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Joute n°40 : Sciences et Arcanes
Joute 40 Texte D : Ætheria
Le 30/04/2017 par Sordon non favori



*Prologue*

Au milieu d'une imposante pièce aux murs d'un blanc éclatant, sobrement meublée, trône un majestueux canapé de cuir noir lustré.
Sur le canapé, un homme, pas tout à fait la trentaine, agite délicatement un liquide ambré dans un verre de cristal. Face à lui, sur une table de verre et de platine rutilant, la bouteille repose, prise dans un léger voile d'Ætheria.
Poussant un soupir discret, l'homme décroise les jambes, se lève et se dirige vers la grande baie vitrée.
Tamisant d'une pensée la lumière de la pièce, il observe les bâtiments en contrebas.
Dans son dos, une télévision déroule inlassablement son flot d'information.

*…émeutes dans le quartier ouvrier redoublent d'ampleur. Les forces de l'ordre tentent de résister, toutefois face à la foule enragées, elles reculent lentement mais surement en direction du complexe administratif.
La situation à la gare du nord reste inchangée, les activistes retranchés dans les bâtiments, menacent d'exécuter les otages et de surcharger le cristal d'Ætheria alimentant le réseau transurbain.
Les forces spéciales préparent un assaut dans le but de sécuriser les installations… … … On m'informe à l'instant, qu'un commando affilié aux états indépendants sino-africains est parvenu à pénétrer dans les locaux de la bourse du boulevard Antoine Delacombe. Restez à l'écoute pour de futures informations.
En Europe du nord, les forces de l'OTAN affronte toujours les armées de la coalition islamortodoxe. Les pertes des deux coté sont sévères, malgré l'emploi massif des nouvelles têtes a cristaux d'Ætheria, aucun des partis ne concède le moindre centimètre carré de terrain…*


Dans la rue, les patrouilles de la sécurité intérieure défilent inlassablement. Quelques rares citadins se glissent rapidement le long des murs, pressés de rentrer avant le couvre-feu.
Le soleil couchant se reflète sur les vitres des grattes ciels du centre. Teintant le crépuscule d'une lueur rouge sang. Au loin, des panaches de fumée témoignent des combats entre forces de l'ordre et les groupuscules révolutionnaires.

Retournant à son canapé, l'homme s'interroge. Est-il responsable de tout cela?
Soudain, il déclare à l’attention d'une personne hors de la pièce :

« Je crains de ne pas avoir la réponse à cette question monsieur le président.
Toutefois, nous pouvons être sûrs que l'institut sera pris d'assaut très prochainement. »

*…nombreux morts suite à une explosion dans le métro.
Les renforts de la garde civile qui ont rejoint la police au quartier ouvrier on enfin permis de contenir la foule qui recule désormais face aux assauts répétés. Plusieurs véhicules blindés…*


L'air grave, il tourne et retourne entre ses doigts un petit cristal mémoriel, le moment est peut-être venu de l'utiliser.

*Attente*

Assis sur une caisse en bois, Marc attend le prochain assaut de la journée. Il lustre la baïonnette placée au bout de son fusil. En face les forces coalisées de l'OTAN se battent avec les toutes dernières machines de guerres. Fusils à cristaux d'Ætheria, véhicules à camouflages magiques, les pièges invisibles, impossible d’en dresser la liste.
A quelques dizaines de mètres de l'immeuble, se trouve le croisement où doit se dérouler le combat décisif.
Bien que la peur lui noue les tripes, il affiche, tant pour lui-même que pour ses camarade, un visage confiant et assuré.
Tachant de ne pas penser aux instant qui vont suivre, il se remémore, une fois de plus la succession des évènements qui l'ont mené ici, à attendre une force cent fois supérieure.

