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Une chtite nouvelle
(Sujet créé par Aldevir l 16/03/04 à 09:57)
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Aldevir
04/02/2004 20:42
Une lance pour faire tourner la chance

Bon alors je reposte ma nouvelle dans un nouveau topic pour que ce soit plus clair.

La jeune femme, fébrile, jette, à travers les carreaux enfumés, des regards anxieux vers la rue silencieuse qui, enveloppée dans le noir, sommeille. Pour la vingtième fois elle regarde sa montre ; toujours ces aiguilles qui courent, et lui qui se fait attendre. Elle s’énerve et s’inquiète tour à tour, ne sait plus que penser. La vie semble absente de son pâle visage, le sang s’est retiré de ses membres glacés. Elle enserre le dossier d’un antique fauteuil de ses longs doigts diaphanes. Un souffle d’air glacial s’infiltre de temps en temps par un éclat de la fenêtre et soulève, invisible main, le lourd rideau de velours grenat. Mais la jeune fille ne semble même pas le sentir, et son châle fané glisse sur ses épaules dénudées sans qu’elle fasse même mine de le remettre en place. Ses yeux noirs fixent avec attention un vieux miroir pendu au mur, à tel point recouvert de poussière que rien ne s’y réfléchit plus depuis longtemps. Elle se tient droite et fière, ses longs cheveux noirs, savamment relevés sur le haut de son crâne, brillent de reflets bleutés sous les rayons lunaires. Un instant elle penche son cou, qu’elle a aussi fin et gracieux que celui d’un cygne, sur le côté, exposant ainsi sa nuque à cette lumière fantomatique. Un sourire d’extase se dessine sur ses fines lèvres roses comme sous le fait d’une douce caresse. Elle ne bouge plus, comme attendant quelque chose, mais rien ne se passe. D’un coup elle se redresse et, agile comme une enfant, se précipite vers la haute fenêtre. Excitée elle regarde dehors, mais timidement, en écartant à peine le lourd tissu, comme si, peur enfantine, elle craignait d’être vue. Elle est aux aguets comme si elle avait senti une présence familière. Pourtant nul bruit n’est venu troubler cette pesante nuit d’hiver, et nul mouvement n’a titillé les sombres prunelles de la demoiselle. Plus détendue qu’avant, elle laisse rêveusement ses blanches mains caresser la tenture, avec autant de candeur et de sensualité, que s’il s’agissait du torse d’un amant ardemment désiré et qui vient enfin de surgir. Un minuscule bout de langue rose s’échappe d’entre ses lèvres et l’éclat de ses grands yeux noirs s’intensifie plus encore. Le châle a encore glissé le long de ses bras. Des rides se creusent au coin de ses yeux, uniques traces de vie dans son visage trop lisse, trop jeune... Malgré son corps élancé et la blancheur de sa peau d’enfant, elle a le charme désabusé des femmes qui ont vécu de nombreuses épreuves et que plus rien ne peut atteindre. Elle est vieille et jeune, princesse de marbre, altière et lointaine un instant, frêle poupée de porcelaine, vive et rieuse un autre. Symbole de cette femme-enfant que de tous temps les hommes ont poursuivie de leurs ardeurs.


La pièce est plongée dans le noir mais, phares dans la nuit, ses pupilles semblent briller comme si elles captaient le moindre rayon de cette reine nocturne qu’est la lune. L’air de la chambre est emplit d’une fumée enivrante ; sur chaque meuble brûlent bougies et bâtons d’encens, mais si leurs parfums se propagent il n’en est pas de même pour la chaleur et la lumière qu’ils devraient normalement diffuser et qui, ici, semblent figées, inexistantes. Un rire cristallin s’échappe de la gorge d’albâtre de l’étrangère lorsqu’elle se retourne gracieusement pour faire face à l’inconnu qui se tient devant la porte ouverte. « Je t’attendais », sa voix n’est pas, comme on pouvait s’y attendre, sensuelle, ni même attirante ; elle est froide et mécanique, inhumaine. Sans un mot d’excuse l’homme s’avance dans la pièce, son visage hors du temps, qui est encore plus blanc que celui de sa compagne, ressort dans la pénombre, et ses yeux, d’un bleu glacé de ciel d’hiver, étincellent comme deux étoiles. Tout en noir, il est vêtu avec élégance. Il a les traits purs du jeune homme qui sort tout juste de l’enfance, le regard des vieillards, le maintient des rois d’antan... Son physique lui-même attire l’intention ; avec son air mystérieux et profond, sa sombre chevelure indomptable, sa silhouette androgyne, ses lèvres rouges... Apparition spectrale entourée d’une aura de force et de mystère... Il se poste devant elle et, d’un geste impérial, lui indique le lit à baldaquin qu’on devine dans un coin. Le châle, cette fois, est à terre et la femme n’est plus vêtue que d’un déshabillé de soie noire qui fait ressortir les formes parfaites de ce corps presque enfantin. Avec un air mutin elle s’approche de l’homme mais celui-ci la repousse avec fermeté. Poussant un petit cri de bête traquée elle recule, ses yeux prennent une teinte rouge qui ne présage rien de bon mais l’homme reste de glace, imperturbable. « Lilith... toujours aussi pressée... ne peux-tu donc vraiment plus te passer de moi ? ».


