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Joute 31
Joute 31 Texte 6 : L'Objet
Le 30/08/2012 par Calyss non favori



La caverne était vaste. Très vaste. Et pleine comme la Place des Trois Empereurs le jour du grand marché. Il ne savait où commencer. Comment trouver un trésor au milieu de tant de trésors ?
Ríon rejeta en arrière sa cape roussie et essuya son visage sali par la suie d’un revers de la main. Il se sentait frustré, terriblement frustré. Tant d’obstacle surmonté pour parvenir jusque là, et il risquait d’échouer à cause de cette maudite grotte aux merveilles ?
Bien sûr, s’il avait disposé de plus de temps… Il avait bien assez de provisions avec lui pour passer plusieurs jours dans la caverne. La fouiller au peigne fin, retourner chaque coupe étincelante, ouvrir chaque coffre recouvert de pierres précieuses. Mais son temps était compté. Le Gardien de ce lieu allait finir par se montrer.
Mettant de côté son abattement, il s’avança entre les piles d’objets. Il connaissait la légende, savait que depuis des siècles, le Gardien venait entreposer là des objets dérobés à travers les cinq continents. Objets qui venaient s’ajouter au trésor originel, celui du Roi Fou.
Mais une telle quantité… Il secoua la tête.
Et la quantité n’était pas la seule chose impressionnante, en ces lieux : ce n’étaient pas un simple entassement de pièces ou d’argenterie, qu’il y avait là. C’étaient des objets rares, uniques. Et recherchées. Par des générations d’aventuriers et de pilleurs – cela ; de toute façon, revenait au même. Qu’ils n’aient jamais touché au but ou aient périt en l’approchant. La valeur de ces trésors était surtout due à leur renommée.
Il regarda l’épée qui pendait à sa hanche, dans son fourreau de cuir usé, sans doute indigne de l’arme qu’il protégeait, mais il ne voyait pas l’intérêt de le changer.
C’était la légendaire Talimëa, la seule véritable merveille qu’il ait jamais croisée sur sa route. Elle avait bien plus de valeur pour lui que toutes les pièces d’or, toutes les pierres étincelantes qui habitaient ce lieu. C’était sa seule femme, son seul enfant.
Il l’avait découvert, presque par hasard, cinq ans plutôt, et les cinq années écoulées depuis aurait suffi à combler la plus longue des vies. Elle lui avait ouvert un monde. Un monde fait d’aventures et de danger.
Des aventures qui l’avaient conduit, il y avait à peine trois mois de cela, à faire la rencontre de Liésande. Et des dangers qui, parvenue aux oreilles de la prêtresse, l’avaient convaincu qu’il était à même de conduire cette quête.
Il était de passage dans la capitale, installé dans une auberge. On lui avait fait parvenir un message, dont le sceau, inconnu, représenté un dragon enroulé sur lui-même. C’était celui de Liésande, qui lui demandait de venir la voir. Elle lui avait beaucoup parlé, et il ne savait combien de temps cela avait duré. Quelques heures ? Une journée entière ? Il n’en savait rien. Peut être même était-il resté dans ses appartements plusieurs jours. Et il ne se rappelait pas de la moitié de ce qu’elle lui avait dit.
Il était donc parti, quelques jours plus tard, à la tête d’un groupe de héros recrutés dans les auberges de la capitale. Groupe des plus hétéroclite, comme il se devait, et le genre de compagnie qu’il aimait, élevé comme il avait été aux son des balades épiques. Ainsi, il s’était entouré de deux guerriers chevronnés, d’un assassin revêche mais efficace, d’une petite mage – qui avait d’ailleurs passé plus de temps à tenter de séduire les hommes qu’à pratiquer son art –, d’un maître archer, et même d’un barde. Il n’était certes pas d’une très grande utilité dans les situations difficiles, mais il avait su charmer leurs oreilles, et l’idée même d’avoir un compagnon de ce genre était plaisante.