******

Marc jaillit, tout bondissant les grandes portes vitrées de la halle communale. A ses côtés, tout aussi pleins d'énergie que lui-même suite à leur longue attente cérémonieuse lors de la remise des diplômes, Angélique, Natalie et Boris plaisantent et rient tout joyeux d'avoir enfin en main le papier de leur avenir. Tous les quatre se réjouissent de la grande fête prévue ce soir pour célébrer les nominations.
Marc aperçoit ses parents de l'autre côté de la place, derrière la fontaine qui scintille sous les premières lueurs crépusculaires des étoiles.
Tout en faisant un grand signe du bras, il entraîne ses amis.


La soirée fut vraiment merveilleuse.

Avec ses amis tout pleins de la fougue de la jeunesse, ils parlèrent longuement de leurs projets d'avenir.
Boris voulait lancer son entreprise de design. Il avait alors tant d'entrain, qu'il fut presque impossible de l'arrêter de parler des dizaines de projets qu'il prévoyait de réaliser.
Comme à son habitude, Angélique n'allait pas se reposer une seule seconde. Dès le lundi suivant elle commencerait un stage en entreprise pour perfectionner ses compétences. Elle espérait trouver un emploi dans les deux mois. Et sans surprise, ce fut le cas.
Quand à lui-même Marc comptait profiter d'une année sabbatique pour se recentrer, avant de se trouver un emploi.
Tandis que tous les membres des familles débattaient et mangeaient, les quatre jeunes s'éclipsèrent sur la terrasse afin de profiter de la fraîcheur de la nuit. Laissant Boris et sa Sœur, Marc et Nathalie s'était dirigés un peu à l'écart, c'est à ce moment que Marc lui avait demandé si elle voulait bien sortir avec lui. C'était presque tout surpris par sa réponse positive qu'il l'avait alors embrasée pour la première fois.
Suite à cette décision, elle avait renoncé à poursuivre ses études dès la fin de l'été. Elle commencerait ses études à l'université au prochain cycle. Afin de profiter de l'année avec lui.


******

Tout rougissant au souvenir de sa timidité, Marc sent une larme se dérouler lentement le long de sa joue. Deux ans. Seulement deux ans de bonheur avec elle avant que la mort ne l'emporte injustement. Faute de moyen pour payer les soins des médecins, une chute mal soignée s'était transformée en infection généralisée.
Leurs familles étaient pourtant aisées, pas plus d'une année en arrière. Mais voilà, alors que le jeune couple profitait du dernier week-end de leur année sabbatique, l'évènement majeur de ce vingt et unième siècle, était survenu.

« Tu penses encore à elle? » Boris s'approche de lui d'un pas vif, puis se campe devant lui. Au fond de ses yeux, autrefois si doux, une éternelle lueur de folie fait transparait. Un frisson nait à la base du dos de Marc.
« Elle sera vengée! Tu le sais! » Elevant la voie pour que tous puisse l'entendre Boris poursuit :
« Elle – et tous les autres! Aujourd'hui nous verrons arriver notre heure de gloire! Aujourd'hui nous vengerons nos sœurs, nos frères, nos parents et tous nos amis, injustement sacrifiés par les imposteurs qui se prétendent nos dirigeants! »
Dans la pièce aux murs délabrés, quelques acclamations se font entendre. Bien peu toutefois.
Se gardant bien de contredire son vieil ami, Marc lui répond :
« Je pensais à notre remise de diplôme.
— Tu devrais oublier tout cela. Ce temps est révolu. Seul notre avenir compte désormais! »

Boris reprend son poste à la fenêtre, tandis que marc replonge dans ses pensées.

******

Tous deux sont assis sur le divan. Ils profitent de leurs dernières soirées au chalet de vacances de la famille de Boris. Par la fenêtre entrouverte, le doux bruissement du torrent au fond de la vallée berce le couple. A la télévision, défilent des publicités auxquelles ils ne prêtent aucune attention.
Elle, la tête appuyée sur son épaule, lui un bras passé autour de sa taille. Ils discutent tous deux des jours à venir.
Natalie commence la faculté de biochimie dans deux semaines. Marc, lui, après ses longues réflexions a décidé d’attaquer directement la vie professionnelle. Fort de son diplôme en sciences des énergies. Il compte trouver un emploi auprès d'une des compagnies de production d'électricité de la région.

