocuteur.
- Trinquons et buvons.
Les verres s’entrechoquent et sont vidés aussi sec. Le vieil homme les remplit à nouveau.
- Oui… qu’est-ce que l’ivresse ? Pas simple de te répondre et pourtant j’en connais un rayon. Laisse-moi réfléchir…
Une nouvelle silhouette se dessine et une jeune femme s’avance. La brume l’enlace et la recouvre chastement. Elle est belle, très belle. Le jeune homme lève les yeux et croise le regard tentateur posé sur lui.
Il se lève et répond à l’appel muet de la créature. Ses bras la saisissent tendrement et l’allongent sur le lit de paille. Ses mains avides partent à l’exploration de ce territoire inconnu et pourtant si attirant. Ses lèvres suivent de près et s’éternisent dans un long baiser. La femme soupire et accueille son amant en son âme et en son corps.
Les yeux du barde caressent les corps maintenant noués dans l’étreinte de l’amour. Un sourire se dessine sur ses lèvres.
Un soleil éclatant se lève et illumine les corps recouverts de sueur. L’homme et la femme se redressent, posent leurs outils et échangent un regard plus parlant que n’importe quel mot. Le champ fraîchement labouré s’étend sous leurs yeux et leurs mains se joignent sur le ventre accueillant de la femme à la recherche de la fragile vie qui y palpite.
La femme gémit. Ses mains se contractent. Le cri qui s’échappe alors de sa gorge trouve vite un écho. Ses larmes de douleur deviennent des larmes de joie et baignent le nouveau-né que lui tend son aimé. Un instant de vertige, un instant unique, un instant de pure ivresse.
Le barde vide son verre et relève des yeux mélancoliques vers le jeune homme patiemment assis en face de lui.
- L’ivresse de l’amour, mon garçon. Oui, rien que pour cela, il faut vivre.
Le grondement du tonnerre.
Les limbes de son esprit s’obscurcissent et se transforme en un chaos d’ombres effrayantes. Le grondement s’amplifie et des cavaliers s’arrachent au grand galop de son imagination. Ils le frôlent, renversent la table et la bouteille et se précipitent sur le jeune homme qui se réfugie en criant derrière la fragile porte de sa demeure.
Un coup de hache et les guerriers s’avancent sans craintes vers la fourche levée vers eux. Elle s’enfonce dans un corps puis dans un autre et encore et encore. Mais ils sont toujours là. Ses bras fatiguent. Il ne parvient plus à brandir son arme et tombe à genou. Impuissant, il ne peut qu’entendre les cris, les hurlements. Il pleure. Il veut mourir mais les monstres lui refusent cette grâce-là.
Sous un soleil mort, deux stèles jettent une ombre sans fin sur le cœur du jeune homme. Il ne pleure plus. Ses mains se crispent sur une faux et son cri de rage ébranle douloureusement les limbes.
Le vieil homme se baisse et ramasse la bouteille. Les yeux larmoyant, il remplit son verre et celui de son compagnon de beuverie :
- L’ivresse de la colère. Certains la recherchent, d’autres la fuient mais nul ne peut lui être indifférent.
Un drapeau noir claque au vent de la colère.
Issue de l’ombre, une armée se rassemble. Le jeune homme lève son arme bientôt imité par des milliers de frères jumeaux habillés de guenilles. Les sabots piétinent la terre et font trembler la liqueur dans le verre du barde.
Sous l’œil rougeoyant du soleil, la plaine se couvre de corps sanglants Au cœur de la mêlée, le jeune homme sème la mort comme jadis il fauchait son champ. Sa faux jette à terre les cavaliers. Ceux-ci ne se relèvent même pas et le supplient à genoux. Sa colère disparaît enfin et c’est en riant qu’il les décapite.
Les têtes roulent jusqu’aux pieds du vieillard et le fixent d’un œil envieux. Goguenard, il leur porte un toast puis se tourne vers le jeune homme qui sirote un nouveau verre.
- L’ivresse de la puissance. Voilà ce qui motive bien des hommes. Avoir du pouvoir sur son semblable et plus on en a, plus l’ivresse est grande.
Son interlocuteur sourit et se retourne sur son trône pour admirer la splendide salle de marbre qu’il a fait bâtir à sa gloire. Ses sujets s’agenouillent et il sourit. Il se redresse et se dirige vers la fenêtre de la plus haute tour de son palais. Il se délecte de la vision du royaume fertile et prospère qui s’étend sous ses yeux.