Le dernier d’entre eux – l’archer – avait trouvé la mort trois jours plus tôt, alors qu’ils pénétraient dans la vallée où se trouvait l’entrée de la grotte.
Lui avait survécu avec à peine une égratignure de temps en temps. Le fait de Talimëa, bien sûr, puisqu’il ne se connaissait aucun don particulier qui l’aurait aidé à échapper à ce qu’il avait eut à affronter. Cette épée n’appréciait pas perdre son propriétaire, à ce que l’on disait.
Il continua d’avancer, s’enfonçant vers le cœur de la grotte. Une idée, qui était déjà venu le visiter a de multiples reprises depuis qu’il avait débuté son voyage, revint lui chatouiller l’esprit : la légende racontait qu’aucun homme n’était jamais revenu vivant de cet endroit. Hors, comment une légende peut-elle se propager, et avec une telle exactitude – la grotte, comme le trésor, se trouvaient après tout bel et bien là – si personne n’est jamais revenu des lieux qu’elle décrit ?
Cela voulait dire que les contes mentaient sur ce point.
Soit, donc, ils provenaient d’aventuriers tels que lui qui avaient survécu à leur visite de la caverne, soit de gens pourvus du même don que Liésande. Des gens capables d’ouvrir des fenêtres sur des réalités présentes ailleurs. Il l’avait vu faire cela. Elle avait ouvert devant ses yeux un espace de la taille d’un miroir, ou d’un tableau donnant sur l’extérieur, et lui avait montré des scènes qu’aucun jeu de reflets produit par trucage n’aurait pu lui faire voir. Mais la prêtresse était incapable de traverser ces fenêtres, sinon l’affaire aurait été beaucoup plus simple, et elle n’aurait eut qu’à venir cueillir l’objet de ses désirs elle-même.
Ou peut être que le Gardien aimait raconter des histoires à l’oreille des hommes endormis, lors de ses innombrables pillages dans le monde commun.
Il espérait vraiment que la première hypothèse, celle des explorateurs revenus de leur grandiose découverte, était la bonne. Cela augmentait quelque peu ses propres chances de réussite.
Il continua à arpenter la caverne.
Sur son chemin, il vit plus qu’aucun roi ne pouvait contempler en une vie de faste et de richesse. Il vit la masse de Trandur, l’armure de Valanra la Haute, le coffre d’Iktar, la cape d’Estross, la paire de poignard de Therin l’Ombreux, le Cor d’Akonel, la coupe de Shadra... Tous reconnaissables à quelques signes particuliers décrits dans les histoires. Comme il aurait aimé s’arrêter pour les regarder, peut-être en ramasser certains. S’il le faisait, s’il les ramenait avec lui, il aurait sans doute aucun été le plus grands des héros, celui qui aurait apporté l’objet de tant de quêtes.
Mais il ne pouvait pas. Liésande, aussi éloigné qu’elle était, ne lui en laissait pas le choix. Il ignorait qui – ou plutôt, ce qu’était la prêtresse, exactement, mais elle avait bien plus de pouvoir qu’aux premiers abords. Elle s’était arrangé, il ne savait trop comment, pour que l’objet de ses désir devienne celui de Ríon. Depuis leur rencontre, il ne rêvait plus que de cela, alors même qu’il n’avait qu’une vague idée de ce à quoi il pouvait bien ressembler. Il ne repartirait pas sans lui. Et il n’avait le temps de se préoccuper que de lui.
Il ne savait même pas vraiment pourquoi la prêtresse tenait tant à s’en emparer. Elle lui avait dit que son obtention réjouirait le Grand Prêtre, ce qui, si elle ne lui avait pas mentit, voulait dire que cet objet avait un lien avec l’Eglise. Ou alors – mais cette théorie n’était sans doute que l’invention du cerveau à l’imagination fertile de Ríon – elle avait un lien particulier avec le Grand Prêtre et ils étaient complices dans une machination visant à se procurer un objet de pouvoir…