La jeune femme, qui a retrouvé son port altier, lui lance avec hauteur : « Tu ne représentes rien pour moi de plus qu’un objet, mais je te suis aussi indispensable que tu me l’es. » L’homme ne bouge pas mais son regard se fait plus dur, les traits de son visage semble s’acérer plus encore... « Allez, rejoins-moi, murmure Lilith allongée sur le lit, le jour va bientôt se lever et tu devras me quitter, profitons du peu de temps qui nous reste. » Elle lui parle comme le ferait une enfant à un petit chien, avec cette petite moue boudeuse et amusée à la fois qui, symbole d’une antique et éternelle jeunesse, avait séduit le jeune homme quand il l’avait rencontrée pour la première fois. Ôtant sa veste avec une désinvolture quelque peu guindée il obéit sans mot dire à l’injonction de l’étrange créature. Ses gestes sont aussi rapides et gracieux que ceux d’un félin, mais pourtant l’homme paraît distant, comme totalement inconscient de la sensualité extrême qu’il dégage. Même ses yeux envoûtants sont froids, profonds comme des lacs de montagne, puits d’une connaissance qui remonte à la nuit des temps... Lilith, un sourire carnassier aux lèvres, tend la main au jeune homme ; elle jubile, comme chaque soir elle se croit maîtresse de la situation, cette proie n’est qu’un pantin entre ses griffes habiles. Elle l’attire à elle ; ses yeux ont retrouvés leur lueur rougeâtre et lancent des éclairs démoniaques, flammes glacées d’une passion morbide. Ses mains, avides et expertes, entrouvrent la chemise du jeune homme qui demeure muet, malgré le mépris et la haine totale que dévoile son regard, cachés par un relent de désir violent, il sait qu’il a besoin d’elle, tout comme elle-même a besoin de lui, que, comme chaque soir, il se laissera faire. Ils ne peuvent se sortir de ce cercle vicieux, de ce jeu nocturne où se mêlent haine et désir jusqu’à ne faire plus qu’un.


Lilith s’approche du jeune homme mais celui-ci la repousse avec violence. Les yeux sombres lancent des éclairs et les lèvres rosées se retroussent laissant subrepticement apparaître l’éclat nacré de ses dents, mais elle se laisse faire, alors que sur ses épaules dénudées s’imprime la trace des ongles du visiteur. Elle se laisse faire, alors qu’elle voudrait diriger le jeu. Mais il est plus fort qu’elle, même affaibli par une longue semaine d’abstinence. Intérieurement elle le maudit, elle le hait de tout son être, et pourtant son corps se tend de désir sous ses brusques caresses. L’homme fait basculer sauvagement la tête de la jeune fille sur le côté et se penche sur son cou gracile. Un frisson parcourt Lilith qui, renversée en arrière, ne bouge plus, ses yeux brillent d’un feu intense et prennent une teinte de braise rougeoyante. Quand le jeune homme se redresse ses pupilles dilatées ont la couleur d’un ciel d’orage, sa peau encore plus lisse qu’avant est douce et veloutée, nulle ride sur son visage. Ses pommettes sont saillantes et ses traits plus fins, il semble avoir rajeuni. Ses lèvres sont rouges et un sourire sauvage laisse apercevoir des dents pointues d’un blanc éclatant. Sur son menton imberbe, éclairé par un faible rayon de lune, comme un rubis égaré dans un manteau de neige, brille une goutte de sang. Voyant cette perle écarlate Lilith veut se jeter sur lui, mais une fois encore il la repousse. Et, une lueur de défi dans le regard il lèche le joyau liquide. La jeune femme est hors d’elle, un rictus effroyable déforme son doux visage, ses cheveux épars volent autour d’elle, faisant ressortir la pâleur extrême de sa peau ; cette fois elle va le tuer, elle n’a plus besoin de lui. Mais elle ne peut s’y résoudre, elle est à sa merci, l’aura de puissance qu’il dégage la paralyse. Il est son maître, son créateur, elle doit se soumettre, il a encore tant de chose à lui apprendre... Il la maintient dans un état de servitude qui la répugne mais elle ne peux s’en sortir, elle n’en a pas la force. Sans trop savoir comment elle se retrouve à genoux devant lui qui, debout, referme sa chemise. Et elle le supplie de ne pas partir, de ne pas la laisser comme ça, et elle se déteste pour cette faiblesse, et elle lui en veut de la contraindre à cette bassesse... Oui elle peut avoir tous ceux qu’elle désire, elle peut s’amuser autant qu’elle veut... Mais il lui en faut plus ! Elle a besoin de sa force, de sa vie, de son savoir, de ce que seul lui peut lui offrir... Depuis qu’elle l’a rencontré elle ne peut plus se passer de lui, il l’a liée à lui plus que n’auraient pu le faire tous les liens du sang... Cruelle ironie pense-t-elle... Elle lui doit sa vie, sa mort... Elle ne lui demande pas grand-chose, juste de quoi tenir un peu plus longtemps... Et il lui refuse ce qu’elle attend, ce dont elle a besoin pour survivre ! Et lui prend d’elle tout ce dont il a besoin, s’abreuve à elle comme à une source jusqu’à la priver de toute volonté.