Mais à l’horizon le ciel s’obscurcit. Un sourd grondement lui parvient. Une rafale de vent fait voler les vitres en éclat. Au loin, un jeune homme qui lui ressemble l’observe et bientôt des milliers de regards se tournent vers lui.
Pourquoi ? Mais qu’a-t-il fait ?
Lentement, la bannière de la colère, le drapeau noir, se dresse devant ses yeux.
Son hurlement est repris en écho par le vieux barde.
Hagards, les deux vieillards se font face. Ils parlent d’une même voix.
- C’est toi ? C’est nous ?
Un silence puis deux verres qui s’entrechoquent.
- L’ivresse de l’oubli, l’ivresse pour oublier de vivre.
Texte H Texte hors concours. C'est une chanson de Jacques Higelin "Champagne" que nous à fait découvrir ou redécouvrir notre ami Dom
La nuit promet d'être belle
Car voici qu'au fond du ciel
Apparaît la lune rousse.
Saisi d'une sainte frousse,
Tout le commun des mortels
Croit voir le diable à ses trousses.
Valets volages et vulgaires, ouvrez mon sarcophage
Et vous, pages pervers, courrez au cimetière.
Prévenez de ma part mes amis nécrophages
Que ce soir, nous sommes attendus dans les marécages.
Voici mon message :
Cauchemars, fantômes et squelettes, laissez flotter vos idées noires
Près de la mare aux oubliettes, tenue du suaire obligatoire.
Lutins, lucioles, feux-follets, elfes, faunes et farfadets
Effraient mes grands carnassiers.
Une muse un peu dodue me dit d'un air entendu : " Vous auriez pu vous raser. "
Comme je lui fais remarquer deux-trois pendus attablés
Qui sont venus sans cravate,
Elle me lance un œil hagard et vomit sans crier gare quelques vipères écarlates.
Vampires éblouis par de lubriques vestales,
Égéries insatiables chevauchant des Walkyries,
Infernal appétit de frénésie bacchanales
Qui charment nos âmes envahies par la mélancolie,
Satyres joufflus, boucs émissaires, gargouilles émues, fières gorgones,
Laissez ma couronne aux sorcières et mes chimères à la licorne.
Soudain les arbres frissonnent
Car Lucifer en personne
Fait une courte apparition,
L'air tellement accablé
Qu'on lui donnerait volontiers
Le Bon Dieu sans confession,
S'il ne laissait, malicieux,
Courir le bout de sa queue
Devant ses yeux maléfiques
Et ne se dressait d'un bond
Dans un concert de jurons,
Disant d'un ton pathétique
Que les damnés obscènes
Cyniques et corrompus
Fassent griefs de leur peines
À ceux qu'ils ont élus,
Car devant tant de problèmes
Et de malentendus
Les dieux et les diables
En sont venus à douter d'eux-mêmes
(Dédain suprême).
Mais, déjà, le ciel blanchit.
Esprits, je vous remercie
De m'avoir si bien reçu.
Cocher, lugubre et bossu,
déposez-moi au manoir
Et lâchez ce crucifix
Décrochez-moi ces gousses d'ail
Qui déshonorent mon portail
Et me chercher sans retard,
l'ami qui soigne et guérit
la folie qui m'accompagne
Et jamais ne m'a trahi :
Champagne...
Texte I
Le Capitaine regardait le soleil se coucher sur la colline, transformant le ciel en un bain de sang. De la même couleur que le sien songa le capitaine, en reportant son regard sur le sang vermeil s'écoulant en un fin trait de son avant-bras. L'entaille faisait une quatrième ligne au-dessus des autres, déjà blanchies par le temps. De sa main droite, il porta son bock de bière à sa bouche et en avala une grande goulée. Encore quelques chopes et il ne sentirait plus rien, l'ivresse le tuerait......peut-être.....cette fois-ci?
******************************
Depuis plusieurs jours, les hommes attendaient avec impatience. Une grande place avait été aménagée au centre du camp, et des chariots avaient amené d'un village voisin, une belle quantité de nourriture et de tonneaux, stockée dans une grande tente pour l'occasion.