Ils s'arrêtent toutefois de parler, lorsque la présentatrice de la télévision annonce enfin l'émission extraordinaire. Bien qu'ils n'aient pas prêté plus attention que cela aux affaires du monde, tel les deux jeunes amoureux qu'ils sont, ils n'ont pas pu échapper au large battage médiatique que l'institut Gibbson mène depuis près de deux mois.

Après les introductions d'usage, l'image du studio fait place à une somptueuse salle de réception. Tandis qu'un drone-caméra fait un traveling au-dessus du public, comportant au bas mot cinq mille invités, la présentatrice expose un bref rappel des travaux de l'institut. Elle se tait lorsque la luminosité baisse et John Gibbson, le jeune directeur de l'institut monte sur l'estrade.
Ce dernier, la voix légèrement chevrotante d'émotion, annonce :

« Mesdames; Messieurs; chers invité; peuple de la terre, j'ai aujourd'hui : l'infini honneur de vous présenter l'aboutissement de quarante longues années de recherches, de dur labeur, de frustration et d'échecs. Mais également d'espoir, un espoir non pas pour nous, de l'institut, mais un espoir pour vous. Vous, nous, l'humanité.
Depuis de trop longues années désormais nous subissons : la famine, la pollution de l'eau, les maladies incurables, le réchauffement climatique; Autant de fléaux qui nous maintiennent dans la peur. La peur du lendemain, la peur pour les êtres qui nous sont chères et la peur pour nos enfants.
Aujourd'hui; mes amis; devant vous, je peux laisser éclater ma joie, car grâce aux résultats des travaux auxquels mon père a consacré sa vie; je vous l'annonce : Désormais l'humanité est libérée, libérée de tous ses fléaux, libérée des limites physiques qui nous étaient jusque à présent imposées.
Laissez-moi, aujourd'hui, vous présenter le pouvoir de l'Ætheria. »

Tandis qu'il écarte les bras, toutes les lumières de la salle s'éteignent. Soudain, sortant du sol, de minces volutes légèrement luminescentes, se répandent dans les airs. Alors que l'estrade et le fond de la salle semblent se fondre dans le néant, John Gibbson reste suspendu dans le vide, debout sur un socle vaporeux, immatériel.
Rapidement, les murs derrière le jeune homme semblent s'éloigner, changer de formes. Un grand hall se constitue, à l'endroit où à peine quelques secondes auparavant, se trouvait le fond de la salle de réception.
Des centaines de tables semblent surgirent du néant, couvertes de milliers de plats à l'attention de l'assistance proprement médusée.
D'un petit geste gracieux, le jeune directeur décroche le micro de son col et le jette au loin.
Désormais débarrassée de tout artifice, Gibbson reprend :
« Messieurs, l'Ætheria permet de générer spontanément tout ce que vous pouvez imaginer. Il permet de soigner instantanément toutes afflictions. Il permet de purifier l'eau et l'air, il permet de se déplacer et tant d'autres choses. Et tout ceci sans consommer la moindre énergie! »

Tandis que le silence se pose sur l'assistance telle une chape de plomb, surgissent de nulle part des hologrammes.
Les nombreuses animations emplissent le volume de la salle. Présentant les nombreuses applications de l'Ætheria. Petit à petit, quelques bruits se font entendre. Répondant à un appel que tous dans la salle ont pu entendre, les invités s'approchent, circonspects, des nombreux plats.

Tout autant abasourdis que l'assistance de l'institut, Marc et Natalie se regardent. Emportés par l'émotion de Gibbson, ils rient.


Cette nuit-là aussi, fut merveilleuse.

