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Texte hors-joutes : Au clair de la lune
Le 26/12/2017 par Bébel non favori

Karkara s'ennuyait.
Karkara n'était pas heureux.
Karkara en avait assez de cette vie.

Autour de lui, ses camarades travaillaient avec acharnement.
Pas un mot, mais le cliquetis des machines. Plein de sourires sur les visages !
Ses amis étaient heureux, ils aimaient ce travail.
Mais Karkara avait laissé tomber son atelier, et, tristement, il regardait la lune.
La lune était merveilleuse.
Dans cette nuit glacée, elle répandait sa douce lumière sur l'atelier et réchauffait le coeur du petit lutin.
Karkara pensait parfois au monde extérieur, à tous ces gens, tous les petits enfants qui comme lui regardaient la lune et rêvaient à d'autres paysages.

La lune formait comme un visage, et Karkara le lutin imaginait qu'elle lui parlait :
« Dis-moi, jolie lune, comment est le monde ailleurs ?
- Il est très beau, gentil lutin.
- Et comment sont les gens ?
- Il y en a de toutes sortes. Certains sont cruels ou vaniteux, c'est vrai, mais beaucoup d'autres font de leur mieux pour rendre la vie belle.
- Et les enfants ?
- Ce sont les plus gentils. Tu sais, en ce moment, ils pensent très fort à toi. »

Karkara ne savait pas si cela était vrai, ou si la lune ne cherchait qu’à le réconforter. Il en avait déjà parlé avec ses amis, et tous ne lui disaient pas la même chose.
« Réfléchis, riait Koudou, crois-tu vraiment que nous nous donnerions tant de mal pour des gens qui n'en valent pas la peine ? Et le Père Noël ? Pourquoi ferait-il tout ça, si le monde autour de nous ne le méritait pas ?
- Réfléchis, objectait Kojip d'un ton docte et triste. Les gens, s'ils n'étaient pas malheureux, auraient-ils besoin de nous ?
- Réfléchis, ajoutait Kikola, s’il y avait quelque chose à voir, pourquoi le Père Noël nous interdirait-il de quitter l’atelier ? »
Cet argument mettait en général tout le monde d’accord.

La vie s’écoulait dans l’atelier depuis tant de temps et tant d’années.
Le Père Noël n’était pas un mauvais patron. Et puis ! Il faut bien admettre que c’est lui qui avait la plus grande part du travail. Tous les ans, dans la nuit du 24 au 25 décembre, il attelait ses rennes, il riait un bon coup, et puis son traîneau partait dans le froid, les cadeaux bien attachés, dans un fantastique sifflement.
Les lutins le regardaient partir avec admiration, agglutinés à la fenêtre, ils le voyaient partir dans la neige, et puis revenir avant même les premières lueurs de l’aube.
Le Père Noël était accueilli en héros. Il était parti dans un rire, il revenait et cette fois c’étaient tous les lutins qui riaient, émerveillés.
Karkara ne savait pas compter, alors il n’aurait pas pu dire combien de fois il avait assisté à cette scène. Il ne savait pas compter, non, ce qu’il savait faire, c’était visser des roues sur les véhicules. Toute l’année, il prenait des camions, des voitures de sport, des poussettes, des petites voitures à friction ou des engins de chantier, et il vissait ses roues, avec plaisir, avec talent : le Père Noël lui-même disait qu’un visseur comme ça, c’était du tout bon pour l’atelier.
Il prenait sa roue, il retournait le véhicule, il vissait, il prenait les autres roues (en général quatre au total), il terminait, il passait à un autre véhicule, sans fin, sans lassitude. Qu’est-ce qu’on riait à l’atelier ! Il y avait toujours un lutin pour faire des blagues. Une fois, Koudou avait imité le Père Noël quand il se donne un coup de marteau sur les doigts : Karkara avait tellement ri qu’il avait gâché son camion ! Et Kojip qui leur disait que ce n’était pas drôle, et qui finissait par hurler de rire encore plus fort que tous les autres !

Le plus dur, c’était le mois de décembre. Là, on la voyait arriver, la nuit de Noël, et on se rendait compte qu’il fallait finir dans les temps. Les lutins alors ne faisaient plus de blagues et ne parlaient presque plus. C’est là que Karkara, tous les ans, perdait un peu d’enthousiasme, et c’est dans ces jours-là, cette année-là, qu’il avait subitement perdu le goût de son travail. Il voyait ces roues, ces belles roues en plastique, et il ne ressentait plus rien. Il ne voyait plus l’intérêt de les monter sur les camions et les poussettes, il ne voyait même plus le côté drôle de la chose.
Il regardait la lune, et il lui parlait, et elle lui faisait miroiter des horizons différents, loin du Père Noël, loin des copains, loin du bruit des machines de l’atelier.
Il devait faire quelque chose.