Un grand feu de joie brulait au milieu du camp, toujours alimenté, pour qu'il puisse tenir jusqu'à l'aube! Les Enfants de la Lumière, en tenue non réglementaire, faisaientt de grandes farandoles au son des tabours et des Txülülari, petites flutes à trois trous. Plusieurs tonneaux étaient percés et d'autres gisaient derrière une tente où l'on découpait des grandes part de boeuf roti sur du pain. Plus un homme ne devait être dans son état normal, la musique, le feu, et la biere, faisant tout oublier à ces hommes qui passaient le plus clair de leur vie en combats. Oublier la mort! telle était le but de Heri Urrascetine, fête du troisième bataillon des Enfants de la Lumière.
L'origine en remontait il y a une centaine d'années, lors d'une bataille où les rescapés pouvaient être comptés sur les doigts de la mains, en l'honneur des combattants, les survivants avaient pris l'habitude de faire une petite fête.
Un petit groupe, les quelques jeunes qui venaient d'être enrolés après les dernières classes arriva vers moi:
-Aller capitaine, rentrez dans la ronde avec nous!
-non merci, merci! leur répondis-je avec un sourire, je ne voudrais pas en renverser, en montrant ma chope à ras bord.
-tant pis, c'est reparti! et les hommes, oubliant leurs soucis dans la fête, repartirent dans la ronde.
Je les regardais, enviant leur insoucience. Mais je devais veiller sur eux, qui sait ce qu'il se passerait si personne ne montait un peu la garde!
L'alcool enlève les barrières de certains hommes et les conflits entre certains soldats peuvent vite s'envenimer! Mais ils sont prévenus que tout débordement sera punir d'emprisonnement!
Je n'ai jamais aimé danser, ou me laissé aller en général, cela me fait peur, peur que des sentiments que j'ai enfouis ne ressortent brutalement.
Les yeux perdu dans les flammes, j'entendis néanmoins les pas dans mon dos, je me retournais et vis arriver deux Enfants:
-Capitaine, nous allons bientôt être en rupture de stock, et la nuit ne fait que commencée!
-Alors c'est que vous avez déjà beaucoup abusé!
-Mais mon Capitaine, on ne peut pas terminer la fête si tôt, ce ne serais pas bien, enfin pour la tradition j'veux dire! Et puis c'est le gars qui sert, il en met plein à côté, il doit avoir la tremblotte.
-Eh bien, cela n'est pas de chance, vous devriez le remplacer si vous en voulez encore un peu.
-S'il vous plait mon Capitaine, est ce qu'on peut aller chercher un ou deux tonneaux au village?
-non cela n'est pas possible, vous n'êtes pas en état et les villageois vont être couchés à cette heure.
-Non non, mon Capitaine, il font une petite fête aussi, il parait, un truc local pour que la moisson soit bonne! il suffira de demander à l'aubergiste et j'suis sur que ça lui fera plaisir!
-Vous m'embètez Caporal, je n'aime pas que mes hommes sortent lors d'Urrascetine!
-Capitaine, je serais irréprochable, et puis il y a presque trois lieux pour y aller, j'aurais eu le temps de dégriser!
-Bon, mais pas plus de deux tonneaux alors! et ne trainez pas au village.
-Bien mon Capitaine, Merci Capitaine!
Et le jeune Caporal et son compagnon de combat, s'en retournèrent vers la tente cantine, d'une démarche chaloupée:
-Presque pas bu, ose-t-il me dire! je ris en secouant légèrement la tête.
La fête se poursuit, et les deux soldats s'en vont vers le village, quittant le camp en chantant, le caporal Ronan trimballant une belle outre autour de son épaule, histoire de ne pas se dessécher le long de la route. Alors qu'ils disparraissaient presque de la vue du camp, un petit groupe de soldats les apperçoivent et décident de se joindre à eux. Ils les rattrappent en courant:
-eh! Ronan, on peut venir avec vous? qu'on se marre un peu?
-euh. le capitaine nous a authorisé nous deux, après vous, je ne sais pas!
-et qu'est ce que vous allez faire?
-ramener de la bière pardis!
-alors vous aurez besoin de bras!! on vient avec vous!
-oui tu as raison, cela aurai été juste à deux! et le groupe de cinq hommes s'éloigne, se passant l'outre et rigolant de blagues grivoises.
*************************
Ils arrivèrent au village, et se dirigèrent vers l'auberge, on entendait la musique depuis la place du village. Les villageois fétaient Olentzero, la fête du charbonnier, car la tourbe et le charbon de bois étaient les principales activitées de la région.