******

Revenant au présent, Marc repose son fusil et s'approche de son ami.
« Pense tu vraiment que l'on peut faire confiance à cet informateur? Il est vrai que jusque ici toutes les informations se sont révélées exactes, mais imagine ce qui se passerait si tout ceci n'était qu'un stratagème pour exposer la résistance au grand jour?
— Bien évidement que l'on peut lui faire confiance, elles nous viennent tout droit du grand libérateur! Riposte Boris d'un ton véhément.
— Je trouve tout de même que les circonstances sont étranges, pendant deux ans, nous nous terrons sans jamais savoir quand les forces du Nouvel Europe Unis nous assailliront.
Rester en contact avec les autres poches de résistance est quasiment impossible et soudainement, une grande opération concertée apparait : Nous prenons d'assaut le plus grand centre de concentration d'Ætheria et l'homme que tout le monde hait, l'homme le plus protégé n'importe où sur les territoires des trois puissances, c'est homme-là, serait soudain à portée de main? »

La voie de Marc retombe.
Au fond de lui, il ne parvient pas à se convaincre que la rébellion est juste.
Certes, les agissements de la junte militaire et des dirigeants mondiaux actuels ont conduit le monde à la situation actuelle, mais… auraient-ils pu faire autrement?
Au fond de lui-même il est bien conscient que malgré ses discours sur le libre arbitre et le libre accès de l'Ætheria pour le peuple, le grand libérateur n'est qu'un despote comme un autre. Simplement lui et ses amis se sont retrouvés de son côté lors des évènements qui suivirent ce que l'on nomme désormais "La grande crise de l'Ætheria".
« Le grand libérateur ne nous trahirait jamais! Aujourd'hui Gibbson paiera pour ce qui est arrivé à ma sœur! La lueur de folie dans les yeux de Boris laisse place à la douleur.
— Le tuer ne la ramènera pas Boris! Marc saisit son ami par les épaules. Bon sang Boris! Ne laisse pas la vengeance t'aveugler! Tu peux compter sur moi, tu le sais. Quoi qu'il en soit, je resterai avec toi. Si tu meurs toi aussi que me restera-t-il? Il attend quelques instants.
C'est toi qui nous parle sans cesse de notre avenir! Alors ne va pas te faire tuer pour ton passé! Après un bref moment de silence, Boris soupire puis répond :
— Tu as raison. Mais nous devons le faire quand même. Les traits de Boris se durcissent, il étouffe visiblement un sanglot. J'y repense tout le temps tu sais; à ce jour-là. »

L'atmosphère dans la pièce est pesante. Un petit réchaud à gaz peine à faire bouillir une casserole d'eau de pluie.
Dans un coin de la pièce, Marc, assis sur une couverture entassée, tient ses jambes serrées contre son torse. Ses yeux semblent contempler le vide.
Boris ne peut retenir un élan de compassion. A peine son ami se remettait-il de la mort de Natalie, que son père, parti chercher de la nourriture auprès d'un groupement du quartier voisin s'était fait enrôler de force dans les milices du nouveau gouvernement néo-bourguignon.
Et quelques jours plus tard, sa mère mourrait d'une balle perdue lors d'un accrochage entre les forces bourguignonnes et les troupes des anciennes nations de l'OTAN qui commençaient leur grande opération de pacification de l'Europe.
Ne pouvant rien pour son ami, Boris retourne s'occuper du repas. Aujourd'hui encore il faudra se contenter de céréales bouillies. Sauf si Angélique parvient à échanger les quelques objet qu'il a fabriqué la veille.
Soudain il entend un bruit de cavalcade dans le couloir. Interrompant sa cuisine, il regarde les six soldats pénétrer dans la pièce. A leur uniforme, il reconnait une patrouille des forces de l'OTAN. Un sergent s'avance et demande d'une voie impérieuse : "Qui est Marc Olanie? Vous êtes accusé de conspiration avec les forces rebelles!"
Au même moment, Angélique, pénètre par l'autre porte et s'écrie joyeusement :
« Boris! J'ai trouvé des gens qui peuvent nous aider! »
Sa voix s'éteint lorsqu'elle aperçoit les soldats.
Derrière elle, dans l'encadrement de la porte deux hommes armés font leur apparition.
En quelques secondes, la situation dégénère. Alors que le sergent hurle d'abattre les traitres, les deux hommes foncent dans le couloir. Les soldats pointent leurs armes à cristaux d'Ætheria sur la porte. Derrière celle-ci plusieurs cris brefs retentissent.
Le sergent empoigne Marc par le col et commence à le tirer. Angélique voyant cela s'élance vers eux tout en hurlant de le lâcher. Lorsqu'elle empoigne le bras du sergent, celui-ci déclare d'un ton sentencieux : "Pas de pitié pour les traitres!"
Un long sanglot s'échappe de la gorge de Boris alors que sous ses yeux, sa sœur entame une lente chute vers le sol, une fleur rouge s'épanouissant dans son dos.
Marc, apathique jusque-là commence à se débattre il parvient à se libérer tandis que les compagnons des deux hommes font irruption dans la pièce canardant à tout va.
Un silence surnaturel s'installe suite à la brève fusillade. Les joues baignées de larmes, Boris étreint le cadavre de sa sœur.
Désormais sorti de sa torpeur par le choc, Marc tire Boris par le bras et suit le groupe d'hommes tandis qu'on leur dit de suivre, s'ils veulent vivre.