Il réfléchit un peu, et puis il se décida : il alla trouver le Père Noël dans son bureau. Celui-ci, comme toujours à cette période, lisait le courrier qui lui était adressé. Il n’était pas très content, parce que de plus en plus d’adultes lui écrivaient, et il devait traiter en priorité les lettres des enfants. Karkara le trouva grommelant dans sa barbe.
« Pardon de vous déranger, Père Noël, …
- Karkara, tu ne me déranges jamais.
Et c’était vrai.
- … je suis bien embêté, pour être vrai, parce que c’est embêtant, et j’aimerais bien que ça cesse, tous ces tracas, c’est pas très bon pour mon atelier, avec toutes les roues qu’il me reste à visser…
- Je t’ai compris, Karkara.
- Merci Père Noël.
Karkara s’arrêta parce qu’il avait compris que le Père Noël lui demandait d’en venir au fait.
- Eh bien, je regarde la lune, et je lui parle, …
Le Père Noël sourit dans sa barbe devant la naïveté de son petit lutin, qui croyait encore que la lune pouvait parler !
- ... Ou j’imagine qu’elle me parle, se reprit Karkara, et elle me dit des choses …
Le Père Noël s’était arrêté de sourire.
- Elle me dit que le monde est beau, et que les gens, dehors, font la vie belle …
Le Père Noël le regardait avec acuité. Karkara se sentit soudain tout petit et timide.
- Alors, je me dis, quoi, pas vrai, non ? Je me dis que j’ai envie … d’aller voir si c’est si bien ? Et puis je reviendrai ?
Le Père Noël hocha la tête.
- Mon petit.
Il était vraiment très compréhensif, parce qu’il continuait à réfléchir et à le regarder.
- Ce monde, dehors, n’est pas beau. Il est vraiment très beau. J’ai vu beaucoup de gens, j’ai souri à beaucoup d’enfants. Quelquefois, quand je fais mes petites tournées de décembre, je passe dans les rues, les adultes ne croient pas que c’est moi, ils me saluent comme un vieil homme, mais les petits enfants, ils me reconnaissent, et ils sont si heureux !
Karkara écarquillait les yeux.
- La lune ne t’a pas menti. Je comprends ton idée. Et je n’aurai qu’un mot : ne quitte pas l’atelier.
Karkara ne comprenait pas.
- Ce monde n’est pas fait pour les lutins, Karkara. C’est le monde des hommes. Tu n’es pas un homme, tu n’es pas un enfant, petit lutin. Mon atelier est fait pour toi et tes amis. Dehors, le monde est beau, mais il est dangereux. Un jour, un petit lutin qui s’appelait Jipko a voulu, comme toi, aller voir. Je n’ai pas su trouver les mots pour le retenir, et il est parti. Il a croisé quatre-vingt-dix-sept personnes qui n’ont pas compris qui il était, mais qui lui ont souri et l’ont accueilli. La quatre-vingt-dix-huitième personne était un garçon méchant, qui a voulu l’attraper et lui a lancé des pierres pour lui faire du mal. Si ses amis n’étaient pas venus me prévenir, je n’aurais jamais pu le secourir.
- Et qu’est-il devenu ?
- Eh bien, je l’ai ramené, on l’a soigné. Il a décidé de changer de nom pour bien me faire comprendre qu’il était devenu un lutin raisonnable, un nouveau lutin, et il n’est jamais reparti.
- Mais moi, peut-être que le quatrième, à moi, il donnera du chocolat ?
Le Père Noël soupira.
- Je vais te demander de me laisser finir mon travail, petit lutin. Plus aucun lutin ne peut quitter l’atelier, à présent. J’ai trop pleuré quand j’ai cru que Jipko ne reviendrait jamais. »

Karkara retourna à son atelier. Il était vraiment très triste. Il avait vraiment cru que le Père Noël lui accorderait une permission. Il reprit sa place dans l’atelier, et se remit à travailler, sans conviction. La lune était toujours là, derrière la fenêtre ; elle lui souriait avec compassion.

Quelques jours plus tard, Noël arriva. La grosse gamelle de chocolat fumait déjà dans un coin. Les rennes étaient prêts, harnachés. Le Père Noël sortit de sa chambre, étincelant dans son habit rouge. Il salua les lutins, s’étonna de l’absence de Karkara, qui devait bouder dans un coin, sans doute, et monta dans son traîneau. Les rennes frémirent de plaisir et commencèrent à trotter. Le traîneau s’éleva, on ouvrit les portes, le Père Noël rit un bon coup et partit dans la nuit.

Sous la hotte, le nez rouge dans le vent froid, un petit lutin s’accrochait pour ne pas tomber …

Aramina à répondu l 26/12/2017 à 10:13
Oh c'est adorable !
Go Karkara si on le croise je lui donnerai du chocolat !