Les cinq Enfants de la Lumière tapèrent à la porte de l'auberge. Mais personne ne répondit d'abord. Ils tapèrent plus fort, en criant après l'aubergiste et en chantant, "Aubergiste, Aubergiste, donne nous ta bière, aubergiste, aubergiste, donne nous ta bière!". Un petit bruit se fit entendre derrière la porte, une barre que l'on déplace, un loquet qui monte et la porte s'entrouvrit, une petite tête blonde passant par l'ouverture:
-mon papa n'est pas là, il est à la fête, vous le trouverez sur la place.
Ronan empèche la porte de se refermer en passant la pointe de sa botte entre le chambranle et la porte:
-c'est pas grave petit on va pas le déranger, on vient prendre quelques tonneaux, et tu lui dira de venir au camp pour être payé!
-non, revenez avec lui, je préfère.
-allé, ne fait pas la fillette petit, laisse nous prendre un ou deux tonneaux, on a pas le temps!
Ronan poussa sur la porte et entra, le petit garçon pleurnicha, mais Ronan le rassura un peu:
-t'inquiète pas petit, ton papa nous connait, il ne te disputera pas! montre nous où sont les tonneaux!
Ils suivirent le petit garçon jusqu'à la cave, et trouvèrent les futs de bière, mais aussi toutes les autres sortes de boissons qu'un aubergiste peut avoir dans sa cave.
Ils commencèrent à remonter un des tonneaux, et un des soldats jettant un coup d'oeil sur les futs, tomba sur une eau de vie particulièrement forte. Il passa sa tête sous le robinet, l'ouvrit et bu une bonne gorgée. Il sentit le liquide chaud descendre tout le long de son boyau!:
-boudiou quelle est bonne cette bibine! eh les gars venez me gouter ça!
Le premier fût en haut, les quatres autres descendirent, et goutèrent à leur tour!
-c'est tellement bon qu'on peut pas faire le tour du gout en une seule fois, je vous offre la deuxième tournée!"
-ehh!, c'est pas à vous ce tonneau, je vais le dire à mon père!"
-oh c'est pas bien de rapporter mon gars, fis un des soldats en lui flanquant une petite calotte sur la tête, on va lui payer aussi va, on est pas des voleurs!
Les cinq tournées se succédèrent et les Enfants eurent bien du mal à remonter le deuxième tonneau de la cave. Ils se dirigeaient vers la sortie de l'auberge avec leurs fûts, bien mûrs sous l'effet de l'eau de vie, quand ils entendirent des cris dans la rue.
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Mérianne, la fille du charbonnier du village et son père, Mallor, étaient tous deux déguisés en bezta gorri, la chèvre noire et kotilun gorri, le grand cerf doré, des costumes traditionnels sur le dos et des masques d'animeaux avec des cornes, petites pour la femme et grande pour l'homme. Ils faisaient une danse à deux, pour remercier les éléments d'avoir été cléments cette année, au son du tambourin de Mallor et des clochettes de Mérianne. Et ils se déplacaient tout le tour de la place du village en des vrilles et des rondes, prenant à parti les villageois. Et la fête durait longtemps, les musiciens se relayant, Mérianne et son père revenant pour la suite de la danse en plusieurs actes.
A la fin de leur représentation, Gutrick déclara devant tout le monde qu'il offrait une tournée générale chez lui!
-Aller Mallor, toi et ta fille ouvrez nous la marche et en musique!!!
-d'accord mais alors mets tout ton coeur dans ce tambour!
et la procession repartit dans la joie et les battements de tambour!
Ils passèrent dans les deux rues du petit village et arrive devant la porte de l'auberge.
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Ronan lève le loquet avec son coude, les mains occupées sur le premier tonneau, et tente d'ouvrir la porte avec son talon. Incroyable, celle ci s'ouvre toute seule, comme si quelqu'un la poussait de l'extérieur! Etonné, il retourne la tête pour voir ça, et hhhhh!, une tête horrible, noire avec des cornes, et des yeux d'humain qui le regarde par deux trous!
-TROOOLLOOOCCSSSS!!!
il lache le tonneau, tire sa lame et donne un grand coup de travers dans le ventre de la créature. Ses yeux semblent sortir de cette tête de bouc et elle pousse un cri horrible, Ronan tire sa lame en arrière et la plante dans le coeur du monstre! La bête pousse un soupir d'agonie et tombe en arrière.