*Assaut*

Le crachotement de la radio sort les deux amis de leurs pensées. Marc vérifie rapidement qu'aucun flux d'Ætheria n'accompagne les ondes.
« Ca y est ! Les sentinelles ont repéré le convoi. »
Rapidement, les hommes présents s'éparpillent dans l'immeuble.
Marc, Boris et le messager du groupe restent au poste d'observation au cas où des instructions de dernière minute arriveraient.
« Nous serons fixés quant à l'authenticité de ces informations. Si elles sont exactes, le prisonnier de ce convoi nous mènera à Gibson et aux installations principales de l'Institut. » La voix de Marc s'éteint. Il rejoint son ami à la fenêtre et lui tends un objet.
« Tiens. C'est à toi de le faire. » Boris hoche de la tête. Les deux amis se serrent rapidement les épaules. Au moment où Marc quitte la pièce, au coin de la rue, le premier véhicule apparaît.
Boris attend quelques secondes, priant intérieurement que les quelques rares cristaux en leur possession protègent les charges contre la détection.
Le véhicule de tête passe, puis le deuxième. Un blindé lourd fait son apparition, puis deux, puis trois. Désormais pleinement engagé sur le carrefour, le convoi ne peut plus échapper à l'embuscade.
Le cœur battant, Boris presse la gâchette.
Tandis que des immeubles s'effondrent devant et derrière les véhicules, les blindés lourd sont projetés en l'air par les puissantes charges d'Ætheria cachées sous la route. Partout dans les bâtiments environnant des coups de feu résonnent.
Malheureusement, les défenses Ætheriques du convoi détournent la plupart des projectiles.
Les soldats des forces Européennes coalisées se réorganisent et s'apprêtent à enfoncer les rangs des révolutionnaires.
Toutefois, la situation s'inverse lorsque Marc parvient à envoyer le seul cristal de suppression en leur possession.
D'un seul coup, des milliers de volutes d'Ætheria filent vers les cieux tandis que toute trace de magie quitte la zone. Sous le choc dû à la subite disparition de leur seul avantage et face à une écrasante infériorité numérique, les troupes européennes se font massacrer.