Le soulagement s’empara de lui lorsqu’il vit le piédestal, et l’objet qui y reposait.

C’était une petite sculpture, de peut être un pied de haut, ou à peine plus. De pierre noire et luisante, et sculptée si finement que la créature en paraissait vivante.
En la voyant, Ríon se rendit compte qu’il en avait déjà entendu parler, avant même de rencontrer Liésande. C’était un très vieil objet, qui datait d’avant même le Roi Fou. On en trouvait la trace dans un certain nombre de légende. Jamais comme sujet principal, mais souvent mentionné de façon anecdotique.
C’était évidemment l’objet qu’il recherchait. Tout son être le lui criait. Grâce à Liésande, bien sûr. Il ne doutait plus maintenant que la prêtresse – ou la sorcière, il ne savait plus trop – lui avait effectivement lancé quelque sorte de malédiction, qui le rattachait à la statue.
Mais alors qu’il allait s’avancer vers l’objet de sa quête, quelque chose, venu de l’entrée de la caverne, arriva.
Ce fut comme un grand vent froid, comme une immersion dans un lac gelé. Il fut transi jusqu’à la moelle des os. Titubant sous l’effet du froid soudain, il se retourna.
Il s’attendait à sa venue, mais ce fut tout de même surprenant. Beaucoup de rumeurs couraient à propos du Gardien. C’était un homme, C’était une femme. C’était autrefois un homme mais il était maintenant défiguré par une malédiction. Il était d’une incroyable beauté. C’était un animal.
Le Gardien avait l’air d’un fantôme, fait de brume ou de fumée, forme vaguement humaine. Il était grand et menaçant, se tenant entre Ríon et la statue.
Il lui parla.
- Ríon, fils de Madryn, chuchota l’apparition d’une voix de glace. Tu as finalement décidé de venir… Sache que tu as scellé ton destin en prenant part à cette quête.
- Je le savais lorsque j’ai accepté. Tu ne m’apprends rien, Gardien.
Le spectre émit un long ricanement qui résonna dans la caverne comme le gémissement d’un vent froid. Un frisson parcouru Ríon, du bout de ses orteils endoloris par des jours de marche jusqu’au sommet de son crâne.
- Oh non, fils de Madryn. Tu ne sais rien du sort qui t’attend, rien que pour avoir pénétré en ces lieux.
Il ricana à son tour, plus par bravade que par réelle conviction.
- Tu sais, Gardien, pour venir ici, j’ai affronté le désert brûlant, les montagnes gelées, plus de brigands que je ne saurais en compter, des chamans psychopathes (Il leva les yeux vers le plafond de pierre, ceux là leur avaient donné du fil à retordre)… Et enfin, cette fichue vallée humide et pourrissante. Même les flammes de tes chiens de gardes, ces grotesques salamandres qui tentent vaillamment de se faire passer pour des dragons n’ont rien pu contre moi. Et toi, spectre désincarné, comment pourrais-tu m’arrêter ?
- Je vois que tu n’as toujours pas compris, humain à l’esprit limité ! Je n’ai rien à voir avec le sort qui sommeille en ces lieux. Le trésor que tu convoite, c’est lui qui est la cause de tout. Il a sa volonté propre, et il est avide. Très avide. Il réclame la souffrance, et il n’est pas de pire destin que celui qu’il donne à ceux qui veulent se l’approprier.
- Donc, cet objet n’est pas qu’un simple trésor…
Il s’en doutait. On ne lance pas une quête pareille pour une simple babiole.
- Et c’est donc pour cela qu’on m’a demandé de partir à sa recherche.
Si le Gardien avait possédé un visage, un grand sourire, sans doute plein d’ironie, serait apparu dessus.
- Bien sûr, sinon, quel intérêt aurait-il ? Sache que cet objet renferme l’esprit de l’être le plus maléfique que cette terre ait connu, vois-tu de quoi je parle ?
« Je ne le vois que trop bien pour ne pas être effrayé », songea-t-il.
Et c’était bien la première fois qu’il l’était vraiment, depuis le début de sa quête. Mais il ne savait trop ce qui lui faisait le plus peur. Etait-ce l’idée de ce qui était enfermé dans l’objet recherché, ou la question qui résonnait maintenant dans son esprit.
Qu’est-ce que l’Eglise voudrait faire d’un pareil démon ?

Mais le Gardien ne lui laissa pas le temps d’approfondir son questionnement. Interrompant le fil de ses pensées, il déclara.
- Je vois à ton expression que tu m’as compris, fils de Madryn. Il est donc venu le temps de ta fin. Prépare-toi à accueillir ton destin.
Les volutes de brumes qui composaient le Gardien se firent soudainement plus sombres, et il commença à avancer vers Ríon.
Talimëa sortit de son fourreau, comme de par sa propre volonté, pour atterrir entre ses mains gelées, et Ríon la brandit face au spectre.
Mais devant ses yeux, la lame levée attrapa soudain le reflet de la statuette. Le peu qu’il en vit le plongea alors dans une terreur telle qu’il n’aurait jamais cru ressentir un jour. L’objet en lui-même n’avait pourtant rien d’extraordinaire. En tout ca, pas plus que la première fois qu’il avait posé les yeux sur lui. C’était l’aura de noirceur qui, tout à coup, le nimbait… Elle donnait au petit dragon sculpté un air infiniment menaçant. Sous cette aura sombre, les minuscules piques qui hérissaient le dos de la créature se faisaient tourmentées et vicieuses. Ses muscles de pierre étaient tels des boursouflures malsaines et ses ailes à demi ouvertes paraissaient prêtes à se déployer sur le monde comme la plus lourde des chapes de plomb.
Ríon ne pouvait détacher le regard de ce spectacle de cauchemar. Les yeux fixés sur la lame de son épée bien aimée, il ne vit pas le Gardien se déplacer. Tout ce qu’il perçut de l’approche de son destin fut le souffle glacial que causa le déplacement du spectre et, au dernier moment, le gémissement de mille âmes.

Son âme fut arrachée à son corps, et ce fut pire que tout ce qu’il avait jamais connu.

Il fait maintenant parti d’un tout hurlant et gémissant. Il fait partie du Gardien, et son destin est de veiller sur le Dragon de pierre noire jusqu’à ce que le monde cesse d’exister.

Tandis que le Gardien reprend sa tâche millénaire, à terre git Talimëa, qui rejoint en ces lieux dragon et merveilles.