De toute sa haute taille il observe la forme prostrée devant lui et ne peut s’empêcher de lui lancer avec mépris : « Je t’ai connue plus fière que ça ! Vois ce que j’ai fais de la grande Lilith, celle qui, en son temps, avait tout un parterre d’hommes à ses pieds ! Oh, tu n’as rien perdu de ta beauté froide, tu devrais même me remercier de te permettre de la conserver, mais ton temps est révolu, ta grandeur envolée... Le monde change et toi tu te raccroches aux vestiges d’une vie passée ! Pourtant n’es-tu pas mieux comme ça ? Mon œuvre, mon enfant... ».


Blessée dans son orgueil, elle se redresse et sans plus lui jeter un regard elle recule dans le coin le plus sombre de la pièce, comme si l’obscurité pouvait la protéger, enveloppée dans le châle qu’elle a ramassé. Mais lui ne part pas pour autant ; Lilith, tremblante d’une colère contenue, le voit s’approcher d’elle avec une nonchalance qui la répugne. Mais il est si beau que ses yeux enfiévrés ne peuvent se détourner de ses traits qui la hantent et, coup après coup, la tuent et la font renaître. Elle s’est, une fois déjà, damnée pour lui et serait prête à recommencer... Son souffle est court et un râle angoissé s’échappe d’entre ses lèvres alors qu’elle le voit s’avancer, de sa démarche si outrageusement sensuelle qu’elle en devient gênante. L’eau des yeux du jeune homme a retrouvé son calme et sa transparence et sur ses lèvres rouges flotte un éternel sourire. La flamme vacillante d’une bougie l’entoure d’une lueur spectrale, ange des ténèbres descendu sur Terre, les courants d’air glacé soulèvent les mèches sombres de ses cheveux et font voler autour de lui les pans de la longue veste noire qu’il a ré enfilée. Sombre et pâle, inquiétant et attirant... ; toute la complexité de son âme se devine dans ses yeux. Quelques secondes supplémentaires et il se tient devant elle, sans un mot ; funeste attirance. A travers ses cheveux emmêlés, qu’elle ne cherche pas à enlever et qui lui cachent le visage, elle le fusille du regard. Sans la quitter des yeux il écarte légèrement, du bout des doigts, l’échancrure de sa chemise noire, exposant ainsi à la vue de Lilith sa chair blanche. De son ongle long il ouvre cette peau de neige sans même frémir, et un sang carme perle de l’entaille nette. Ses yeux sont toujours plongés dans ceux, couleur de désespoir, de la jeune fille alors que sa tête s’incline légèrement, comme une invitation... Elle ne se fait pas prier et, avec une violence dont on ne se serait pas douté dans un corps aussi frêle, se jette sur lui. Comme un chiot à sa mère, elle lape l’essence de vie au torse même de l’inconnu, pendue à ses épaules dans une fatale étreinte. Lui ne bouge pas et son visage impassible pourrait être celui d’une statue, dans ses yeux ne se lit nul sentiment ; ni joie, ni peine, ni douleur, ni plaisir... Au bout d’un moment qui paraît une éternité elle s’écarte de lui, presque à regret, et de son bras de marbre froid elle essuie ses lèvres, comme pour effacer les traces sanglantes de son acte. Les rides sur son visage ont disparu et sa beauté nocturne a repris tout son éclat. Elle se sent mieux, le sang reflue dans ses veines, la vie la parcourt de nouveau, elle est moins agitée comme apaisée par le breuvage interdit. Mais elle ne peut s’en contenter, son besoin n’est pas encore comblé, il lui en faut plus.


