Vous parler de l'oeuvre de Jordan sans la déflorer m'a semblé difficile aussi ai-je choisi d'aborder un aspect qui n'a pas de lien direct avec l'intrigue. Comme dans les contes, Jordan s'amuse à glisser des morales ou expose les termes d'un débat par-ci, par-là, dans son récit. Voici ceux que j'ai relevés dans les premiers volumes (L'Oeil du Monde, la Grande Quête, Le Dragon Réincarné).

Combattre les préjugés
Lors de la première rencontre avec les Tuatha'ans, Jordan par la bouche d'Elias condamne les préjugés attachés aux Tuatha'ans. Ce sont typiquement les préjugés que nous colportons aujourd'hui sur les Gitans. Le lien Tuatha'ans/Gitans est d'ailleurs souligné par leur mode vestimentaire.

Pour ou contre la non-violence
Lors des deux rencontres entre Perrin et les Tuatha'ans, Jordan expose les arguments pour ou contre une attitude rigoureusement non-violente. Il le fait tout en nuances et n'a pas choisi au hasard Perrin car il est clairement un des personnages les plus répulsés par la violence physique. Jordan ne tranche pas ce débat, il se contente juste de mettre sereinement les arguments à plat, comme si lui-même n'avait pas encore fait son choix.

La démocratie
Lors de la deuxième épreuve d'acceptation de Nynaeve, Jordan interpelle le lecteur sur sa responsabilité de citoyen. Le droit de vote est un grand pouvoir contrairement aux apparences : Marine : " A cause de Maléna. Elle a obligé la totalité des femmes du Cercle à exiger de leurs maris qu'ils votent pour lui. (...) Ces idiots ne parlent jamais à l'avance du nom qu'ils mettront dans l'urne ; je suppose que chacun d'eux pensait êter le seul que son épouse avait tanné pour qu'il donne sa voix à Cenn. S'imaginait qu'un unique vote ne ferait pas de différence. Eh bien, ils ont vu le résultat. Nous l'avons tous vu. " Toute ressemblance avec ce qui s'est passé le 21 avril 2002 n'est que fortuite.

Justice et vengeance
Lorsqu'Egwene est libérée par Nynaeve et Elayne de sa Sul'dam, elle veux se venger en faisant subir à celle-ci toutes les souffrances qu'elle a dû endurer mais Nynaeve l'en empêche. Elle l'empêche de s'abaisser à devenir à son tour tortionnaire : " C'est juste de les détester, Egwene. Très juste. Elles l'ont mérité. Mais ce n'est pas bien de les laisser te transformer en ce qu'elles sont." Quelques lignes plus loin, il est plus précisement question de justice : " Rand tuerait quiconque aurait commis une chose pareille ", dit Elayne. Elle parut se cuirasser le coeur. " Je suis sûre qu'il n'hésiterait pas. - Peut-être le méritent-elles, déclara Nynaeve, et peut-être qu'il les exécuterait, mais les hommes prennent souvent la mort pour la justice." Ce plaidoyer anti-peine-de-mort est un des leitmotiv de la Roue du Temps.

Mélusine