Mallor arrête de danser, alors qu'il suit sa fille sur le perron de l'auberge, il l'entend crier de sous son masque et voit d'un coup, une pointe de métal poli sortir du dos de sa fille. Ne comprenant pas, il tend les bras pour recevoir Mérianne qui tombe en arrière, libérant sa vue sur la porte, où se tient un jeune homme, l'épée au clair, ensanglantée, les yeux exhorbités.
Alors que le corp de la bête s'effondre, Ronan en voit une deuxième juste derrière!
-Aux armes, nous sommes attaqués les gars! et les quatres compagnons de Ronan, tirent à leur tour leur lames des fourreaux.
Mallor retourne sa fille dans ses bras, du sang passe par le trou du masque qui sert à sa fille pour respirer, elle s'accroche à son bras, le regarde dans les yeux une dernière fois et lache prise. Mallor ressent alors plus qu'il ne comprend la mort de sa fille, et le sang lui vient à la bouche. Il baisse la tête, attrappe son masque à pleines mains, pointe ses ornes vers l'homme en blanc et fonce dans un hurlement de bête!
Terrifié, Ronan n'a pas le temps de réagir que la bête est sur lui, lui enfonçant ses cornes dans le ventre, une douleur atroce lui paralise le corp. Il se sent décoler du sol alors que la bête se relève et le claque dans la porte. Il sent quelque chose de chaud sur ses jambes.
Il ferme les yeux, n'y croit pas. Il roule sur le sol, piétiné par la chose, la dernière qu'il vit fut une lourde botte ferrée sur arriver sur la figure.
Guyot, L'Enfant qui portait le tonneau avec Ronan, n'avait jamais affronté de Trollocs encore, mais il comprit que ces deux là en était! Abasourdi par la mort de son compagnon, il esquiva l'attaque du deuxième trolloc et réussit à lui entailler une épaule. la bête ne se retourna pas sur lui et fonça sur un de ces compagnons juste derrière lui dans le couloir.
Ce dernier, coincé par le tonneau qu'il transportait, se retrouve acculé et le trolloc le planta dans le bois de la barique, lui transperçant les poumons!
Guyot en profita pour lui planté son épée dans le dos! Le trolloc s'affaisa, mort.
Les anciens disaient que c'était des bêtes corriaces, qu'il fallait les percer de nombreuses fois avant de les tuer! Il remis plusieurs coups au corp à terre pour être sûr, et cria sur ses deux compagnions qui restaient:
-alors, remuez vous, bonsang! ne restez pas sans rien faire, vous voulez vous faire tuer aussi, il faut retourner au camp et prévenir les gars!
Les trois hommes rebroussèrent chemin dans le couloir et traversèrent la cuisine pour s'enfuir par la porte de derrière.
Mais qu'est ce qu'il se passe ? Des cris et des pleurs avaient jaillis alors que le corp de la jeune Mélianne tombait à terre et que son père s'engoufrait dans l'auberge!
-Des voleurs, cria Gutrick, il rentra après que Mallor est rejeté le corp du premier voleur et vit ce dernier se faire transpercer par un des voleurs. Mais les uniformes ne lui étaient pas inconnus.
-ils se sauvent par derrière!, cria t-il en les poursuivant par derrière.
Un groupe de villageois se précipita pour faire le tour de l'auberge, et saisir au passage, la fourche appuyée sur le mur et la hache sur le tas de bois, ainsi que divers outils.
Gutrick, lui s'enquit de son grand couteau de cuisine et poursuivit les trois enfants du démon! Tout ce monde se retrouva dans la cours, mais les Enfants avaient quelques foulées d'avance et entrainés, malgrès les dificultés du terrain et de l'alcool.
Guyot se retourna, et accéléra l'allure, doublant ses compagnons. Un des deux se prix les pieds dans le tas d'herbe fauchée et piqua du nez. Mais aucun des deux ne se retourna pour l'aider, Guyot, n'entendit qu'un cri horrible, finissant en gargouilli quand la fourche se planta dans le dos de leur compagnon.
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Je vis Guyot arriver au camp, le souffle court et se trainant vers moi.
-Capitaine, Capitaine ....... on s'est fait attaqué par des trollocs! ils vont surement nous suivre!
-des trollocs par ici, mais vous avez trop bu Guyot! vous êtes dans un état lamentable!