Il sait sa victoire, l’emprise qu’il a sur elle, il la tient à sa merci et connaît toutes ses faiblesses; l’avidité avec laquelle elle a accepté son don ne lui a pas échappée. Il pourrait lui ordonner de faire n’importe quoi, elle s’empresserait de le faire car malgré la force qu’elle a recouvrée elle en attend plus et fera tout pour l’obtenir. Mais il n’est pas tenté de jouer encore avec elle car, au-delà de la froideur et du mépris qu’il lui témoigne, il se sent toujours irrémédiablement attiré par elle. Tout aurait pu être si simple, si différent… S’il ne l’avait pas connue, pas aimée, car oui il l’a aimée, comme jamais plus il n’aimera. Si seulement il n’avait pas fait d’elle ce monstre à la beauté glacial, ce simulacre de reine, cette vénus mortelle, qu’elle est aujourd’hui... Il ne voit plus en elle la jeune femme, mais juste une poupée cruelle, inhumaine... Et ce à cause de lui, de sa folie, de son orgueil... Il avait voulu se prouver qu’il en était capable, et pour la première fois il se demande s’il a vraiment fait le bon choix, il avait tellement espéré, désiré, passer à ses côtés toutes ces brillantes années qui les attendaient... Mais rien ne s’était passé comme prévu... Son égoïsme avait été puni...


Lilith, étonnée, observe le jeune homme qui tremble imperceptiblement et au coin de son œil elle croit voir briller une larme de sang. L’espace d’un instant son cœur se réchauffe et la passion qu’elle ressentait pour lui autrefois ressurgit soudain. Qu’un seul mot franchisse ces lèvres adorées, où naquirent et moururent tant d’ardents baisers, et elle succombera une nouvelle fois. Elle sera de nouveau à lui comme au cours de cette nuit maudite où il lui avait offert l’éternité, funeste présent. Les souvenirs l’assaillent... A l’époque elle n’était qu’une jeune fille, comme aujourd’hui pense-t-elle avec ironie, qui vivait avec une tante acariâtre dans un antique manoir qui appartenait à la famille depuis des générations. Sa vie était tranquille, à l’écart du monde et sans événements marquant jusqu’à l’âge de ses dix-sept ans où, un matin, un visiteur avait frappé à la porte de la bâtisse. Fils d’un vieil ami de la famille, le jeune homme, à l’éducation parfaite, avait tout de suite plu à sa tante. Peut-être espérait-elle se débarrasser de la présence encombrante de sa nièce en en faisant son gendre... Quant à elle, il ne lui était pas indifférent. Il faut avouer qu’il était effroyablement séduisant et elle appréciait au plus haut point sa conversation et sa présence qui la détournaient un peu du quotidien morose. Il resta un certain temps chez elle, alors qu’aux environs survenaient d’étranges morts, principalement des jeunes filles de bonne famille. La vieille tante inquiète suppliait leur hôte de prolonger toujours plus son séjour, ce qu’il faisait avec une singulière bonne volonté. Après tout s’embrouille... Elle souffre de subites pertes de mémoire concernant cette époque de sa vie... La seule image nette qui lui revienne, plus une série de sensations qu’un réel souvenir, c’est celle de son torse glacé, où battait lentement un cœur endormi depuis bien longtemps, et le goût de son sang dans sa bouche, puis son propre poignet que la bouche sensuelle avait longuement caressé avant d’y boire l’élixir sacré... Comment tout a-t-il pu ainsi basculer, le désir se changer en haine, l’amour en répulsion, la douceur en violence ... ? Quand elle eut compris ce qu’il avait fait d’elle elle lui en voulut, et pendant toutes ces années ils se sont fuis, ne se retrouvant que lorsque la nécessité devenait trop pressante. Et voilà que, pour la première fois, il se trouve devant elle et qu’il semble douter, et qu’il retrouve, à ses yeux, un peu de cette humanité perdue depuis trop longtemps oubliée. Elle tend une main hésitante vers lui mais à ce moment-là il sort de sa torpeur et l’éternel voile d’insensibilité recouvre à nouveau ses yeux. Il secoue la tête comme pour en chasser des idées gênantes, et ses gestes sont si fluides et si rapides qu’ils en deviennent invisibles, mais Lilith n’en perd pas une miette. Elle a bien vu sa main se lever lentement comme pour accepter la caresse, aller à la rencontre de la sienne, puis soudain retomber. Finalement elle se demande si elle n’a pas rêvé ; encore une fois elle s’est laissée envahir par des émotions trop intenses mais, elle en fait le serment, elle ne se laissera plus prendre au piège, elle ne veut plus souffrir. Depuis tout ce temps son cœur s’est durci peu à peu, se retranchant derrière une couverture de violence et de haine, et quand elle doit tuer elle ne ressent nul remord, et parfois même un étrange sentiment de plaisir et de puissance mêlés s’empare d’elle. Elle n’est plus la jeune fille naïve d’antan.