« Victoire! » Les bras écartés, un air exalté sur le visage, Boris s'avance parmi les décombres. De partout s'élèvent des vivats.
De son côté, Marc manque de défaillir. Il ne pourra jamais s’habituer à la barbarie dont les fanatiques qui composent la majorité des troupes font preuve. Ces hommes n'avaient pas la moindre chance, pourtant personne n’aurait seulement songé à demander leur reddition.
Dégouté par son acceptation tacite des évènements, il s'approche du véhicule carcéral. Il pénètre dans l'espace confiné après s'être acharné sur le verrou.
L'intérieur est sombre, empeste la transpiration et l'odeur aigre de la peur. Un des gardes est au sol, inconscient. Une petite flaque de sang s'épanche sous sa tête. Son compagnon est accroupi a côté de lui, apparemment désemparé. Tout son équipement étant basé sur l'Ætheria, il ne peut rien faire pour l'aider.
« Rend-toi et j'aiderai ton compagnon. »
L'homme acquiesce. Désarmé il est bien conscient qu’il ne pourrait qu’opposer une résistance symbolique.
Marc prend sa petite troupe de soin et commence à essuyer le sang du soldat.
« Il s'en tirera, il est juste assommé. Reste ici. Je ne peux rien te garantir quant à la réaction de mes camarades. »
Marc reporte enfin son attention sur le troisième homme présent. Ce dernier est maintenu contre la paroi par une sangle, qui s'est visiblement incrustée dans sa peau lors de l’embardée. Un sac noir recouvre sa tête et ses poignets sont liés entre eux.
Tout en s'approchant pour retirer le sac, il déclare à haute voie :
« J'espère que cela en valait la peine… tous ces sacrifices juste pour vous, qui que vous soyez, vous avez intérêt à répondre aux questions qui vous seront posées. »
Le souffle coupé par le choc, Marc contemple un visage fatigué et prématurément vieilli. Pourtant cela ne fait aucun doute : Le visage est celui qu’il contemplait avec Natalie, six ans plus tôt, sur un écran de télévision.
Au même moment, Boris pénètre dans le véhicule. L'exaltation de la victoire sur son visage fait place à un rictus de haine.
« C'est lui Marc! Qu'est-ce que tu attends? »
Il empoigne son fusil et s'apprête à abattre l'homme. Seule l'intervention de Marc qui se jette sur son ami sauve la vie du directeur Gibbson.
« Mais qu'est-ce que tu fais? Es-tu fou? C'est lui Marc, c'est à cause de lui qu'Angélique est morte. A cause de lui que tes parent sont morts! » La voix véhémente de Boris résonne dans l'espace confiné du véhicule.
« Les ordres! Rappelle-toi les ordres! Le grand libérateur le veut en vie. Il a dit : "capturez l'homme à tout prix, il nous le faut en vie." »
En vérité Marc se fiche bien des désirs du grand libérateur. Apparemment la situation n'est absolument pas celle qu'il croyait. Mais face à la folie vengeresse de Boris, seul son fanatisme peut lui faire renoncer au meurtre.
S'adressant alors à Gibbson, il demande :
« Que faites-vous là? Pourquoi êtes-vous enchainé?
— Je, je peux tout expliquer, mais pas ici. Nous devons partir! D'autres vont venir et je doute que vous possédiez d'autres cristaux de suppression. Il faut que je voie votre dirigeant. Croyez-moi, je ne suis pas votre ennemi! »

Boris arrête de se débattre, l'argument semble porter.
« Très bien, vous allez rencontrer le grand libérateur ; mais attention ! Je vous préviens, au moindre geste suspect, je vous abats. »

Marc remet le sac sur la tête de Gibbson.
« Pour votre sécurité. Beaucoup seront comme Boris. Je ne pourrai pas tous les arrêter. »
Les cinq hommes ressortent du véhicule. Le soldat valide portant son camarade. Son teint livide prouve qu’il ne pense pas survivre à la journée.
Marc pousse Gibbson devant lui sans ménagement. Le petit groupe traverse rapidement les décombres. Arrivés au niveau des immeubles, Boris donne rapidement des ordres, tandis que marc poursuit son chemin. Rapidement, tout autour d’eux, les hommes en armes se dispersent. Seul un petit groupe reste en retrait pour couvrir leurs camarades.