Un deuxième enfant fit son entrée dans le camp et s'éfondra sitôt passé les portes. Dans le lointain, un brouhaha montait doucement, accompagné du scintillement de quelques torches.
-Capitaine, ils ont tué le caporal Ronan et José et Kyrian avec une fourche sur le chemin.
-impossible,.... pas aussi loin dans les terres!
Je scrutais les tenèbres, et commençait à y voir un groupe approcher du camp, mais rien de comparable à la charge d'un poing de trollocs, le pas était légèrement cadencé au rythme des cris des meneurs et on distinguait les bouts des rateaux et autres faux, fourches, pointés hostillement vers nous. Des torches commencèrent à partir et à enflammer les premières tentes du camps!
-Tous à vos armes, mais essayez de les contenir!
Et les Enfant encore en mesure de tenir une arme, se précipitèrent vers le groupe des assaillants. Je tirais mon sabre et courrais au devant de mes hommes, pour limiter le carnage. Mais en vain. Evitant les coups, brissant les manches en bois des hommes du village, je n'arrivais pas à contenir la violence de l'affrontement! Les villageois, les yeux hagars et la haine déformant leurs traits, rentraient leurs piques dans les cottes de mailles des soldats. Ces derniers, aveuglés par l'alcool, taillaient dans le tas. Je désarmais certains de mes hommes que je voyais fous de rage, mais sitôt fait, celui-ci ne tardait pas à se prendre une fourche dans le ventre. Je sortis de la mêlée en entrainant un jeune garçon, que j'avais dû assommé pour maitriser, m'écartant en souflant, je lachait le corp du garçon sur l'herbe humide. A genoux, je regardais les dernières torches s'éteindrent en tombant dans l'herbe, le reste de mes hommes survivants, succombant à la fatigue du combat et de la fête, restaient debout, les bras ballants, à contempler le spectacle morbide des corps enmêllés.
Le calme tomba comme un couperet, l'adrénaline du combat, effaçant les derniers effets de l'alcool, les yeux grand ouvert, les Enfants comprenaient leur erreur avec éfarement. Mais quel massacre! pourquoi? J'ordonnais de faire une place, et d'y aligner tous les corps des villageois, puis de creuser des tombes et d'y déposer tous ces pauvres gens!
Guyot me raconta le pourquoi de cette tragédie, et je faillis le frapper!
Il creusa des tombes tout le reste la nuit, y déposa des corps une partie de la matinée.
J'ordonnais le replis rapide du camp et la fuite, avant que les femmes du village ne viennent voir le prix de la traque de leurs hommes! Que pourrais-je y changer de toute manière? C'était la dernière fête d'Heri Urrascetine, pour mon bataillon et moi. Je modifiais mon rapport à mes supérieurs, transformant ce village en repère d'amis desténèbres!!
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Il se réveilla, faible, mais vivant. Il se redressa sur le coté. Son entrejambe couverte de sang séché lui rappela qu'il avait dû perdre beaucoup de sang. Mais pas encore assez, une croute s'était formée sur la coupure. Trop fine, la lame, il me faudra en changer.
Quelque chose m’éveilla. Un craquement ? Un souflle d’air ? Une respiration contenue ?
Toujours est-il que je sortis de mon sommeil. Timidement. Prudemment. Doucement, je soulevais une paupière et risquais un coup d’œil dans la chambre. La bougie allumée à mon chevet parvenait difficilement à l’éclairer. Son haut plafond restait même dans une semi-pénombre. Cette pièce était on ne peut plus modeste, pour ne pas dire monacale. Un lit étroit, une table de travail, des murs de pierre nus, une petite fenêtre couverte d’un lourd rideau. Ce n’était pas bien sûr son confort, qui m’avait fait choisir cette pièce. Mais son côté inaccessible. Une seule porte d’accès. Au sommet de la plus haute tour de la ville.
Des pieds ? Des pieds !
Sortant de sous la tenture, je voyais deux pieds. Ou plutôt une paire de bottes. Souples, légères. Comme celles qu’en emploient les montagnards, lorsqu’ils partent à l’assaut des sommets. A bien y regarder, il y avait au-dessus de celles-ci comme un renflement. Comme un corps en fait.
Une sueur glacée me couvrit le front instantanémént. Mon heure était venue : çà allait être mon tour.
Cent jours ! Mon règne aurait duré cent jours !