Le visiteur a retrouvé toute sa froideur, l’ensemble de ses gestes est de nouveau calculé, dénué d’émotion. Il a repris la maîtrise de lui même. Il ne peut se permettre aucune hésitation ; les regrets ne sont plus de mise. Une peu plus et sa faiblesse aurait inversé les rôles. Il a bien fait de ne plus revenir pendant une semaine ! Même si ce fut long... Elle le rend fou ! Mais le manque était trop fort... Évidemment il pourrait se nourrir à côté, c’est d’ailleurs ce qu’il fait mais il n’y ressent nul satisfaction, alors que son sang à elle est si pur, si parfumé... Et puis elle est la seule qui ose lui tenir tête. Et, quoi qu’elle n’en dise, elle est comme lui ; il l’a su dès le premier regard, ce n’était pas un simple caprice de sa part... Il se cherche des excuses, mais il ne peut changer le cours du temps, ni modifier l’histoire... Tout comme lui elle finira pas comprendre, la rébellion est bien inutile, elle acceptera son sort... Il faut absolument qu’il parte, il ne peut supporter plus longtemps l’éclat fiévreux de ses yeux. Plus tard elle comprendra... La vue de sa déchéance lui est trop insoutenable. Le mépris et l’amour se mêlent au fond de lui sans que l’un des deux ne l’emporte sur l’autre. S’il n’est plus humain depuis longtemps ses sentiments eux le sont restés, ou du moins le sont redevenus quand il a rencontré Lilith. Elle fut la seule qu’il eût jamais désirée comme éternelle compagne. Son nom la prédestinait à de grandes choses, il lui a donné le moyen de les accomplir. Mais, comme ses sens, les émotions chez lui sont maintenant plus fortes, plus présentes... Elles l’emportent dans d’abyssaux tourbillons dont il ne parvient à sortir qu’à grande peine. Seuls ses pulsions meurtrières et le besoin de se nourrir arrivent à les surpasser...


L’homme se dirige à grands pas vers la lourde porte de bois massif. La jeune femme quant à elle n’en peut plus, ses nerfs sont à bout, elle se laisse tomber sur le sol alors que des larmes de sang maculent ses joues lactescentes. De la main droite elle griffe son bras blafard pour en extraire cette substance vermeille qui a le pouvoir de l’enchaîner, qui elle seule peut le forcer à rester. Mais il ne se retourne pas, il ne voit pas les zébrures sur cette chaire meurtrie d’où s’écoule une vie écarlate dont elle ne cherche pas à retenir le flot. Il ne regarde pas la forme prostrée à terre, étrange silhouette fœtale baignant dans une lumière irréelle et recouverte d’une cascade de boucles ténébreuses. Il ne voit rien et pourtant, la main sur la poignée, il s’immobilise comme s’il avait senti le sacrifice muet. Mais cette fois il ne fait pas demi-tour et, sans un mot, sort de la chambre.
Lilith, pleurant toujours, fixe son sang qui se déverse sur le châle flétri et entre ses lèvres s’échappent de faibles gémissements, oppressants et poignants. Pourquoi la fait-il souffrir à ce point ? Il sait pourtant ce qu’elle attend de lui, ce dont elle a besoin. Et au lieu de lui donner il joue avec elle... Pourquoi ? Pourquoi ? Nulle réponse ne lui parvient, elle est seule. En tremblant elle se traîne jusqu’à une commode, marquant sur son passage la moquette d’étranges rayures rouges. Elle se redresse avec difficulté. Un cadre est posé sur le meuble ; malgré l’obscurité on y devine un jeune homme qui sourit. Prenant l’objet d’une main qui se veut ferme, elle brise la vitre contre le bord de l’armoire. Les morceaux de verre transparent sur sa peau sont autant de piqûres indolores. Elle suce elle-même ce sang dont il ne veut plus, en fixant les yeux de papier froissé. Ce sourire figé, comme elle l’abhorre ! Et comme elle adore ses lèvres finement dessinées sur lesquelles elle dépose un baiser sanglant. Comme une enfant gâtée les émotions chez elle se succèdent à la vitesse de l’éclair : blessée et soumise un instant plus tôt la voilà maintenant agitée et furieuse. Survolant de ses mignons pieds nus les gisements coupants, teintés par le liquide pourpre, comme si ce n’étaient que vulgaires pétales de roses rouges, elle se retourne vers cette porte, ridicule barrière crée par l’homme, qui ose la priver de ce qu’il lui faut pour survivre. Si un seul regard avait le pouvoir de tuer aussi sûrement qu’une balle de fusil, la porte, fracassée, aurait déjà volé en éclat. Ses prunelles sont aussi rouges que ce sang qui sèche sur son bras. Ses lèvres entrouvertes découvrent deux canines pointues et d’une longueur surprenante. De sa bouche mortellement sensuelle elle ne laisse sortir qu’un seul mot, un unique nom qu’elle crache avec fureur de sa langue vipérine : Fillip. Et ces deux syllabes sont chargées d’une indicible rancœur, d’un originel désir de vengeance.