*Ruine*

Le petit groupe progresse rapidement dans le réseau désaffecté du métro. Marc s'arrange pour que leur escorte ne compte que des camarades de confiance. Rapidement, ils retrouvent les petites jeeps qui servent de transport aux résistants. Il fait monter son prisonnier à l'arrière d'un des véhicules tandis que Boris prend le volant. Un garde prend la place du passager et deux autre accompagnent Marc à l’arrière, tous ont l'œil aux aguets.
Assis sur la banquette aux côtés de Gibbson, il s'assure que les deux autres ne feront rien de stupide à la vue de leur ennemi juré. Une fois le moteur démarré, il retire le sac de la tête de Gibbson. Les deux hommes accusent le choc, mais fidèles aux ordres, ils continuent de monter la garde.
« Bon… Si vous m'expliquiez ce qui se passe?
J'ai de la peine à vous croire lorsque vous affirmez ne pas être notre ennemi.
Jusqu’à preuve du contraire c'est vous, vous et votre institut qui fournissez nos ennemis. Vous qui veillez à ce que l'Ætheria ne soit pas librement distribué et de manière générale, vous qui êtes responsable de la mort de près de trois milliard d’êtres humains et de la misère de cinq autres. »

Les deux gardes feignent de ne pas écouter. Toutefois il est visible que la présence de l’homme les perturbe. Tout autant que de voir un de leur chef s’entretenir avec lui.
Marc se félicite intérieurement d’avoir veillé au choix des accompagnants. Toutefois, Boris l’inquiète.
« Je… vous avez raison. Mes choix n’ont guère été judicieux. En vérité personne à l’institut n’avait prévu le déroulement des événements. Nous étions tous tellement… enthousiastes. Pourtant avec le recul, je réalise que les événements n’auraient pas pu se dérouler autrement. Nous étions aveugles. »
Un air de tristesse déformant ses trains, Gibbson reprend d’une voix lasse après quelques instants de silence pesant.
« Je crois que je vais reprendre depuis le commencement…
Je ne me cherche pas d’excuses, mais pour bien appréhender la situation dans son ensemble, je pense que vous devez entendre.
Au début nous nous félicitions. Le capital de l’entreprise explosait grâce aux achats massifs. Toutefois, petit à petit, nous nous sommes rendu compte qu’au lieu d’aider les gens, nos produits commençaient à produire de gros déséquilibres dans l’économie.
Plusieurs grosses corporation et états s’étaient massivement équipés avec nos plus gros répliquateurs. Mais plutôt que de baisser les prix de leurs produits, ils profitèrent sans vergogne de la supériorité de leurs capacités de production, capacités de productions dont le coût avoisinait les zéro.
Rapidement, la société mondiale, basée sur le système monétaire et consumériste se retrouva ébranlée dans ses fondements.
Nous avons observé, effarés, la majorité des états se faire complétement dépasser par les évènements. Toutefois, ce n’est que lorsque les petites entreprises et les artisans se retrouvèrent contraints de fermer boutique que nous n’avons réellement pris conscience de la gravité des événements.
Dans le but de contrer les corporations, nous avons décidé de produire nous-même les Ætherions pour la vie de tous les jours. Malheureusement il était trop tard.
La foule des sans-emplois faisait déjà ployer toutes les sociétés.
Nous n’avons jamais réussi à distribuer nos produits tandis que l’anarchie fleurissait de toute part. De leur côté, les grosses corporations finissaient de saigner un peuple dont les moindres économies s’évaporaient comme brume au soleil. Lorsque les nombreux groupes extrémistes commencèrent à émerger et à revendiquer la propriété des plus grands centre d’Ætherions, nous avons été contraints de faire appel aux forces armées pour les protéger.
Aucun d’entre nous ne cautionnait les actions de ces groupements, et puisque la majorité des gouvernements ne contrôlait déjà plus leurs territoires, c’est logiquement que nous nous sommes tournés vers les forces de l’OTAN dont les structures de commandement perduraient. Ce fut probablement notre plus grande erreur. Les membres gouvernants des anciens états de l’alliance s’étaient également regroupés auprès des dernières forces armées restées fidèles.
Nous étions effarés face aux tueries qui éclataient partout entre pseudo-états. Nous nous sommes alors laissé convaincre par le tout jeune gouvernement de la Néo-Europe de restreindre l’accès aux Ætherions et de commencer à en faire des armes ; Dans le but de juguler la naissance de toutes ces guerres dans le monde.
Nous ne pensions pas que les ex-membres des gouvernements mondiaux réprimeraient si violement l’émergence de toutes ces jeunes nations. Et c’est la mort dans l’âme que nous avons contemplé les trois grandes juntes militaires, qu’étaient devenues la nouvelle coalition européenne, les états sino-africains et l’alliance islamorthodoxe, recruter massivement parmi les populations désespérées.
Dès lors l’institut avait perdu tout contrôle sur la plupart des centres de concentration d’Ætheria. L’institut déjà engagé auprès des forces de l’OTAN et de la nouvelle Europe fut donc contrait, afin de ne pas disparaitre, de continuer à soutenir ces dernières dans leurs efforts pour maitriser les dizaines de conflits qui éclataient en leur sein, ainsi que la guerre ouverte entre les trois grandes puissances. »