A me battre contre tous, à la fois pour ma propre survie, et pour celle de ma ville. Tant d’intérêts en jeu autour d’elle, tant de pressions. Marchands, généraux, nobles … Que de factions avec lesquelles composer. Depuis la mort du « Patriarche », il ya un an, déjà quinze intendants avaient essayé de prendre sa suite. Quatorze morts brutales et violentes. Je ne voulais pas être le quinzième.
Cent jours ! A tenter de remettre de l’ordre, à réorganiser l’économie, la justice. A veiller sur moi. J’avais subi deux tentatives d’assassinat, et je me plaisais à croire que la prochaine ne serait pas encore la bonne. Cent jours à survivre !
Aussi, la veille au soir, j’avais réuni mes plus proches collaborateurs pour fêter cet anniversaire. J’avais pour une fois mis mon ascétisme de côté, et m’étais ennivré pour oublier tout cela. Nous avions ensemble bâti des plans pour l’avenir, imaginé notre ville sereine, banni ses tensions intestines. J’étais remonté dans ma chambre péniblement. J’avais avec grand soin veillé à ce que tous les verrous de la porte soient mis en place, pour ensuite m’affaler dans mon lit.
Je devinais, tapi derrière la tenture, l’assassin venu mettre fin à mon court règne. Après avoir escaladé la tour, il avait dû fracturer la fenêtre, se glisser dans la pièce. Le léger courant d’air provoqué par son intrusion m’avait sans doute réveillé. Afin de reprendre son souffle, et avant de me porter les coups qui me seraient fatal, il s’était dissimulé.
Les vapeurs d’alcool me faisaient l’imaginer préparant son geste, prévoyant le moindre de ses mouvements. Soulever le rideau, avancer de deux pas pour faire face au lit, puis le contourner pour se rapprocher de moi, sortir son poignard, le lever haut et par trois fois m’en frapper la poitrine.
L’angoisse m’étreignait la poitrine, m’empêchait de bouger, de crier. Je savais présente sous mon oreiller une dague, pour ce genre de situations. Il m’aurait été facile de l’attrapper doucement, discrètement, puis d’attendre que l’assassin s’approche, et de le poignarder. Mais mon bras refusait de bouger.
Et pendant ce temps, derrière le rideau, il ne bougeait pas. M’avait-il senti me réveiller ? Ou préférait-il s’assurer de mon profond endormissement ?
La nouvelle de cette soirée « festive » avait dû parvenir aux oreilles de mes ennemis. C’était pour eux l’occasion rêvée. La fatigue conjuguée à l’alcool allait faire de moi une proie sans défense, abattue. J’aurais, je pense, fait de même à leur place.
Mais, si l’ivrognerie provoque en général un sommeil profond, elle peut également, comme pour moi cette nuit, générer des crises d’insomnie. Tous mes sens étaient maintenant éveillés. Je percevais sa respiration à la fois par le bruit qu’elle provoquait, mais aussi par le léger mouvement du rideau. Je sentais sa main se serrer sur le pommeau du poignard.
Toujours dans l’incapacité totale de pouvoir bouger, je bandais mon esprit sur cet homme, qui allait dans quelques instants me tuer. J’essayais de m’immiscer dans ses pensées, de lui imposer par la force de ma volonté l’idée que j’étais invulnérable, immortel, que son geste ne serait d’aucune utilité. Je puisais dans mes ultimes ressources mentales ce flux de sensations que je lui projetais.
Une migraine intense s’empara de mon esprit. Tel un engin de torture, un bandeau me comprima soudainement la tête. Malgré le silence de ma chambre, des tambours résonnaient à mes oreilles. La douleur fit vaciller mon regard quelques instants.
Lorsque je rouvris les yeux, les pieds avaient disparu. Le rideau tombait comme à son habitude bien droit, avec cette lourdeur propre au velours.
Ce que j’avais vécu avec une telle intensité n’aurait été que le fruit de mon imagination paranoïaque ? Cet assassin n’était finalement que l’incarnation de mes cauchemards alcooliques ?
Je tentais de remettre de l’ordre dans mes idées. Logiquement, froidement. Ma porte : verrouillée à double tour ; la fenêtre : inaccessible. Je n’avais donc rien à craindre, si ce n’est la gueule de bois au réveil.
Je me tournais sur le côté et recherchais le sommeil.
sous le lit, l’assassin rassura sa prise sur le manche de son poignard, et recommença à égrener les minutes.