Soudain un souffle d’air plus fort que les autres soulèvent les cheveux crépusculaire et plaque la soie fine sur le corps parfait de cette femme fantomatique qui, les bras tendus vers les cieux, invoque de sombres divinités. Il émane d’elle une force inquiétante, une puissance dangereuse. Un rayon de lune qui s’est perdu dans l’obscure pièce fait parvenir un étrange miroitement à la jeune femme en transe. Le vent étrange est retombé comme il était venu. Dehors un orage violent, qui vient juste d’éclater, emplit l’air de ses grondements effrayants. Elle se tourne vers le lit, d’où provient le scintillement, sur lequel l’attend un petit paquet qui n’y était pas avant et s’en rapproche dévotement. Avidement elle s’en empare et sans pouvoir attendre le déchire de ses dents. Elle verse dans le creux de ses mains la poudre blanche tant attendue; une funeste poussière qui, s'infiltrant dans ses veines telle un poison mortelle lui donne plus que tout l'impression d'exister. Un rire dément sort de cette gorge de poupée et transperce, lame acérée, la nuit parisienne, effrayant la lune qui, de peur, se cache derrière un nuage : finalement il ne l’a pas oubliée !


Dehors, sous une pluie battante, Fillip est penché sur son œuvre de mort. Alors qu’un éclair plus fort que les autre déchire le ciel, le rire de Lilith lui parvient ; il le reconnaîtrait entre mille. Il se fige, lève les yeux vers la nue plus sombre que de coutume alors qu’un frisson le parcourt. Le vampire laisse tomber le corps sans vie qu’il tenait dans ses mains. Et le sang d’une belle inconnue se déverse sur le trottoir sale, se mêlant à l’eau déferlante...


JustBob
05/02/2004 11:35
Joyeux Barbare

Tiens c'est marrant mais il me dit quelque chose ce texte...

Je remets donc mes commentaires ici.

Je vous invite à lire ce texte. Malgré les critiques si-dessous, c'est un beau texte avec une belle écriture (que je qualifierai de prose poétique ) et une ambiance bien rendue, de très bonnes descriptions.


Mis à part que je ne comprends pas bien la fin et l'histoire de la poudre blanche, je trouve ton texte bien écrit et en particulier dans les descriptions (et dieu sait que ce n'est pas simple).

Toutefois : Allège ton style !

Les phrases sont trop longues, il y a trop de juxtapositions, de suite de descriptions dans une même phrase. Le début est vraiment laborieux, mais ça s'arrange vers le milieu du texte où je trouve que tu trouves un bon équilibre rythme de la phrase/description.
C'est un texte d'ambiance et de description. La difficulté de lecture nuit à l'atmosphère onirique que tu transmets bien à travers le vocabulaire et les images.

Certains aiment ce style d'écriture... ce n'est pas mon cas. Il est trop sophistiqué à mon goût. De la simplicité que diantre !

Quelques détails de vocabulaires à revoir. Je ne les ai pas noté (si "le physique de jeune premier" mauvais ça ! ça casse toute l'ambiance ! trouve autre chose.)

"par une fissure de la fenêtre et soulève, invisible main, le lourd rideau de velours grenat"
la fissure ? pas terrible à mon avis.

"en écartant à peine le lourd tissu, comme si, peur enfantine, elle craignait d’être vue"

"La pièce est plongée dans le noir mais, phares dans la nuit, ses pupilles semblent briller "

invisible main, peur enfantine, phares dans la nuit : voilà le type de juxtaposition dont je ne suis pas très friand. Certains aiment beaucoup, moi ça me heurte dans la lecture. La prose poétique me paraît un peu trop délicate à manier.

Aère ton texte aussi. C'est une simple question de facilité de lecture.

Cela-dit ton texte est très bien et tu maîtrises bien la langue. Justement : peut-être un peu trop car la lourdeur de tes phrases fait passer la substance du texte au second plan. C'est dommage. Pour ce type de récit, faut tout miser sur l'ambiance. Dans le premier paragraphe j'ai eu l'impression d'avoir un exercice de style sous les yeux. Et non une histoire.