Gibbson s’arrête de parler quelques instants. Puis il ajoute d’une voix résignée :
« La suite vous la connaissez aussi bien que moi, probablement même mieux, en vérité.
En moins de deux ans, les fronts se stabilisèrent, les trois puissances redoublant d’imagination pour produire de nouvelles armes à l’Ætheria.
La plupart des groupuscules séparatistes maitrisés, seulent restaient les forces révolutionnaires, disséminées parmi les populations aux quatre coins du globe et sans réelle cohésion.
Face aux horreurs commises grâce à mon invention, j’ai dès lors décidé de tenter de réparer au mieux de mes moyens les torts que j’avais causés.
En secret, j’ai fait installer de petits centres de concentration un peu partout dans le monde. J’ai également commencé à faire parvenir aux forces les plus importantes quelques cristaux de suppressions et des informations sur les déplacements des forces armées.
Malheureusement, mon influence déjà très limitée en Europe était quasiment nulle dans le reste du monde.
Il prend un air pensif.
Pourtant la seule chance que nous ayons de changer la situation est de réussir à coordonner les actions de tous les groupes révolutionnaires du globe.

Il reprend son récit :
J’ai alors commencé à rencontrer de plus en plus souvent les résistants, faisant passer du matériel et des informations. Malheureusement les forces de l’OTAN m’ont repéré près du front de l’est il y a deux semaines de cela.
J’ai in extrémis réussi à prévenir un groupuscule avant de me faire arrêter. Depuis, chaque jour et chaque nuit j’espère que quelqu’un vienne pour me libérer.
Je dois à tout prix faire parvenir les localisations des centres clandestins. Vous comprenez ? »


Marc reste silencieux un moment. Au fond de lui, il espère que les paroles de Gibbson sont vraies. Il espère qu’un plan global existe. Il espère que le monde puisse redevenir un endroit gai dans lequel les hommes pourront vivre en paix.
Malheureusement, la souffrance qui étreint son cœur, la folie qui habite désormais les yeux de son dernier ami ainsi que le fanatisme des personnes qu’il côtoie depuis près de quatre ans le font douter de cette possibilité.
« Je tenterai de vous aider. Mais en vérité je ne crois pas que vous ayez vraiment une chance parmi nous. Même si je convaincs Boris, qui ne rêve que de vous tuer depuis quatre ans, je doute que quiconque parmi les force du grand libérateur ne vous apporte le moindre soutien… »

Tandis que ses dernières paroles s’évanouissent, la jeep sort des tunnels, une lumière écarlate baigne ses occupants.
Tout autour, de longues ombres se profilent parmi les décombres qui jonchent le sol. Au loin, derrière eux, le champ de bataille du carrefour s’éloigne et l’on peut distinguer sa fumée.