Voilà. Plein de qualités c'est évident, mais peut-être gâchée par une écriture trop ambitieuse.

Les points forts : atmosphère, descriptions, vocabulaire et images, expression des sentiments.

Ton texte est très bien ! Et mes remarques ne sont pas marquées du sceau de la vérité universelle.
La facilité de lecture est un aspect très important pour moi, c'est pourquoi j'insiste souvent là-dessus.
Attends de voir d'autres réactions (j'espère qu'il y en aura) avant de modifier.

JustBob

Galldrenn
06/02/2004 19:47
Larve Maléfique (version ectoplasmique)

D’un coup elle se redresse


peut être un peu maladroit. Soudain serait plus approprié ici à mon sens. « D’un coup » ne fait pas très littéraire..

s’agissait du torse d’un amant ardemment désiré


Pas mal la comparaison, original !

Symbole de cette femme-enfant que de tous temps les hommes ont poursuivie de leurs ardeurs.


J’aime beaucoup ce genre de phrase que l’on trouve dans ton texte. Tu as un chouette de style je trouve, ça rend la lecture bien agréable.

que tu me l’es


C’est mal dit je trouve. Ca choque. C’est un détail, mais ce sont les petits détails qui font la différence entre un bon texte et un très bon texte.

Il l’a maintient


la maintient.

Quand elle eut compris ce qu’il avait fait d’elle en lui en voulut


Il doit manquer un truc dans la phrase, ou alors ce n’est pas très clair…

PS : le truc de la poudre blanche exact pas très clair...drogue?


Sinon j'aime beaucoup, surtout la fin! C'est bien écrit, c'est agréable à lire et tellement détaillé que l'on s'imagine très bien la scène...La femme a un charisme fou (au fait Lilith c'est très joli) et la fin a quelque chose qui me plait beaucoup, le coup de tonnerre, le style d'écriture...C'est prenant je trouve. J'aime. Chapeau bas!
Aldevir
06/02/2004 19:53
Une lance pour faire tourner la chance

PS : le truc de la poudre blanche exact pas très clair...drogue?
Vi drogue... mais apparement personne ne comprend! lol

peut être un peu maladroit. Soudain serait plus approprié ici à mon sens. « D’un coup » ne fait pas très littéraire..
ouais peut-être... mais en fait si j'ai choisi "d'un coup" c'est pour une question de rythme.

la maintient.
Quand elle eut compris ce qu’il avait fait d’elle en lui en voulut.
Il doit manquer un truc dans la phrase, ou alors ce n’est pas très clair…
Oui en effet erreurs de frappes.... je vais les corriger tout de suite


Bon ben en tout cas merci
hargol
08/02/2004 14:00


contrairement a justbob j adore tes descriptions sensuelles , l'ambiance est tres mise en place !



en tt cas je suis lecteur de ces récits vampiriques , et tout le mystere que je recherche , ce côté charnel (mais pas trop) sont reunis ds ta nouvelle .on parle de vampires lol .on peut pas y échapper!

bon je vais pas te dire ou sont tes fautes d'ortho je suis tres mal placé ppur ca ! lol

contraimremnt a d'autres, pour moi les decriptions que tu fais sont tt a fait bien dosées. Pour moi les descriptions précises sont primordailes !

uen seule chose a dire ...a qd la suite ?
JustBob
09/02/2004 10:52
Joyeux Barbare

Hargol, je les aime bien les descriptions. C'est justement la grande qualité de ce texte. C'est le style que je trouve trop lourd et trop difficile à suivre.

Vi drogue... mais apparement personne ne comprend! lol


Cela, j'ai bien compris... mais est-ce vraiment nécessaire ? Le sang et les sentiments constituent déjà des drogues qui me semblent incomparablement plus fortes. Je trouve que ça "gâche" un peu la poésie du texte.
Mais je ne suis pas un expert en biologie vampirique...

JustBob
Aekar
16/03/2004 09:57
Ligeaillon travailleur

J'arrive tardivement sur la lecture de ce texte.


Le style

Je suis tout comme Justbob impressionné par la richesse du vocabulaire, l'éclat des mots dans cette nouvelle. C'est une grande qualité que tu as là Aldevir, une qualité à mûrir et qui fera partie de ton style propre dans chacun de tes textes.


Par contre, je pense que cette nouvelle a besoin également d'un peu de fluidité. Nous ne parlons pas là de retirer des descriptions ; elles sont essentielles. Je ne parle pas non plus de retirer de ce texte sa prose poétique ; tout comme le dit Justbob, certains l'apprécient et d'autres moins, mais tous reconnaissent la qualité de cette prose ! Je pense qu'en écrivant ainsi tu exprimes toi-même une partie de ce que tu ressens à l'intérieur. En te sentant transportée dans ton propre texte.

La prose est un peu comme une drogue, et sur le fil de la plume on s'y expose...

Mais fluidité et prose peuvent aller de concert. C'est justement cela qui s'exprimera au fil des textes en toi je pense. Qui suis-je pour en parler après tout... c'est juste que j'ai moi-même traversé ces étapes dans mes propres écrits. Mais là encore, qui suis-je pour en parler...

Si tu te demandes comment parvenir à cette fluidité, essaie d'adopter un style aussi coulant que la parole, un rythme aussi léger et rapide que peut l'être l'oral. Moi-même quand je lis, je ressens le rythme du texte comme si je le lisais à voix haute. C'est pourquoi je trouve qu'il y a trop de virgules, poussant à marquer des pauses, pauses marquées pour sans doute moins porter à confusion. Il faudra user d'autres moyens pour y parvenir.


Comme le dit Justbob (décidemment, entre Barbares on se comprend ) certains mots sont très riches mais trop lourds. J'en prends pour exemple :

La jeune femme quant à elle n’en peut plus, ses nerfs sont à bout, elle se laisse tomber sur le sol alors que des larmes de sang maculent ses joues lactescentes.



Lactescentes à l'endroit où il se trouve tombe de façon trop riche et inattendue. Par exemple, en remplaçant par ceci :

La jeune femme quant à elle n’en peut plus, ses nerfs sont à bout, elle se laisse tomber sur le sol alors que des larmes de sang maculent ses joues d'un blanc immaculé.


..tu perdrais l'accentuation sur la richesse de ton vocabulaire, mais pourrait tout aussi bien le mettre encore plus en valeur dans une autre phrase ! Enfin, pour cet exemple la solution peut ta paraître trop pauvre ; il s'agit plus d'une remarque générale.




Le thème et l'histoire

Lilith est un prénom issu de la Bible si je me souviens bien. Je n'en suis plus du tout certain, mais ai par contre la certitude d'avoir vu ce prénom dans des textes portant déjà sur la damnation, des démons, des vampires et autres. Ah, et aussi dans une déesse maléfique d'un monde imaginaire. Ceci dit c'est un beau prénom et tu as tout à fait le droit de le réutiliser.

Le thème des vampires est très, très à la mode. Les 15 - 25 ans (et au-delà) en sont fascinés et se jettent dedans de la plume comme du regard. Par contre, si l'envie te prends d'écrire des textes portant sur d'autres thèmes, c'est avec joie que je les lirai

J'ai baigné moi-même quelque temps dans les thèmes vampiriques mais ai fini par y voir tant de redondances que je l'ai trouvé épuisé. Epuisement qui vient aussi de cet effet de mode, de la fascination non méritée pour certaines choses.

J'apprécie pourtant beaucoup le côté amour / mépris exprimés dans ta nouvelle, mêlés dans le coeur de l'homme. Amour pour elle et mépris pour lui-même sans doute...

On en vient à se demander chez ces vampires pourquoi ils n'arrivent plus à parler tout simplement, à communiquer. Pourquoi ils ne sont plus que des catalyseurs sentimentaux.


Petites choses sans importance...

Soudain un souffle d’air plus fort que les autres soulèvent les cheveux crépusculaire et plaque la soie fine


Ici, ce serait soulève.

Son physique lui-même attire l’intention


Ici, ce serait normalement l'attention, toutefois peut-être as-tu justement voulu mettre intention à raison... je trouve d'ailleurs que ce serait très habile



N'oublie pas, tu écris très très bien
Narishma
17/03/2004 11:09
Firefly FTW!

Lilith est un prénom issu de la Bible si je me souviens bien. Je n'en suis plus du tout certain, mais ai par contre la certitude d'avoir vu ce prénom dans des textes portant déjà sur la damnation, des démons, des vampires et autres. Ah, et aussi dans une déesse maléfique d'un monde imaginaire. Ceci dit c'est un beau prénom et tu as tout à fait le droit de le réutiliser.


Si je me souviens bien, dans la Bible, c'était la première femme d'Adam.
C'est aussi le prénom de la soeur de Morrigan dans la série Drakstalkers (Vampire Savior) pour ceux qui connaissent.
Aelghir
17/03/2004 22:11
Chevalier un jour, Chevalier toujours ! Montjoie Saint Denis et Tutti Quanti !

Dans la Bible, il n'est pas question de Lilith, ce personnage a été inventé par la tradition juive.
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